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Accident mortel au retour d’un repas de service alcoolisé : l’état d’ébriété de la victime exclut l’imputabilité au service

Conseil d’État, 3 novembre 2023, n° 459023

L’accident mortel dont est victime un agent en état d’ébriété au retour d’un repas sur le temps de travail où de l’alcool a été servi est-il imputable au service ?

Non tranche fermement le Conseil d’Etat approuvant les juges d’appel d’avoir considéré que le choix délibéré de l’agent de conduire sous imprégnation alcoolique était constitutif d’un fait personnel rendant l’accident détachable du service. Peu importe que l’alcool ait été consommé à l’occasion d’un évènement festif organisé pendant le temps de travail et que l’accident se soit produit sur le parcours habituel et pendant la durée normale du trajet entre le lieu de travail de l’agent et sa résidence. Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence (judiciaire comme administrative) très stricte en matière de consommation d’alcool. La circonstance que l’accident ne soit pas reconnu comme étant imputable au service, ne signifie pas pour autant que des responsabilités, y compris pénales, ne puissent le cas échéant être recherchées. En effet, il a déjà été jugé que le fait de laisser une personne en état d’ébriété prendre le volant (ou le guidon) alors qu’il est en état manifeste d’ébriété constitue une faute caractérisée exposant le conducteur, ses éventuels passagers et les autres usagers de la route à un risque que l’on ne pouvait ignorer.

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Après avoir participé à un repas de service organisé pour fêter la période dite de fin de chauffe, un employé municipal regagne son domicile au moyen d’un scooter de service.

 

Sur le trajet de retour, il est victime d’un accident mortel après avoir perdu le contrôle de son véhicule, heurté un camion et été projeté sur un autre véhicule qui le suivait.

 

Il ressort de l’enquête qu’au moment de l’accident, l’agent était en état d’imprégnation alcoolique estimé entre 0,89 g et 1,07 g/l de sang, soit un taux supérieur au taux maximal autorisé pour la conduite de véhicules. De fait des boissons alcoolisées avaient été servies lors du repas organisé pendant le temps de travail.

 

La conjointe de l’agent décédé demande en vain à la ville la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’accident. Le tribunal administratif rejette sa demande, ce que confirme la cour administrative d’appel : l’alcoolémie de l’agent est un fait personnel ne permettant pas de rattacher l’accident au service.

A l’appui de son pourvoi, la requérante objecte que l’alcool a été consommé à l’occasion d’un repas de service et s’est produit sur le parcours habituel et pendant la durée normale du trajet entre le lieu de travail de l’agent et sa résidence.

Peu importe répond le Conseil d’Etat qui confirme la position des juges d’appel :

« Est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service (...) C’est sans erreur de qualification juridique, et par un arrêt suffisamment motivé, que la cour administrative d’appel a jugé que le choix délibéré de l’agent de conduire sous imprégnation alcoolique était constitutif d’un fait personnel rendant l’accident détachable du service. C’est sans erreur de droit qu’elle a jugé qu’était à cet égard sans incidence la circonstance que l’alcool ait été consommé à l’occasion d’un évènement festif organisé pendant le temps de travail. C’est enfin sans erreur de droit qu’elle en a déduit que, quand bien même l’accident s’était produit sur le parcours habituel et pendant la durée normale du trajet entre le lieu de travail de M. C... et sa résidence, cet accident ne pouvait être regardé comme imputable au service.  »
Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence (judiciaire comme administrative) très stricte en matière de consommation d’alcool. La circonstance que l’accident ne soit pas reconnu comme étant imputable au service, ne signifie pas pour autant que des responsabilités, y compris pénales, puissent le cas échéant être recherchées.

Le fait de laisser une personne en état d’ébriété reprendre le volant (ou le guidon) alors qu’il en état manifeste d’ébriété peut caractériser une faute caractérisée exposant le conducteur, ses éventuels passagers et les autres usagers de la route à un risque que l’on ne pouvait ignorer. La chambre criminelle de la Cour de cassation (Soirée arrosée : le repas de service finit mal) l’a déjà jugé pour un accident mortel dont a été victime un salarié après un repas de fin d’année où de l’alcool avait été servi.

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