Que faire en cas de découverte d’un dépôt sauvage ?
Il faut constater l’infraction en dressant procès-verbal (ou en faisant dresser procès-verbal) si l’auteur est identifié et/ou en déposant plainte auprès des services compétents (gendarmerie ou police nationale selon la zone concernée). Il n’est pas interdit (et même recommandé) de prendre une ou plusieurs photographies qui pourront être jointes au PV. Selon la nature et le lieu du dépôt il faut aussi penser à sécuriser le site en interdisant l’accès, en signalant le danger, mettant en place une déviation ou une circulation alternée, et/ou en déplaçant le dépôt d’ordures s’il constitue un danger pour les usagers.
Qui peut constater l’infraction et dresser procès-verbal ?
• Le maire et les adjoints sont des officiers de police judiciaire et peuvent, en cette qualité constater les infractions et dresser procès-verbal. Ce n’est pas le cas en revanche des conseillers délégués.
• Les agents de la police municipale et les gardes-champêtres
• les agents des communes, titulaires ou non, chargés de la surveillance de la voie publique (AVSP), agréés par le procureur de la République (article L130-4 du code de la route par renvoi de l’article L541-44-1 du code de l’environnement)
• Les agents des collectivités territoriales habilités et assermentés
De nombreux agents de l’Etat sont également habilités à constater ces infractions à commencer par les gendarmes et les agents de la police nationale. Mais c’est aussi le cas des inspecteurs de l’environnement, des agents de l’ONF, des agents des douanes, les agents chargés du contrôle du transport… La liste est fixée par l’article L541-44 du code de l’environnement.
Quelle est la procédure pour habiliter un agent de la collectivité pour constater ce type d’infractions ?
La procédure d’habilitation des agents des collectivités est fixée par le décret n° 2020-1575 du 11 décembre 2020 pris en application en application de l’article L. 541-44-1 du code de l’environnement (créé par l’article 96 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire). La procédure est codifiée aux articles R. 541-85-1 et suivants du code de l’environnement :
• L’habilitation des agents des collectivités territoriales pour constater les infractions prévues aux articles R. 632-1, R. 634-2 et R. 635-8 du code pénal est délivrée par l’autorité de nomination ;
• Cette autorité (le maire ou le président de l’EPCI selon les cas) vérifie que l’agent a suivi une formation, notamment de droit pénal et de procédure pénale, et dispose des compétences techniques et juridiques nécessaires ;
• La décision d’habilitation précise l’objet de l’habilitation ;
• L’agent prête ensuite serment devant le tribunal judiciaire, au siège de ce tribunal ou, le cas échéant, de l’une de ses chambres de proximité ;
• Un procès-verbal en est dressé et une copie remise à l’intéressé.
La formule du serment est la suivante :
• L’autorité territoriale doit ensuite délivrer à l’agent une carte d’habilitation qui comporte la photo de son titulaire, mentionne ses nom et prénom ainsi que ses attributions. Elle atteste de son assermentation.
• L’agent doit être muni de sa carte d’habilitation lorsqu’il exerce ses missions
Les dépôts sauvages peuvent-ils être constatés par vidéosurveillance ?
Oui depuis la loi du 10 février 2020 qui a modifié en ce sens les dispositions de l’article L251-2 du code de la sécurité intérieure (le 11°). Cela suppose une autorisation préfectorale qui désigne les agents habilités à exploiter et à visionner les enregistrements en vue d’identifier les auteurs.
Dans le département du Var, des pièges photographiques, du type de ceux utilisés pour l’étude des animaux sauvages, ont été disposés dans un massif forestier pour identifier les auteurs de dépôts sauvages. Pour ce programme, 60.000 euros ont été engagés, pour moitié apportée par la Région.
• un accès direct aux agents de police judiciaire adjoints, dont les agents de police municipale et gardes-champêtres individuellement désignés et habilités par le préfet (sur proposition du maire de la commune)
• un accès indirect par l’intermédiaire des services de la police ou de la gendarmerie, aux autres agents de police judiciaire adjoints et les gardes-champêtres (c’est-à-dire non désignés et habilités).
