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Le baromètre 2022 du risque pénal public local est en ligne : les chiffres clés

Dernière mise à jour le 2 mars 2023

Le rapport annuel 2022 de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale est en ligne ! Découvrez les chiffres clés de la responsabilité pénale des acteurs publics locaux sous forme d’interview de Luc Brunet et téléchargez le rapport complet. Non pour jouer à se faire peur, mais pour mieux cerner la réalité de la pénalisation de la vie publique locale et identifier les zones de vulnérabilité.

« Comment » sont calculés ces chiffres ?

Nous disposons de trois sources complémentaires : les contentieux déclarés à SMACL Assurances, les articles de presse qui relatent des mises en cause, et les décisions de justice accessibles sur les bases de données de jurisprudence. Cela nécessite un travail de fourmi qui nécessite de la rigueur et de l’endurance ! L’occasion de souligner le travail de l’ombre de Claire, de Sandrine et cette année de Louise, qui contribuent à ce recensement.

N’y-a-t-il pas de trous dans la raquette ?

Nécessairement ! Nos chiffres ne sauraient prétendre à l’exhaustivité. D’une part il y a la fameuse règle du « pas vu pas pris », d’autre part nous sommes tributaires de la médiatisation des affaires. Il faut donc prendre nos chiffres avec du recul.

Pour autant un élément est à prendre à compte : les collectivités sont soumises à plusieurs regards croisés qui limitent le risque de « trous dans la raquette ». Que ce soit les organismes de contrôle (CRC, services de la préfecture, AFA , HATVP, parquet…), l’opposition, les signalements internes, les contribuables, les associations de lutte contre la corruption (Transparency et Anticor), les associations de protection de l’environnement, la presse d’investigation, les victimes directes des infractions… Sans oublier les changements de majorité municipale qui peuvent conduire à des poursuites.

Quels chiffres clés concernant la responsabilité pénale des élus ?

Ce sont près de 2000 élus locaux (1979 pour être précis) qui ont été poursuivis au cours de la période 2014-2020, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à la précédente mandature. En moyenne, c’est un élu local qui fait l’objet d’une mise en cause pénale par jour.

Nous estimons que ce chiffre devrait se réduire de près de 20 % au cours de la mandature 2020-2026 avec un peu plus de 1600 élus locaux qui devraient être poursuivis. Ces premières estimations restent cependant à consolider, ce d’autant qu’après une année 2020 relativement clémente, nous constatons une reprise du contentieux en 2021 avec 305 élus locaux poursuivis.

Pour autant le taux de mise en cause pénale des élus locaux reste marginal : au 1er janvier 2021 la France comptait 579 484 élus locaux (source : DGCL, les collectivités locales en chiffres 2022). Si l’on rapporte le nombre de poursuites dirigées contre les élus locaux sur la mandature 20214-2020 à ce chiffre, cela donne un taux de mise en cause pénale de … 0.342 % toutes infractions confondues (y compris pour des faits où la probité des élus n’est pas en jeu). Si l’on se concentre sur les seuls chefs des exécutifs locaux le taux de mise en cause pénale est plus important : il est de 2,35 % de manière globale (maires, présidents de groupement de collectivités, de département ou de régions) et de 2,72 % pour les seuls maires.

Très loin dans tous les cas du délétère « tous pourris ».

Ce d’autant qu’en moyenne le taux de condamnation des élus locaux poursuivis (rapport du nombre de condamnations sur le nombre de poursuites) est de 39,7 %. Ainsi plus de six élus poursuivis sur dix bénéficient finalement d’une décision qui leur est favorable. Sur la mandature 2014-2020, nous avons enregistré au 30 septembre 2022, 477 condamnations d’élus locaux (toutes infractions confondues). Ce nombre va encore évaluer à la hausse : nous estimons que 786 élus devraient au final être condamnés à l’achèvement des procédures.

Pour la mandature 2020-2026 nous estimons que ce sont près 650 élus qui devraient être condamnés. Ainsi près de 1000 élus locaux poursuivis au cours de cette mandature devraient bénéficier d’une décision qui leur est favorable. L’occasion de souligner toute l’importance du principe de la présomption d’innocence !

