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Chute d’un arbre sur la chaussée : quelle responsabilité de la commune en cas d’accident ?

Tribunal administratif de Rennes, 12 octobre 2023 : n°2101832

Une commune engage-t-elle automatiquement sa responsabilité si un arbre, tombé sur la chaussée, a causé un accident ?

Non. L’administration est certes tenue d’entretenir les routes afin d’en assurer un usage conforme à leur destination, mais encore faut-il que l’administration ait eu matériellement le temps d’intervenir pour remettre en état la chaussée. Dans l’affaire soumise au tribunal administratif de Rennes, celui-ci écarte toute responsabilité de la commune :
 d’une part le délai entre la chute de l’arbre sur la route et l’accident était trop bref pour permettre à la commune d’intervenir ;
 d’autre part, l’arbre ne présentait pas de signes extérieurs au niveau de son implantation laissant présager sa chute.
S’agissant des chutes d’arbres sur la voie publique la responsabilité de l’administration pourra être engagée s’il est établi que la chute de l’arbre résulte d’un « défaut d’entretien normal » en raison du fait qu’elle était prévisible (l’arbre incriminé présentait une inclinaison marquée ou un enracinement défectueux visible et/ou portait des signes extérieurs de dépérissement). Il appartient au gestionnaire de la voirie de mettre en place un contrôle sanitaire régulier des arbres bordant la voie, particulièrement si le climat de la région est propice au développement de champignons pathogènes, et d’être attentif et réactif aux signes de fragilité des arbres. Dans une autre espèce, un département a ainsi été jugé responsable du décès d’une automobiliste victime de la chute d’un platane dont le tronc, fragilisé par la présence de champignons, a cédé sous l’effet de violentes rafales de vent.
 

Un motard et son passager sont victimes d’un accident sur une route communale après avoir percuté un arbre tombé sur la chaussée.

La victime recherche la responsabilité de la commune sur le fondement du défaut d’entretien normal de la voie de circulation. Il reproche également à la collectivité l’absence d’éclairage public.

Le cyclomotoriste réclame un peu plus de 110 000 euros au titre des préjudices subis.

Le tribunal administratif de Rennes rejette la requête indemnitaire.

Théorie de l’impossible et absence de prévisibilité du dommage

Si les collectivités sont responsables du bon entretien des voies dont elles sont propriétaires, encore faut-il qu’elles aient eu matériellement le temps d’intervenir. C’est l’application de l’adage "à l’impossible nul n’est tenu".

 
Si l’administration est tenue d’entretenir les routes afin d’en assurer un usage conforme à leur destination, elle ne peut cependant être obligée de faire enlever à tout instant les objets divers qui peuvent s’y trouver délaissés en dehors de son fait » rappelle le tribunal.
 
Pour écarter toute responsabilité de la commune, le juge retient :

1° L’absence de prévisibilité du dommage car l’arbre en cause ne présentait pas un état d’inclinaison ou de déracinement laissant présager sa chute.

En principe, en l’absence d’éléments extérieurs à l’implantation de l’arbre révélant sa dangerosité la responsabilité de la collectivité peut être écartée  [1]. En revanche, la responsabilité de l’administration sera engagée si l’arbre incriminé présentait une inclinaison marquée ou un enracinement défectueux visible de nature à faire pressentir sa chute [2] ou si des signes extérieurs de dépérissement pouvaient alerter les services compétents sur son état défectueux. De même il appartient au gestionnaire de la voirie de mettre en place un contrôle sanitaire régulier des arbres bordant la voie, particulièrement si le climat de la région est propice au développement de champignons pathogènes, et d’être attentif et réactif aux signes de fragilité des arbres. Un département a ainsi été jugé responsable du décès d’une automobiliste victime de la chute d’un platane dont le tronc, fragilisé par la présence de champignons, a cédé sous l’effet de violentes rafales de vent [3].

 
 

2° Le bref délai qui s’est écoulé entre l’heure probable de la chute de l’arbre sur la route et l’heure du sinistre. La commune n’a pas disposé du temps nécessaire pour intervenir.

Le tribunal administratif de Rennes en conclut que la commune apporte la preuve de l’entretien normal tant de la voie publique que de la dépendance de la voie publique constituée par cet arbre.

 
 

Faute de la victime pour défaut de maîtrise du véhicule

 

Le requérant soutenait qu’il n’avait pu éviter l’arbre tombé sur la voie de circulation, laquelle était dépourvue d’éclairage public et qu’il ne pouvait se voir opposer un défaut de maîtrise de son véhicule en présence d’un cas de force majeure.

Cet argument est écarté. L’arbre n’est pas tombé au sol « au moment même de l’accident ». Au contraire l’arbre litigieux se trouvait déjà au travers de la route lorsque le motard est venu le heurter.

 
 

Et, il ressort du procès-verbal établi par la communauté de brigades que la victime n’a pas freiné avant de percuter cet arbre.


Cet élément permet au juge de retenir un défaut de maîtrise du véhicule au moment de l’accident.

Les dommages sont donc uniquement imputables à la faute commise par la victime sans responsabilité de la collectivité.

 
* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 intelligence (disponible sur abonnement)

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[1Voir en ce sens CAA Marseille, 29 mai 2019 : n°18MA02663 : « aucune circonstance ne permettait de mettre en doute la solidité de l’enracinement de l’ arbre lui permettant de résister même à de fortes rafales de vent » ; CAA Bordeaux, 09 juillet 2001 : n°98BX00961 : « l’inclinaison de l’arbre n’était pas d’une nature telle qu’elle aurait permis de mettre en doute la solidité de son enracinement ».

[2CE, 16 juin 1976 : n°99.152