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Feux d’artifice : attention au périmètre de sécurité !

Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 mars 2023 : n°2000253

Spectatrice blessée lors d’un feu d’artifice en raison du non-respect du périmètre de sécurité : la commune, organisatrice de l’évènement, peut-elle imputer la faute au directeur de tir ayant agi comme collaborateur occasionnel ?

Non répond le tribunal administratif de Clermont-Ferrand : la faute dans la violation des règles de distance de sécurité ne peut être imputée au directeur de tir (au cas présent un sapeur-pompier) lequel a agi pour le compte de la collectivité en tant que collaborateur occasionnel du service public et non par contrat.
La commune est la seule responsable de l’accident. Un périmètre d’au moins 125 mètres aurait dû être mise en place, or la victime se trouvait à environ 98 mètres du pas de tir, derrière les barrières de sécurité positionnée à 86 mètres. En tant qu’organisatrice du feu d’artifice la commune est responsable du respect du périmètre de sécurité.

Alors qu’elle se trouvait derrière des barrières de sécurité, une spectatrice est blessée au mollet par une fusée lors du feu d’artifice du 14 juillet organisé par une commune rurale du Puy-de-Dôme. Selon les premières constations des gendarmes les fusées installées au sol dans la zone de tir auraient dévié de leur trajectoire.

Devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la victime recherche la responsabilité de la commune en sa qualité d’organisatrice de l’évènement pour non-respect des distances de sécurité.

En défense, la commune impute la faute au sapeur-pompier bénévole lequel en sa qualité de directeur de tir est responsable du non-respect des distances de sécurité à prendre en compte dans le positionnement des barrières "qu’elle n’a fait que mettre à disposition".

La collectivité appelle également en garantie la société ayant fourni les fusées sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux.

Responsabilité pour faute de la commune en sa qualité d’organisatrice du feu d’artifice

La responsabilité d’une commune en cas d’accident survenu à un spectateur lors d’un feu d’artifice peut être engagée sur le fondement d’une faute :

 dans le choix de l’artificier,
 dans l’organisation ou le fonctionnement du service public,
 dans l’accomplissement des mesures de police prises pour assurer la sécurité des spectateurs.

Il appartient à la victime de rapporter la preuve de cette faute.

« La responsabilité d’une commune ne peut être engagée en cas d’accident survenu à un spectateur d’un feu d’artifice tiré sur la commande de celle-ci que si la victime établit l’existence d’une faute de la commune soit dans le choix de l’artificier, soit dans l’organisation ou le fonctionnement du service public, soit enfin dans l’accomplissement des mesures de police prises pour assurer la sécurité des spectateurs ».

En l’espèce, il ressort du rapport de gendarmerie que le périmètre de sécurité pour le tir de feu d’artifice n’a pas été respecté. Un périmètre d’au moins 125 mètres aurait dû être mise en place, or la victime se trouvait à environ 98 mètres du pas de tir, derrière les barrières de sécurité positionnée à 86 mètres.

Le non-respect du périmètre de sécurité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

Rejet des appels en garantie à l’encontre du directeur du tir et du fournisseur des fusées

La commune met en cause le sapeur-pompier bénévole en sa qualité de directeur de tir. La collectivité argue qu’il est responsable du non-respect des distances de sécurité et qu’elle n’a fait que mettre à disposition les barrières de sécurité.

Tel n’est pas l’avis du juge puisque le sapeur-pompier a agi pour le compte de la commune en tant que collaborateur occasionnel du service public et non par contrat. Par conséquent, « il ne peut être mis en cause à raison de la même faute, qui réside dans la violation des règles de sécurité, dont l’application et l’organisation ressortissent de manière pleine et entière à la commune ». 

La commune échoue également à mettre en jeu la responsabilité du fournisseur des articles pyrotechniques. Celle-ci ne peut être mise en cause sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux même si le rapport de l’enquête judiciaire indique qu’ « un défaut de fabrication de cette bombe pourrait être à l’origine de l’explosion ». En effet, il ne s’agit que « d’ une simple supposition, dès lors que le matériel a été détruit et que le parquet n’a pas entendu poursuivre les investigations ».
Quoi qu’il en soit conclut le juge, une erreur de manipulation n’est pas exclue et les distances de sécurité prévues pour parer à ce type d’accidents n’ont pas été respectées.

La commune est jugée la seule responsable de l’accident.

En l’état du dossier, le juge ne peut évaluer le montant des préjudices corporels dont la victime est fondée à demander la réparation, une expertise médicale est ordonnée.

Quelques enseignements tirés de la jurisprudence :



👉 Le recours à un artificier professionnel ne suffit pas à écarter toute part de responsabilité de la commune organisatrice du spectacle de pyrotechnie. En effet, au titre de ses pouvoirs de police, le maire doit ajuster les périmètres de sécurité aux conditions climatiques, ou annuler l’évènement si celles-ci sont trop dégradées pour organiser le tir en toute sécurité (Cour administrative d’appel de Marseille 20 décembre 2018 n° 17MA03078).

👉 La délimitation de la zone de tir par une rubalise n’est pas jugée suffisante pour assurer la sécurité du public. Des barrières de sécurité auraient dû être installées pour délimiter le périmètre de sécurité fixé par arrêté du maire à une distance minimale de 150 mètres de la zone de tir. Le fait que la victime, grièvement blessée à l’œil par la chute d’une fusée non allumée, se trouvait à l’intérieur de ce périmètre, ne constitue pas dans ces circonstances, une imprudence fautive de nature à exonérer la commune, même partiellement, de sa responsabilité (Cour administrative d’appel de Lyon, 18 décembre 2014, N° 12LY22281

👉 La préparation du tir doit être effectuée avec beaucoup de sérieux, le juge s’intéressant de près aux réunions préparatoires. Il a ainsi été reproché à un adjoint au maire l’absence de rencontres entre les participants bénévoles à un spectacle pyrotechnique avec l’artificier et le fait que tous n’avaient pas participé aux quelques réunions de sécurité organisées (Cour de cassation, chambre criminelle, 22 mai 2013, N° 12-81819).

👉Le stockage des feux d’artifice ne s’improvise pas et il faut être vigilant au bon état de ceux-ci. Un dramatique accident s’est ainsi produit dans une commune après que deux agents aient récupéré des feux d’artifice chez une dame qui souhaitait s’en séparer après le décès de son fils. Les agents ont transporté 15 kilos d’explosifs dans un véhicule de service pour le stocker dans un atelier de la commune. Se rendant compte lors de la manipulation que le matériel récupéré n’avait pas été stocké dans les meilleures conditions de conservation et n’offrait pas toutes les garanties de stabilité, ils ont effectué un test sur l’une des bombes dans un lieu sécurisé qui a confirmé leurs doutes. Ils s’empressent alors de revenir à l’atelier pour récupérer l’ensemble du matériel en vue de sa destruction. Malheureusement à leur arrivée, les bombes ont explosé les blessant grièvement ainsi que deux autres collègues et tuant un autre agent. L’expertise a déterminé que l’agent tué étant occupé à meuler ou à souder à proximité immédiate des artifices... (Tribunal administratif Orléans, 15 décembre 2020, N°1800251).

Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 9 mars 2023 n°2000353 (PDF)*

* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 (disponible sur abonnement)