Et pour les fonctionnaires territoriaux ?

Ils sont encore moins exposés que ne le sont les élus locaux : nous avons recensé 970 fonctionnaires territoriaux poursuivis dans l’exercice de leurs fonctions au cours de la mandature 2014-2020 (soit une hausse de 20 % par rapport à la précédente mandature et une moyenne de 3 fonctionnaires poursuivis pénalement chaque semaine).

Comme pour les élus, alors que nous étions sur une tendance baissière depuis 2016 nous constatons une reprise des poursuites en 2021 où nous avons recensé 134 poursuites dirigées contre des fonctionnaires territoriaux (contre 108 en 2020).
Pour la mandature 2020-2026, à ce jour nous estimons que ce sont plus de 747 fonctionnaires territoriaux qui devraient être poursuivis d’ici la fin de cette mandature, ce qui constituerait une baisse de 23% par rapport à ce que nous constatons sur la mandature 2014-2020. Ces chiffres restent encore à consolider et la reprise du contentieux observée en 2021 invite à la prudence.

Au 31 décembre 2020 on comptait 1 960 300 agents rémunérés sur emploi principal dans la fonction publique territoriale (FPT) (source : DGCL, les collectivités locales en chiffres 2022). Si l’on rapporte le nombre de poursuites contre les fonctionnaires territoriaux sur l’ensemble de la mandature 2014-2020 à ce chiffre, cela donne un taux de mise en cause pénale de … 0.0495 % toutes infractions confondues (soit un taux près de 7 fois inférieur à celui constaté pour les élus locaux).

Le taux moyen de condamnation des fonctionnaires territoriaux poursuivis est de 36,3 % (inférieur de trois points à celui des élus locaux). Ainsi plus de six fonctionnaires territoriaux poursuivis sur dix bénéficient au final d’une décision qui leur est favorable. De fait sur les 970 fonctionnaires poursuivis au cours de la mandature 2014-2020, ce sont près de 620 qui devraient, à l’achèvement des procédures, bénéficier d’une décision qui leur est favorable. Pour la mandature 2020-2026 nous estimons que ce sont un peu plus de 270 fonctionnaires territoriaux qui devraient être condamnés pénalement à l’issue des procédures.

Constatez-vous une différence entre les motifs de poursuites et les motifs de condamnations ?

En principe il y a une corrélation entre les deux mais il y peut y avoir des nuances. Ainsi s’agissant des élus locaux, si les manquements au devoir de probité et les atteintes à l’honneur sont aux deux premières places dans les deux cas, les atteintes à la confiance (faux en écriture) constituent le 3e motif de condamnation alors que ce sont les atteintes à la dignité (harcèlement, discrimination, injure) qui devraient compléter logiquement le podium.

Le constat est le même pour les fonctionnaires territoriaux : alors que les manquements au devoir de de probité et les atteintes à la confiance sont aux deux premières places dans les deux cas, les violences sexistes et sexuelles constituent désormais le 3e motif de condamnation des fonctionnaires alors que ce sont les atteintes à la dignité qui devraient là aussi compléter le podium si la logique avait été respectée. C’est le signe que le taux de condamnation n’est pas identique selon le type d’infractions. C’est pourquoi nous calculons un taux propre à chaque catégorie.

Y a-t-il un contentieux à surveiller plus particulièrement ?

Les manquements au devoir de probité constituent toujours et largement le 1er motif de poursuites et de condamnations des élus locaux, comme des fonctionnaires territoriaux. Une vigilance particulière s’impose donc en la matière. L’Observatoire SMACL continuera son travail de sensibilisation au travers de ses publications et de ses interventions.

A noter que depuis quelques années un contentieux prend de l’importance, de manière plus marquée pour les fonctionnaires territoriaux que pour les élus locaux : celui des violences sexistes et sexuelles. Ainsi sur la mandature 2014-2020 c’est le troisième motif de poursuites, et le deuxième motif de condamnations des fonctionnaires territoriaux ! Le constat est moins marqué pour les élus locaux (7e motif de poursuite et 5e motif de condamnation sur la mandature 2014-2020) mais ce contentieux est aussi en hausse et la tendance ne semble pas se démentir sur la mandature 2020-2026 : d’après nos estimations (qui restent à consolider) c’est une soixantaine d’élus et près de 90 fonctionnaires territoriaux qui devraient être poursuivis de ce chef au cours de cette mandature. Le mouvement #metoo a pu conduire à une libération de la parole des victimes et à un meilleur traitement judiciaire des plaintes de ce type.

