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© Sergey Lavrentev

1.1. L’élément matériel du délit de favoritisme

1.1.2. La méconnaissance de la réglementation

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Le délit d’octroi d’avantage injustifié, plus connu sous le nom de favoritisme, compte certainement parmi les incriminations les plus redoutées des élus et agents publics officiant en matière de commande publique. Retrouvez une analyse juridique de Matthieu Henon, avocat au Cabinet Seban et associés

1.1. L’élément matériel du délit de favoritisme

Le délit de favoritisme implique la réunion de deux éléments matériels cumulatifs :

 Le fait de procurer ou de tenter de procurer un avantage injustifié (1.1.1) ;

 La méconnaissance de dispositions législatives ou réglementaires garantissant la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics (1.1.2.).

 

1.1.2. La méconnaissance de la réglementation

Le délit de favoritisme est constitué dès lors que l’avantage injustifié procède d’un manquement aux dispositions législatives ou réglementaires garantissant la liberté d’accès et l’égalité des candidats aux marchés publics.

 

Semblent ainsi exclues du champ de la répression les manquements à des textes ne présentant pas de caractère légal ou réglementaire, tels par exemple que des directives communautaires non transposées dans l’ordre juridique interne.

 

En tout état de cause, le manquement doit être apprécié par référence à la législation applicable à la date de sa commission, le délit d’octroi d’avantage injustifié constituant une infraction instantanée.
Il doit également être précisément énoncé par le Juge pénal, qui est ainsi amené à connaître d’une matière traditionnellement réservé aux Juridictions administratives.

 

Sur le fond, le texte d’incrimination ne vise pas précisément les textes dont la méconnaissance est sanctionnée.

 

On peut bien évidemment affirmer sans se tromper qu’il s’agit au premier chef du Code des marchés publics et des dispositions légales complémentaires soumettant spécifiquement certains établissements publics et opérations, qui en sont normalement exclus, aux principes de liberté d’accès et d’égalité de traitement qu’il édicte.

 

Il en résulte que le délit d’octroi d’avantage injustifié a aujourd’hui vocation à s’appliquer, non seulement aux marchés publics stricto sensu, mais encore aux délégations de services publics, aux contrats passés par les sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public, aux contrats passés par les établissements publics industriels et commerciaux, ainsi qu’aux sociétés d’économie mixte locales (Crim. 25 juin 2008, n° 07-88.373).

 

Dans ce cadre, les manquements aux règles relatives à l’égalité de traitement et à la liberté d’accès des candidats peuvent être constatés à diverses étapes de la passation des contrats, de la définition de la procédure applicable à l’exécution du contrat, en passant par la procédure de consultation et l’examen des offres.

 

Les manquements au Code des marchés publics susceptibles de constituer le délit de favoritisme sont donc nombreux, et relativement bien identifiés en jurisprudence, par référence à un ensemble de procédures formalisées par le Code des marchés publics.


La difficulté apparaît s’agissant d’opérations spécifiques exclues de ces procédures formalisée, et dont la soumission au délit de favoritisme est débattue.

 

Tel est notamment le cas des marchés à procédure adaptée ou encore des opérations relevant des dispositions de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privée, non explicitement visés par le Code pénal comme constituant « des dispositifs législatifs ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ».

 

La question a toutefois été récemment tranchée pour les marchés à procédure adaptée, la Chambre criminelle de la Cour de cassation ayant considéré que l’article 432-14 du Code pénal incriminant le délit de favoritisme visait « tous les marchés publics sans opérer de distinction entre ceux qui, compte tenu de leur montant, sont passés sans formalité préalable et ceux qui sont soumis à un tel formalisme » (Crim. 14 février 2007 : n° 06-81.924).

 

La question demeure s’agissant des opérations relevant de l’ordonnance précitée du 6 juin 2005, au point de voir s’opposer la doctrine pénale, tenante de l’exclusion au visa du principe d’interprétation stricte de la Loi pénale (J.-D. DREYFUS, « Portée du délit de favoritisme : dura lex sed lex », AJDA 2007, p. 853), et la doctrine administrative, partisane d’une extension du champ de l’incrimin ation à la notion, plus large, de commande publique (A. RUELLAN, « Le délit de favoritisme est-il applicable aux marchés des entités soumises à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ? », Etude, AJDA 2008, p. 1139 ; Avis de la MIEM : Le Moniteur, Lettre d’actualité du 22 avril 2010).