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La jurisprudence de la semaine du 10 au 14 janvier 2011

Associations / Cimetières / Etat civil / Fonction publique / Hygiène et sécurité au travail / Marchés publics et contrats / Travaux publics / Voirie

(dernière mise à jour le 23/05/2011)


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Associations

 Un maire peut-il refuser la mise à disposition d’une salle à une association hostile à l’équipe municipale ?

Pas pour ce motif. Le maire ne peut refuser la mise à disposition d’une salle communale à une association que pour les nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services ou du maintien de l’ordre public.

Cour Administrative d’Appel de Nantes, 14 janvier 2011, N° 09NT03095


Cimetières

 Le titulaire d’une concession peut-il faire inscrire son nom sur le caveau avant son décès ?

Non. Doit être ainsi annulé l’arrêt d’une cour d’appel ayant rejeté la demande d’un frère tendant au retrait du nom de sa sœur sur le caveau familial : "en statuant ainsi, sans constater que le nombre de places disponibles dans le caveau permettrait d’y inhumer les époux A..., lesquels en ce cas ne pourraient exiger l’inscription de leur patronyme avant le décès de l’un d’eux, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision". Peu importe qu’ils aient procédé à la réfection du caveau, et qu’ils aient vocation à y être inhumés, ainsi que leurs enfants.

Cour de cassation, chambre civile 1, 12 janvier 2011, N° : 09-17373


Etat civil

 L’article 346 du code civil interdisant l’adoption par plusieurs personnes, si n’est par des époux, est-il contraire aux articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme ?

Non. Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n’est
par deux époux. Le droit au respect de la vie privée et familiale
n’interdit pas de limiter le nombre d’adoptions successives, ni
ne commande de consacrer par une adoption tous les liens
d’affection, fussent-ils anciens et bien établis.

Cour de cassation, chambre civile 1, 12 janvier 2011, N° : 09-16527


Fonction publique

 Est-ce au fonctionnaire de rapporter la preuve, devant le juge administratif, d’une discrimination syndicale dont il estime être l’objet ?

Non : il lui appartient seulement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une discrimination. A charge ensuite pour l’administration mise en cause de produire tous les éléments permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge administratif déterminera sa conviction au vu de ces échanges contradictoires.

Conseil d’État, 10 janvier 2011, N° 325268


 Un agent stagiaire licencié pour insuffisance professionnelle doit-il avoir été en mesure de prendre connaissance de son dossier ?

En principe non. Sauf si la mesure n’est pas prise exclusivement en raison d’une insuffisance professionnelle mais s’appuie également sur des faits précis de nature disciplinaire. Tel est notamment le cas lorsqu’un maire invoque, à l’appui de sa décision, un refus d’obéissance et une attitude rebelle et désinvolte.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 11 janvier 2011, N° 10BX01539


 Un fonctionnaire peut-il être révoqué pour avoir publiquement critiqué la politique du gouvernement ?

Pas nécessairement. Si un tel manquement au devoir de réserve justifie une sanction disciplinaire, il ne justifie pas pour autant une radiation des cadres. Est ainsi jugée manifestement disproportionnée la radiation des cadres prise contre un gendarme ayant publiquement critiqué le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur dès lors que les propos de l’intéressé sont restés mesurés et s’inscrivaient dans le cadre d’une critique de fond sans caractère polémique.

Conseil d’État, 12 janvier 2011, N° 338461


 Le versement, par erreur, d’une prime à un fonctionnaire est-il créateur de droits ?

Non : ne constitue une décision créatrice de droit une mesure qui se borne à procéder à la liquidation de la créance née d’une décision prise antérieurement. Ainsi le maintien indu du versement d’un avantage financier à un agent public n’est pas créateur de droit mais constitue une simple erreur de liquidation. Peu importe que le bénéficiaire ait informé l’ordonnateur qu’il ne remplissait plus les conditions de l’octroi de cet avantage. Il appartient à l’administration de corriger cette erreur et de réclamer le reversement des sommes payées à tort.

Conseil d’État, 12 janvier 2011, N° 339625


 L’autorité territoriale doit-elle obligatoirement consulter la commission de réforme avant de prendre un arrêté plaçant un fonctionnaire en congé de maladie ordinaire ?

Non : la consultation de la commission de réforme suppose que l’agent ait demandé à ce que son arrêt soit imputé au service. A défaut d’une telle demande, l’autorité territoriale peut placer l’agent en congé de maladie ordinaire sans avoir à consulter la commission de réforme.

Conseil d’État, 12 janvier 2011, N° 329468


 Un arrêté du maire plaçant un agent en congé de maladie est-il légal s’il n’est pas signé ?

Non. L’agent peut en obtenir l’annulation pour excès de pouvoir. Peu importe que la commune produise une copie de cet arrêté signée pour ampliation par un adjoint au maire.

Conseil d’État, 12 janvier 2011, N° 329468


 Un maire peut-il, à titre disciplinaire, décharger de ses fonctions un responsable de service pour lui confier des tâches ne correspondant pas à son cadre d’emploi ?

Non. La décharge de service ne figure pas au rang des sanctions disciplinaires pouvant être prises contre un agent. Peu importe que cette décharge soit également motivée par l’intérêt du service.

Conseil d’État, 14 janvier 2011, N° 333408


 La différence de traitement entre les fonctionnaires valides et invalides s’agissant de la majoration pour charges de famille est-elle conforme à la Constitution ?

