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Accident de slackline fixé à un candélabre public : la commune responsable ?

Cour administrative d’appel de Marseille, 3 juin 2025 : n°23MA00872

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Un jeune amateur de slackline (pratique dérivée du funambulisme) utilise un lampadaire public comme point fixe pour attacher sa sangle. Le candélabre se sectionne et chute sur l’adolescent en provoquant l’écrasement de son pied : la commune est-elle responsable ?

 
 
Non tranche le juge administratif car l’accident est exclusivement imputable à l’usage non conforme du candélabre. La cour administrative d’appel de Marseille confirme ainsi le jugement du tribunal administratif excluant la responsabilité de la collectivité : la victime « en utilisant ce candélabre à des fins étrangères à sa destination normale, sans s’être préalablement assuré que cet ouvrage ne présentait pas de danger pour l’usage qu’il envisageait d’en faire alors pourtant que les recommandations en la matière et qu’il verse lui-même au débat exigent d’accorder un soin particulier au choix du point d’attache d’un équipement de " slackline ", a commis une grave imprudence »
Un candélabre n’est en effet pas destiné à être un point de fixation pour une telle pratique. La victime n’est donc pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune (ou de la métropole) en l’absence de tout lien de causalité entre l’accident et le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. Plusieurs collectivités ont pris des arrêtés pour interdire ou réglementer cette pratique dans les parcs et éviter des accidents ou des dommages aux arbres.
 

Un adolescent installe une sangle de « slackline » (discipline sportive consistant à marcher sur une sangle tendue à faible hauteur entre deux points fixes) sur le parking d’un lycée. Il attache la sangle à un poteau électrique et à un candélabre. Mais lorsqu’il monte sur la sangle, le candélabre se sectionne sous son poids lui causant une grave blessure au pied qui nécessitera une amputation tibiale.

 

Il recherche la responsabilité de la commune (ou à défaut celle de la métropole) pour défaut d’entretien normal et réclame le versement d’une somme de plus de 3 millions € en réparation des préjudices subis.

Le juge reconnaît à la victime la qualité d’usager de la voie publique, le candélabre fixé à un socle enterré constitue un accessoire de cet ouvrage public. Mais, le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel rejettent l’ensemble des prétentions indemnitaires en raison de l’usage anormal de cet ouvrage public.

 

Absence de lien de causalité 

 
« Il appartient à la victime d’un dommage survenu à l’occasion de l’usage d’un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de causalité entre cet ouvrage et le dommage dont elle demande réparation ».

Au cas présent, la cour administrative d’appel considère que le lien de causalité n’est pas démontré. 

Le requérant produit deux attestations émanant de l’ami qui l’accompagnait le jour de l’accident. Toutefois, le juge considère que ces témoignages restent imprécis quant aux circonstances exactes de l’accident. Ils ne permettent ni de déterminer comment le candélabre s’est effondré sur le pied de la victime ni de situer précisément la position de celle-ci par rapport à l’ouvrage avant sa chute. 

Ces éléments ne suffisent donc pas à établir que le lampadaire constitue la cause directe et certaine de l’accident. 

A l’inverse, le juge s’appuie sur le rapport de police nationale, établi d’après les contestations et renseignements recueillis auprès des sapeurs-pompiers et d’un équipage de police nationale, selon lequel que la victime a été blessée « par la chute d’un poteau d’éclairage public qu’il grimpait ». 
 

Un usage anormal de l’ouvrage public cause exclusive de l’accident

Le juge retient, ainsi que le soutenaient la commune et la métropole, que l’accident est exclusivement imputable à l’usage non conforme du candélabre par la victime âgée de 16 ans :

 
en utilisant ce candélabre à des fins étrangères à sa destination normale, sans s’être préalablement assuré que cet ouvrage ne présentait pas de danger pour l’usage qu’il envisageait d’en faire alors pourtant que les recommandations en la matière et qu’il verse lui-même au débat exigent d’accorder un soin particulier au choix du point d’attache d’un équipement de " slackline ", [l’adolescent] a commis une grave imprudence » a commis une grave imprudence ».
 

La victime n’est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune ou de la métropole en l’absence de tout lien de causalité entre l’accident et le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public.

 
L’usage anormal d’un ouvrage public est considéré comme un moyen d’exonération de la puissance publique, il est assimilé à une faute d’imprudence de la victime. Quelques exemples d’exonération totale ou partielle de la responsabilité de la puissance publique sont à retrouver dans cet article : « L’utilisation anormale d’un ouvrage public »

 

 

Réglementer la pratique du slackline dans les parcs et jardins municipaux ?

La pratique du slackline s’est largement développée depuis quelques années. Certains arrêtés règlementant les parcs publics et espaces verts autorisent la pratique de l’activité uniquement dans des parcs identifiés ou dans une zone délimitée. En tout état de cause cette discipline lorsqu’elle est pratiquée dans les parcs publics doit se faire dans le respect des plantations et des arbres. En 2016, la Ville de Lyon, la Métropole de Lyon et une association regroupant des amateurs de slackline ont rédigé une charte de bonnes pratiques (PDF - source : esacalade-montagne.fr) afin de permettre la préservation de la nature et la protection des arbres.

Dans une commune de Savoie [1], un accident s’est produit sur le site désaffecté d’une ancienne carrière. Un groupe s’y était réuni pour pratiquer cette activité. L’un d’eux, qui était assis sur le bord d’un mur a trébuché au moment de se relever et a fait une chute de 15 mètres, sous les yeux de ses camarades qui ont prévenu les secours. Il ne pratiquait pas la slackline et n’était donc pas assuré avec un baudrier.

 
 

En 2022, la cour administrative d’appel de Douai [2] a estimé que la Métropole européenne de Lille n’était pas responsable de l’accident survenu à une usagère d’un parc ayant chuté en tentant de traverser une slackline installée, par un visiteur, à une hauteur de 60 cm du sol entre les arbres du jardin public.


La slackline est en effet un équipement de loisirs privé, appartenant à un particulier. Elle est dépourvue d’utilité publique et de caractère immobilier et ne présente donc pas le caractère d’un ouvrage public. Les conclusions de la requérante tendant à l’engagement de la responsabilité de l’établissement public de coopération intercommunale sont rejetées sur le fondement du défaut d’entretien normal : le dommage n’est pas directement en lien avec un ouvrage public, ni un accessoire ou un élément indissociable de l’ouvrage public que constitue le parc.

 
 

La responsabilité de la métropole est également écartée sur le fondement d’une faute (absence de manquement du personnel du parc à son obligation de sécurité et absence de défaut de surveillance du parc contrairement à ce que soutenait la victime) :

 
 Ce dispositif destiné au funambulisme n’était toutefois pas soumis à une autorisation à la date de l’accident, ni particulièrement dangereux ».
 
 

Certes, après l’accident, le règlement intérieur et de sécurité du parc a été modifié pour y interdire la pratique de la slackline, mais cette circonstance ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité. Le juge conclut que l’intéressé ne pouvait ignorer qu’en s’essayant volontairement à cette activité, elle prenait un risque de chute.

 

[1« Savoie : un jeune entre la vie et la mort après une chute de 15 mètres dans une usine désaffectée », Le Dauphiné Libéré, 14 juin 2020

[2CAA Douai, 5 juillet 2022 : n° 20DA00690