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1.2. L’élément intentionnel du délit de favoritisme

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Le délit d’octroi d’avantage injustifié, plus connu sous le nom de favoritisme, compte certainement parmi les incriminations les plus redoutées des élus et agents publics officiant en matière de commande publique. Retrouvez une analyse juridique de Matthieu Henon, avocat au Cabinet Seban et associés

 

1.2. L’élément intentionnel du délit de favoritisme

La loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, en créant un nouvel article 121-3 du Code pénal, a consacré le principe d’intentionnalité des délits et supprimé ainsi la catégorie des infractions matérielles, dont relevait jusqu’alors le favoritisme.

 

Dès lors, le délit d’avantage injustifié ne peut être constitué qu’en cas d’intention dûment établie (Crim. 30 avril 2003 : JD n° 2003-019543).


Pour autant, la jurisprudence considère désormais classiquement que cet élément intentionnel se résume à un dol général, c’est à dire dans la seule conscience de méconnaître la règle prescrite ; aucune intention de favoriser n’est requise.

 

L’élément intentionnel du délit de favoritisme est ainsi limité au fait d’enfreindre la règle prescrite sciemment – ce qui implique d’en avoir préalablement connaissance – et en conscience de ce que cette méconnaissance est pénalement réprimée.

 

Considérant toutefois que « nul n’est censé ignorer la Loi », à plus forte raison un élu ou un agent public lorsqu’il s’agit des règles de passation de marchés publics, la jurisprudence tend en outre à présumer l’intention au regard de la qualité de l’auteur du manquement.


En d’autres termes, dès lors que l’auteur a la qualité d’élu ou d’agent public, les juges présument sa connaissance de la loi, et, par suite, sa volonté d’en méconnaître les dispositions légales ou réglementaires.
Selon une formule désormais classique, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère ainsi que « compte tenu de sa qualité » de « son expérience et de son ancienneté dans la fonction » l’auteur « ne pouvait ignorer les règles applicables » et a donc « nécessairement participé à l’infraction » (Crim. 15 décembre 2004 : JD n° 2004-026835 ; Crim. 25 juin 2008, n° 07-88.373).

 

Cette présomption s’affermit à mesure « du nombre des manquements relevés » (CA Grenoble, 27 septembre 1997 : JD n° 1997-043079), voire « de l’ensemble des manœuvres ayant abouti à faire apparaître une entreprise comme étant la moins disante » (Circ. crim. 98.4/G3 2 juillet 1998).

 

Ainsi, si le délit de favoritisme constitue, par application des dispositions de l’article 121-3 du Code pénal, une infraction intentionnelle, il demeure en pratique un délit quasi matériel.