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Incendie causé par un feu d’artifice : la faute de l’artificier n’exonère pas la collectivité de toute responsabilité

Cour administrative d’appel de Marseille 20 décembre 2018 n° 17MA03078

Une commune peut-elle être responsable d’un incendie provoqué par des retombées d’un feu d’artifice alors qu’elle a respecté le périmètre de sécurité préconisé par l’artificier ?

Oui . Le recours à un artificier professionnel ne suffit pas à écarter toute part de responsabilité de la commune organisatrice du spectacle de pyrotechnie. En effet, au titre de ses pouvoirs de police, le maire doit ajuster les périmètres de sécurité aux conditions climatiques, ou annuler l’évènement si celles-ci sont trop dégradées pour organiser le tir en toute sécurité.

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Le 14 juillet, une jardinerie est en partie détruite par un incendie qui trouve son origine dans les retombées de débris enflammés provenant du feu d’artifice organisé par la commune et confié à un artificier professionnel. Deux serres, un entrepôt et des marchandises sont ainsi détruites.

La société exploitant la jardinerie recherche la responsabilité de la commune lui reprochant notamment :
 le choix inadapté du lieu de tir du feu d’artifice ;
 l’insuffisance du périmètre de sécurité ;
 le maintien du feu malgré la violence du vent alors que des communes voisines ont pris la décision d’annuler le feu ;
 l’insuffisance des moyens de lutte contre l’incendie déployés sur place ;
 l’absence d’une voie d’accès aux véhicules d’incendies et de secours (les renforts sont arrivés tardivement, une heure après le départ du feu, en raison des embouteillages).

La commune objecte principalement que la distance de sécurité de 150 mètres était suffisante, les débris n’étant plus enflammés au-delà de cette distance même par fortes rafales de vent. En outre la jardinerie était située à 200 mètres du lieu de tir.

De fait le tribunal administratif écarte la responsabilité de la commune. Mais en appel la cour administrative d’appel retient la responsabilité de la commune, partagée pour moitié, avec l’artificier.

Trois hypothèses possibles de responsabilité d’une commune dans l’organisation d’un tir de feu d’artifice

« La responsabilité d’une commune ne peut être engagée en cas d’accident survenu à la suite d’un feu d’artifice tiré sur la commande de celle-ci que si la victime établit l’existence d’une faute de la commune :
- soit dans le choix de l’artificier,
- soit dans l’organisation ou le fonctionnement du service public,
- soit dans l’accomplissement des mesures de police prises pour la sécurité des personnes ou des biens »

En l’espèce, le soir de l’incendie, de nombreux témoins ont confirmé la présence de plusieurs retombées de fusées du feu d’artifice. Des débris ont été retrouvés dans la jardinerie. Bien que des pétards aient été lancés à proximité par des non-professionnels, les juges retiennent que l’incendie, d’origine accidentelle, est donc bien lié de manière directe et certaine avec le tir du feu d’artifice de la commune.

Le juge applique très clairement ici la technique du faisceau d’indices pour rapporter la preuve du lien de causalité entre l’incendie et le feu d’artifice.

Les conditions climatiques auraient dû conduire la commune à annuler le tir, faute de pouvoir élargir le périmètre de sécurité (150 mètres ici) compte-tenu de la configuration des lieux :

« compte tenu de la vitesse du vent, d’environ 60 km/h selon le bulletin météorologique produit par les requérants et de la localisation du pas de tir en milieu urbain, la décision d’autoriser le tir, alors que le périmètre de sécurité ne pouvait plus être élargi, présente un caractère fautif alors, au demeurant que le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur avait, par courrier du 15 juin 2012, appelé les maires du département des Bouches-du-Rhône à la plus grande vigilance quant au maintien d’un spectacle pyrotechnique en cas de condition météorologique défavorable ».

Une responsabilité partagée pour moitié avec l’artificier

Les magistrats accueillent cependant favorablement l’appel en garantie exercé par la commune contre l’artificier qui devra assumer la moitié des dommages.

En effet, en exécution du cahier des charges du marché public, il incombait à l’artificier de présenter un plan de tir avec un périmètre de sécurité autour de la zone de tir :

« Eu égard aux conditions climatiques susceptibles d’être rencontrées localement et à la localisation du pas de tir, la société (...) a défini un périmètre de sécurité de la zone de tir d’une dimension insuffisante. Ainsi, elle a méconnu les obligations mises à sa charge par le marché conclu avec la commune. »

Cour administrative d’appel de Marseille 20 décembre 2018 n°17MA03078

[1Photo : Roven Images @rovenimages_com sur Unsplash