Un jeune amateur de slackline (pratique dérivée du funambulisme) utilise un lampadaire public comme point fixe pour attacher sa sangle. Le candélabre se sectionne et chute sur l’adolescent en provoquant l’écrasement de son pied : la commune est-elle responsable ?
Non juge ici le tribunal administratif de Marseille car l’accident est exclusivement imputable à l’usage non conforme du candélabre :
« en fixant une sangle à ce candélabre afin de la tendre entre ce point d’attache et un poteau électrique afin d’y effectuer son activité de "slackline " [l’adolescent], a fait de l’ouvrage public un usage non conforme à sa destination et l’accident dont il a été victime, est ainsi exclusivement imputable à son imprudence ». Un candélabre n’est en effet pas destiné à être un point de fixation pour une telle pratique. La victime n’est donc pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune (ou de la métropole) en l’absence de tout lien de causalité entre l’accident et le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. Plusieurs collectivités ont pris des arrêtés pour interdire ou réglementer cette pratique dans les parcs et éviter des accidents ou des dommages aux arbres.
Un adolescent installe une sangle de « slackline » (discipline sportive consistant à marcher sur une sangle tendue à faible hauteur entre deux points fixes) sur le parking d’un lycée. Il attache la sangle à un poteau électrique et à un candélabre. Mais lorsqu’il monte sur la sangle, le candélabre se sectionne sous son poids lui causant une grave blessure au pied qui nécessitera une imputation tibiale.
Il recherche la responsabilité de la commune (ou à défaut celle de la métropole) pour défaut d’entretien normal et réclame le versement d’une somme de plus de 3 millions € en réparation des préjudices subis.
Le juge reconnaît à la victime la qualité d’usager de la voie publique, le candélabre fixé à un socle enterré constitue un accessoire de cet ouvrage public. Mais, le tribunal administratif rejette l’ensemble des prétentions indemnitaires en raison de l’usage anormal de cet ouvrage public.
Un usage anormal de l’ouvrage public cause exclusive de l’accident
Le tribunal retient, ainsi que le soutenaient la commune et la métropole, que l’accident est exclusivement imputable à l’usage non conforme du candélabre :
« en fixant une sangle à ce candélabre afin de la tendre entre ce point d’attache et un poteau électrique afin d’y effectuer son activité de "slackline" [l’adolescent], a fait de l’ouvrage public un usage non conforme à sa destination et l’accident dont il a été victime, est ainsi exclusivement imputable à son imprudence ».
La victime n’est pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune ou de la métropole en l’absence de tout lien de causalité entre l’accident et le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public.
L’usage anormal d’un ouvrage public est considéré comme un moyen d’exonération de la puissance publique, il est assimilé à une faute d’imprudence de la victime. Quelques exemples d’exonération totale ou partielle de la responsabilité de la puissance publique sont à retrouver dans cet article : « L’utilisation anormale d’un ouvrage public » |
Réglementer la pratique du slackline dans les parcs et jardins municipaux ?
La pratique du slackline s’est largement développée depuis quelques années. Certains arrêtés règlementant les parcs publics et espaces verts autorisent la pratique de l’activité uniquement dans des parcs identifiés ou dans une zone délimitée. En tout état de cause cette discipline lorsqu’elle est pratiquée dans les parcs publics doit se faire dans le respect des plantations et des arbres. En 2016, la Ville de Lyon, la Métropole de Lyon et une association regroupant des amateurs de slackline ont rédigé une charte de bonnes pratiques (PDF - source : esacalade-montagne.fr) afin de permettre la préservation de la nature et la protection des arbres.
Dans une commune de Savoie [1], un accident s’est produit sur le site désaffecté d’une ancienne carrière. Un groupe s’y était réuni pour pratiquer cette activité. L’un d’eux, qui était assis sur le bord d’un mur a trébuché au moment de se relever et a fait une chute de 15 mètres, sous les yeux de ses camarades qui ont prévenu les secours. Il ne pratiquait pas la slackline et n’était donc pas assuré avec un baudrier.
Intrusions sur des sites dangereux : quelles responsabilités pour les élus et les collectivités en cas d’accident ? |
En 2022, la cour administrative d’appel de Douai [2] a estimé que la Métropole européenne de Lille n’était pas responsable de l’accident survenu à une usagère d’un parc ayant chuté en tentant de traverser une slackline installée, par un visiteur, à une hauteur de 60 cm du sol entre les arbres du jardin public.
La slackline est en effet un équipement de loisirs privé, appartenant à un particulier. Elle est dépourvue d’utilité publique et de caractère immobilier et ne présente donc pas le caractère d’un ouvrage public. Les conclusions de la requérante tendant à l’engagement de la responsabilité de l’établissement public de coopération intercommunale sont rejetées sur le fondement du défaut d’entretien normal : le dommage n’est pas directement en lien avec un ouvrage public, ni un accessoire ou un élément indissociable de l’ouvrage public que constitue le parc.
La responsabilité de la métropole est également écartée sur le fondement d’une faute (absence de manquement du personnel du parc à son obligation de sécurité et absence de défaut de surveillance du parc contrairement à ce que soutenait la victime) :
« Ce dispositif destiné au funambulisme n’était toutefois pas soumis à une autorisation à la date de l’accident, ni particulièrement dangereux ».
Certes, après l’accident, le règlement intérieur et de sécurité du parc a été modifié pour y interdire la pratique de la slackline, mais cette circonstance ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité. Le juge conclut que l’intéressé ne pouvait ignorer qu’en s’essayant volontairement à cette activité, elle prenait un risque de chute.