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Dépôts sauvages d’ordures : les pouvoirs du maire

Dernière mise à jour : 16/02/2024

Les pouvoirs du maire pour lutter contre les dépôts sauvages sont régulièrement renforcés et la jurisprudence apporte des éclaircissements intéressants. Le point sous forme de FAQ.

 
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Que faire en cas de découverte d’un dépôt sauvage ?

Il faut constater l’infraction en dressant procès-verbal (ou en faisant dresser procès-verbal) si l’auteur est identifié et/ou en déposant plainte auprès des services compétents (gendarmerie ou police nationale selon la zone concernée). Il n’est pas interdit (et même recommandé) de prendre une ou plusieurs photographies qui pourront être jointes au PV. Selon la nature et le lieu du dépôt il faut aussi penser à sécuriser le site en interdisant l’accès, en signalant le danger, mettant en place une déviation ou une circulation alternée, et/ou en déplaçant le dépôt d’ordures s’il constitue un danger pour les usagers.

 
Des actes de vandalisme peuvent engager la responsabilité de la commune si elle tarde à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des usagers. Tout sera question d’appréciation au cas par cas en fonction du temps dont a disposé la commune pour réagir. Ainsi la responsabilité d’une commune n’a pas été engagée suite au dépôt de sacs poubelles sur la chaussée pendant la nuit ayant provoqué un grave accident de la circulation. En effet la veille la chaussée était dégagée et les services de la mairie n’ont pas eu le temps de procéder à leur enlèvement avant l’accident qui a eu lieu à 3 heures du matin. D’où l’absence de responsabilité de la commune. A contrario, si la commune avait eu le temps de libérer la circulation sur la voie, sa responsabilité aurait pu être retenue (Tribunal administratif Montpellier 6 octobre 2006, n°040340). 

Qui peut constater l’infraction et dresser procès-verbal ?

• Le maire et les adjoints sont des officiers de police judiciaire et peuvent, en cette qualité constater les infractions et dresser procès-verbal. Ce n’est pas le cas en revanche des conseillers délégués.
• Les agents de la police municipale et les gardes-champêtres
• les agents des communes, titulaires ou non, chargés de la surveillance de la voie publique (AVSP), agréés par le procureur de la République (article L130-4 du code de la route par renvoi de l’article L541-44-1 du code de l’environnement)
• Les agents des collectivités territoriales habilités et assermentés

De nombreux agents de l’Etat sont également habilités à constater ces infractions à commencer par les gendarmes et les agents de la police nationale. Mais c’est aussi le cas des inspecteurs de l’environnement, des agents de l’ONF, des agents des douanes, les agents chargés du contrôle du transport… La liste est fixée par l’article L541-44 du code de l’environnement.

Quelle est la procédure pour habiliter un agent de la collectivité pour constater ce type d’infractions ?

La procédure d’habilitation des agents des collectivités est fixée par le décret n° 2020-1575 du 11 décembre 2020 pris en application en application de l’article L. 541-44-1 du code de l’environnement (créé par l’article 96 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire). La procédure est codifiée aux articles R. 541-85-1 et suivants du code de l’environnement :
• L’habilitation des agents des collectivités territoriales pour constater les infractions prévues aux articles R. 632-1, R. 634-2 et R. 635-8 du code pénal est délivrée par l’autorité de nomination ;
• Cette autorité (le maire ou le président de l’EPCI selon les cas) vérifie que l’agent a suivi une formation, notamment de droit pénal et de procédure pénale, et dispose des compétences techniques et juridiques nécessaires ;
• La décision d’habilitation précise l’objet de l’habilitation ;
• L’agent prête ensuite serment devant le tribunal judiciaire, au siège de ce tribunal ou, le cas échéant, de l’une de ses chambres de proximité ;
• Un procès-verbal en est dressé et une copie remise à l’intéressé.

 

La formule du serment est la suivante :

 
Je jure et promets de bien et loyalement remplir mes fonctions et d’observer en tous les devoirs qu’elles m’imposent. Je jure également de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à l’occasion de l’exercice de mes fonctions.”
 

• L’autorité territoriale doit ensuite délivrer à l’agent une carte d’habilitation qui comporte la photo de son titulaire, mentionne ses nom et prénom ainsi que ses attributions. Elle atteste de son assermentation.

• L’agent doit être muni de sa carte d’habilitation lorsqu’il exerce ses missions

 
Lorsque l’agent ne remplit plus les conditions ou que son comportement se révèle incompatible avec le bon exercice de ses missions, l’habilitation peut être suspendue ou retirée par l’autorité territoriale. Le procureur de la République doit être informé de la décision de suspension ou de retrait.

Les dépôts sauvages peuvent-ils être constatés par vidéosurveillance ?

Oui depuis la loi du 10 février 2020 qui a modifié en ce sens les dispositions de l’article L251-2 du code de la sécurité intérieure (le 11°). Cela suppose une autorisation préfectorale qui désigne les agents habilités à exploiter et à visionner les enregistrements en vue d’identifier les auteurs.