En revanche les ASVP et les agents des collectivités territoriales habilités et assermentés dans les conditions fixées par les articles R. 541-85-1 et suivants du code de l’environnement, n’ont pas d’accès même indirect au fichier.
Le propriétaire d’un véhicule identifié peut-il être tenu responsable pécuniairement ?
Oui, comme pour les infractions au code de la route, le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est responsable pécuniairement des « contraventions relatives à l’abandon d’ordures, de déchets, de matériaux ou d’autres objets ». Au titulaire du certificat d’immatriculation de démontrer que ce n’était pas lui le conducteur en le désignant.
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Comment qualifier les faits ?
De nombreuses infractions peuvent être retenues et il convient de bien qualifier les faits en fonction de leur gravité :
– Pour les entorses aux règles de collecte des déchets (ex : non respect des horaires de collecte) et pour les dépôts à très faibles impacts environnementaux (ex : jet d’un masque sur la voie publique)
➡ l’article R632-1 du code pénal (contravention de 2è classe) réprime :
▪ le fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements désignés à cet effet par l’autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation.
▪ le fait de déposer ou d’abandonner sur la voie publique des ordures, déchets, matériaux ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, en vue de leur enlèvement par le service de collecte, sans respecter les conditions fixées par l’autorité administrative compétente, notamment en matière de jours et d’horaires de collecte ou de tri des ordures.
– Pour les petits dépôts à faibles impacts environnementaux
➡ l’article R634-2 du code pénal (contravention de 4è classe) réprime le « fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements, conteneurs, poubelles ou bennes adaptés aux déchets désignés à cet effet pour ce type de déchets par l’autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation. »
– Pour les dépôts sauvages de déchets qui entravent la circulation publique ➡ l’article R644-2 du code pénal (contravention de 4è classe) réprime le fait d’embarrasser la voie publique en y déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou objets quelconques qui entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage y compris les ordures ou les déchets.
– Pour les dépôts sauvages de déchets qui ont été transportés à l’aide d’un véhicule ➡ l’article R635-8 du code pénal (contravention de 5è classe) réprime le fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements désignés à cet effet par l’autorité administrative compétente, soit une épave de véhicule, soit des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, lorsque ceux-ci ont été transportés avec l’aide d’un véhicule, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation.
– Pour les faits les plus graves (décharges illégales, déchets d’activités économiques, dépôts de sauvage de déchets en grosse quantité et/ou à forts impacts environnementaux) ➡ l’article L. 541-46 du code de l’environnement (délit passible de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende pour une personne physique et de 375 000 euros d’amende pour une personne morale) réprime notamment :
▪ le fait d’abandonner, déposer ou faire déposer, dans des conditions contraires aux dispositions du présent chapitre, des déchets ;
▪ le fait de remettre ou faire remettre des déchets à tout autre que l’exploitant d’une installation agréée ;
▪ le fait de gérer des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 sans être titulaire de l’agrément prévu à l’article L. 541-22 du code de l’environnement ;
▪ le fait d’abandonner un véhicule privé des éléments indispensables à son utilisation normale et insusceptible de réparation immédiate à la suite de dégradations ou de vols sur le domaine public ou le domaine privé de l’Etat ou des collectivités territoriales.
Quels sont les moyens de coercition du maire (ou du président de l’intercommunalité) en cas dépôts sauvages ?
La procédure à respecter est décrite à l’article L.541-3 du code de l’environnement :
Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés en infraction le maire avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt |
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L’intéressé doit être informé des faits qui lui sont reprochés, des sanctions qu’il encourt ainsi que de la possibilité de présenter ses observations écrites ou orales dans un délai de 10 jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix. |
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Après que l’intéressé ait présenté ses observations ou, à défaut, à l’issue du délai de 10 jours, le maire (le préfet pour les installations classées) peut lui ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 € (cette amende administrative introduite par la loi du 10 février 2020 peut être prononcée avant mise en demeure) et le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. |
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Si l’intéressé ne s’exécute toujours pas, le maire peut prendre les mesures administratives suivantes (qui peuvent se cumuler) : – consignation entre les mains d’un comptable public d’une somme correspondant au montant des mesures prescrites ; – travaux d’office, les sommes consignées peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ; – mesure de suspension de l’activité ; – astreinte journalière fixée à 1500 euros maximum jusqu’à ce que le propriétaire négligent prennent les mesures prescrites par la mise en demeure – amende administrative pouvant aller jusqu’à... 150 000 euros* !!! |
* Montant qui en pratique ne peut être prononcé que contre une personne morale. En effet l’amende administrative ne peut dépasser celui de l’amende pénale encourue pour les mêmes faits. Or l’amende encourue par une personne physique fixée par l’article L. 541-46 du Code de l’environnement (qui rappelons-le n’est applicable qu’aux faits les plus graves) est de 75 000 euros (le quintuple pour une personne morale).