Un dernier mot ?

Il y a deux dangers par rapport au risque pénal :
1. Croire que cela n’arrive qu’aux autres ;
2. Voir du risque partout et ouvrir le parapluie systématiquement ;
Dans les deux cas c’est l’action publique locale qui en pâtit. Entre ces deux excès, il y a place pour un juste milieu qui consiste à analyser le risque lucidement et en adoptant les bons comportements. Ce rapport annuel est à ce titre un très bon outil non seulement au regard des éléments statistiques fournis mais également par les résumés de jurisprudence qu’il contient et qui permettent de mieux cerner où se situent les vrais dangers pour pouvoir mieux les prévenir. Bonne lecture !!!

🎙 La presse en parle




- Le risque pénal des acteurs publics locaux à la loupe, Brigitte MENGUY, La Gazette des communes, 17 janvier 2023

- Poursuites pénales contre les élus : le rapport de l’Observatoire SMACL pointe l’importance de la présomption d’innocence, Lucile BONNIN, Maire Info, 17 janvier 2023

- Sortie du (passionnant comme chaque année) rapport 2022 de l’observatoire SMACL sur le risque pénal territorial, Eric LANDOT, Le blog juridique du monde public, 16 janvier 2023

- Rapport annuel Smacl : Les manquements à la probité... toujours « au top », Jean-Marc JOANNÈS, Achatpublic.info, 20 janvier 2023

- "Nous plaidons pour une refonte législative de la prise illégale d’intérêts", Interview de Luc BRUNET, propos recueillis par Marie MALATERRE, Acteurs publics, 26 janvier 2023

- Responsabilité pénale dans le monde territorial : chiffres et conseils (vidéo), Le blog juridique du monde publique, 29 janvier 2023, Luc BRUNET et Eric LANDOT

- Nouveau baromètre de la responsabilité pénale des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux, Editions WEKA, 30 janvier 2023

- Moins de poursuites judiciaires contre les élus locaux, Laurent THÉVENIN, Les Echos 31 janvier 2023

- Les élus locaux très rarement poursuivis en justice, Bernard GORCE, La Croix, 1er février 2023

- Un élu local poursuivi en justice chaque jour, révèle la mutuelle niortaise Smacl, Yves REVERT , La Nouvelle République, 3 février 2023

- Responsabilité pénale : en un mandat, 50 % d’élus locaux poursuivis en plus, Brigitte MENGUY, La Gazette des communes, 6 février 2023, p.45

- Risque pénal des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux : publication du Rapport annuel 2022 de l’Observatoire SMACL - Trois questions à Luc BRUNET, responsable de l’Observatoire SMACL, AJ CollectivitésTerritoriales Février 2023 (PDF)

- La judiciarisation, cette arme qui empoisonne les relations entre élus locaux, Marie-Amélie LOMBARD-LATUNE, 1er mars 2023

Précisions importantes sur la base de calcul de nos chiffres

Sommaire du baromètre 2022 du risque pénal public local
 Nombre d’élus locaux poursuivis et condamnés
 Nombre de fonctionnaires territoriaux poursuivis et condamnés
 Nombre de collectivités territoriales poursuivies et condamnées
 Zoom sur les manquements au devoir de probité
 Zoom sur les atteintes à l’honneur
 Zoom sur les atteintes à la dignité et à l’intégrité psychique
 Zoom sur les atteintes à la confiance
 Zoom sur les violences volontaires
 Zoom sur les violences involontaires
 Zoom sur les atteintes à l’environnement, au bien-être animal et à l’urbanisme
 Zoom sur les atteintes aux libertés et au secret
 Zoom sur les atteintes aux mœurs et à l’intégrité sexuelle