Non. La différence de traitement au regard de l’objet de la majoration de pension pour charges de famille entre les fonctionnaires pensionnés invalides ayant élevé au moins trois enfants et les fonctionnaires pensionnés qui ne sont pas invalides et ont élevé au moins trois enfants n’est pas justifiée par l’objet de la loi. L’article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi déclaré contraire à la Constitution. Le législateur devra remédier à l’inconstitutionnalité constatée avant le 1er janvier 2012.

Décision n° 2010-83 QPC du 13 janvier 2011 NOR : CSCX1101353S


Hygiène et sécurité au travail

 Un salarié victime d’un accident du travail peut-il faire reconnaître la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ?

Oui : "il appartient à l’employeur qui considère injustifiée la prise d’acte de la rupture par un salarié qui, étant victime d’un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat". Ce n’est pas à la victime d’un accident du travail de prouver que l’employeur n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

Cour de cassation, chambre sociale, 12 janvier 2011, N° : 09-70838


Marchés publics et contrats

 Une collectivité peut-elle confier un marché de déneigement et de salage des routes à une entreprise qui ne dispose pas, à la date de remise des offres, du matériel nécessaire à l’exécution du marché ?

Uniquement si l’entreprise est en mesure de prouver qu’elle disposera bien du matériel pour l’exécution du marché. La simple production d’un devis signé obtenu auprès d’un garage n’est pas suffisante dès lors que le règlement de consultation impose aux candidats de renseigner les caractéristiques du véhicule de salage et de déneigement.

Conseil d’État, 12 janvier 2011, N° 343324


 Les contrats passés par un concessionnaire pour l’exécution de travaux publics sont-ils des contrats de droit public ?

Oui : les marchés passés par le maître de l’ouvrage pour l’exécution de travaux publics sont soumis aux règles du droit public. Il en est de même pour les marchés conclus aux mêmes fins par le concessionnaire, agissant en pareil cas pour le compte de l’administration et comme maître de l’ouvrage, quel que soit le statut de ce concessionnaire. Ainsi le contentieux survenu à propos d’un tel contrat ressortit dès lors à la compétence de la juridiction administrative.

Conseil d’État, 12 janvier 2011, N° 332136


 Le juge administratif peut-il faire prévaloir des stipulations d’un document contractuel sur celles de l’acte d’engagement pour annuler un marché ?

Non. Commet ainsi une erreur de droit une cour administrative d’appel qui fait prévaloir les stipulations d’un document contractuel sur celles de l’acte d’engagement pour considérer que le marché stipulait une date de commencement d’exécution antérieure à la date de sa conclusion et de sa notification et qu’il était en conséquence nul et ne pouvait recevoir application dans le litige qui lui était soumis.

Conseil d’État, 12 janvier 2011, N° 334320


 Saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un marché, le juge doit-il ipso facto écarter le contrat si le marché a été passé en méconnaissance des seuils fixés par le code des marchés publics ?

Non : le juge saisi d’un litige relatif à l’exécution d’un contrat doit en principe appliquer ce contrat même si celui-ci est entaché de nullité. Ce n’est que si l’irrégularité viciant le contrat est d’une particulière gravité que le juge peut, compte-tenu des circonstances, écarter l’application du contrat. Ainsi une cour administrative d’appel ne peut écarter un contrat pour le règlement d’un litige au seul constat que le marché a été passé en méconnaissance des seuils fixés par le code des marchés publics.

Conseil d’État, 12 janvier 2011, N° 338551


Travaux publics

 La destruction massive d’abeilles au cours d’une opération de lutte contre les moustiques constitue-t-elle un dommage de travaux publics ?

Oui : aux termes de l’article 12 de la loi du 16 décembre 1964 "Les dommages qui pourraient résulter des travaux et opérations de lutte contre les moustiques (...) seront considérés comme des dommages résultant de l’exécution de travaux publics et réparés dans les mêmes conditions." Une entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen est ainsi jugée responsable de la destruction massive des abeilles d’un rucher par l’épandage d’un insecticide contenant du Fénitrothion, produit dont la fiche des données de sécurité indique expressément le caractère dangereux pour les abeilles.

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 11 janvier 2011, N° 09MA00603


 La réception des travaux peut-elle reconnue comme étant contradictoire malgré l’absence de signature par l’une des parties du procès-verbal ?

Oui : l’exigence de la contradiction ne nécessite pas la signature formelle du procès verbal de réception dès lors que la participation aux opérations de réception de celui qui n’a pas signé ne fait pas de doute. Ainsi une Cour d’appel peut déduire, à bon droit, que la réception a été prononcée contradictoirement dès lors que la personne non signataire du PV était présente aux opérations de réception.

Cour de cassation, chambre civile 3, 12 janvier 2011, N° : 09-70262


Voirie

 Les communes rurales, faiblement peuplées, ont-elles des obligations moindres en matière de voirie que les localités plus importantes ?

Oui, concède en l’espèce la Cour administrative d’appel de Marseille, pour mieux souligner que cela ne les dispense pas de mettre en place une signalisation visible de nuit avertissant les usagers des dangers. Une commune rurale est ainsi jugée responsable, pour défaut d’entretien de l’ouvrage public, de la chute, au cours d’une promenade nocturne, d’une passante dans un caniveau profond de 30 cm , faute d’avoir mis en place une signalisation adéquate.

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 14 janvier 2011, N° 08MA03780

[1Photo : © Treenabeena