Dans la pratique, l’amende administrative prendra la forme d’un arrêté municipal motivé qui, comme en matière de consignation, sera suivi d’un titre de perception. Les "considérants", de la même manière, reprendront les éléments de fait qui ont conduit à la détermination de la somme.
L’amende sera perçue par le comptable public au travers de l’émission par le maire d’un titre de paiement (compte budgétaire 250504 "Sanctions administratives prononcées par les ordonnateurs secondaires" associé au compte PCE 7720000000). Elle sera recouvrée au bénéfice de la commune (L541-3 du code de l’environnement) ou du groupement de collectivités compétent en cas de transfert des pouvoirs de police. Parallèlement à cette procédure des sanctions pénales peuvent être engagées [de fait certaines commune déposent systématiquement plainte en cas de d’infraction à la législation sur les déchets tout particulièrement en cas de dépôts sauvages]. A cet égard tout dépôt justifiant la mise en œuvre de l’article L. 541-3 du code l’environnement doit parallèlement faire l’objet d’un PV de constatation de la commission du délit prévu par l’article L. 541-46 du Code de l’environnement. En effet, les poursuites pénales sont indépendantes des poursuites administratives. Si le dépôt est constitué sur une propriété privée, l’accord du propriétaire du terrain est nécessaire pour y accéder et sa présence requise.
Quid si les déchets sont déposés sur une propriété privée ?
Dès lors qu’il s’agit bien de déchets au sens de la loi, la procédure de l’article L541-3 du code de l’environnement peut être utilisée et ce même si les déchets ne sont pas visibles depuis la voie publique. C’est ce qu’a jugé la cour administrative d’appel de Nantes (Cour administrative d’appel de Nantes, 5 mars 2021 : n° 20NT01183 pour le cas d’un propriétaire qui avait déposée des objets hétéroclites usagés sur une parcelle lui appartenant. En l’espèce le propriétaire négligent objectait que les objets situés sur sa propriété ne pouvait être assimilés à des déchets car ils avaient de la valeur et n’étaient pas destinés à l’abandon. Peu importe répond le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 26 juin 2023, N° 457040 :
Un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement cité au point précédent est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu. Aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable. Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain. Au regard de ces critères, lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet. »
Le maire peut-il engager la responsabilité de la commune s’il s’abstient de faire usage de son pouvoir de police sur un terrain privé où sont déposés des déchets dangereux pour l’environnement ?
Le maire peut-il contrôler une propriété privée pour vérifier le bon respect de la réglementation relative aux déchets ?
Oui avec l’accord du propriétaire ou, en cas d’opposition, après y avoir été autorisé par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter. La Cour de cassation, dans un arrêt publié au bulletin (Cour de cassation, chambre civile, 1 février 2024, N° 22-17.089), confirme "qu’à défaut de dispositions particulières désignant, en matière de police des déchets, les personnes habilitées à procéder aux contrôles administratifs réalisés en application de cette règlementation, le maire de la commune concernée, titulaire de ce pouvoir de police, y est habilité et est un agent au sens de l’article L. 171-2 du code de l’environnement". Ainsi, après avoir mis en demeure un administré (par ailleurs agent municipal) d’évacuer des déchets entreposés sur son terrain, sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, le maire peut, après autorisation du juge (si l’administré lui refuse l’accès à sa propriété), venir contrôler la bonne exécution de la mesure.