Dans le département du Var, des pièges photographiques, du type de ceux utilisés pour l’étude des animaux sauvages, ont été disposés dans un massif forestier pour identifier les auteurs de dépôts sauvages. Pour ce programme, 60.000 euros ont été engagés, pour moitié apportée par la Région.

 
Le décret n° 2021-285 du 16 mars 2021 permet aux agents de police judiciaire adjoints et gardes champêtres d’avoir communication des informations concernant les pièces administratives exigées pour la circulation des véhicules ou affectant la disponibilité de ceux-ci pour identifier les auteurs des infractions relatives à l’abandon ou au dépôt illégal de déchets qu’ils sont habilités à constater, en application de l’article 99 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Il prévoit également l’accès aux données du système d’immatriculation des véhicules (SIV) aux fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 172-4 du code l’environnement pour identifier les auteurs des infractions qu’ils sont habilités à rechercher, en application du 2° du II de l’article 4 de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement. Deux modalités d’accès au SIV sont possibles selon les cas :
• un accès direct aux agents de police judiciaire adjoints, dont les agents de police municipale et gardes-champêtres individuellement désignés et habilités par le préfet (sur proposition du maire de la commune)
• un accès indirect par l’intermédiaire des services de la police ou de la gendarmerie, aux autres agents de police judiciaire adjoints et les gardes-champêtres (c’est-à-dire non désignés et habilités).
En revanche les ASVP et les agents des collectivités territoriales habilités et assermentés dans les conditions fixées par les articles R. 541-85-1 et suivants du code de l’environnement, n’ont pas d’accès même indirect au fichier.

Le propriétaire d’un véhicule identifié peut-il être tenu responsable pécuniairement ?

Oui, comme pour les infractions au code de la route, le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est responsable pécuniairement des « contraventions relatives à l’abandon d’ordures, de déchets, de matériaux ou d’autres objets ». Au titulaire du certificat d’immatriculation de démontrer que ce n’était pas lui le conducteur en le désignant.

 
Seules les contraventions sanctionnées par la procédure de l’amende forfaitaire sont concernées par le principe de responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule. Or le dépôt de déchets à l’aide d’un véhicule constitue une contravention de 5ème classe non soumise à l’amende forfaitaire.
 

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Comment qualifier les faits ?

De nombreuses infractions peuvent être retenues et il convient de bien qualifier les faits en fonction de leur gravité :

  Pour les entorses aux règles de collecte des déchets (ex : non respect des horaires de collecte) et pour les dépôts à très faibles impacts environnementaux (ex : jet d’un masque sur la voie publique)

➡ l’article R632-1 du code pénal (contravention de 2è classe) réprime :
▪ le fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements désignés à cet effet par l’autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation.
▪ le fait de déposer ou d’abandonner sur la voie publique des ordures, déchets, matériaux ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, en vue de leur enlèvement par le service de collecte, sans respecter les conditions fixées par l’autorité administrative compétente, notamment en matière de jours et d’horaires de collecte ou de tri des ordures.

 Pour les petits dépôts à faibles impacts environnementaux

➡ l’article R634-2 du code pénal (contravention de 4è classe) réprime le « fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements, conteneurs, poubelles ou bennes adaptés aux déchets désignés à cet effet pour ce type de déchets par l’autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, y compris en urinant sur la voie publique, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation. »

 
Le fait d’uriner sur la voie publique peut être constitutif d’une contravention de 2e ou de 4è classe.
 

  Pour les dépôts sauvages de déchets qui entravent la circulation publique ➡ l’article R644-2 du code pénal (contravention de 4è classe) réprime le fait d’embarrasser la voie publique en y déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou objets quelconques qui entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage y compris les ordures ou les déchets.

 

 Pour les dépôts sauvages de déchets qui ont été transportés à l’aide d’un véhicule ➡ l’article R635-8 du code pénal (contravention de 5è classe) réprime le fait de déposer, d’abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, à l’exception des emplacements désignés à cet effet par l’autorité administrative compétente, soit une épave de véhicule, soit des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu’il soit, lorsque ceux-ci ont été transportés avec l’aide d’un véhicule, si ces faits ne sont pas accomplis par la personne ayant la jouissance du lieu ou avec son autorisation.

 

 Pour les faits les plus graves (décharges illégales, déchets d’activités économiques, dépôts de sauvage de déchets en grosse quantité et/ou à forts impacts environnementaux) ➡ l’article L. 541-46 du code de l’environnement (délit passible de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende pour une personne physique et de 375 000 euros d’amende pour une personne morale) réprime notamment :

▪ le fait d’abandonner, déposer ou faire déposer, dans des conditions contraires aux dispositions du présent chapitre, des déchets ;

▪ le fait de remettre ou faire remettre des déchets à tout autre que l’exploitant d’une installation agréée ;

▪ le fait de gérer des déchets au sens de l’article L. 541-1-1 sans être titulaire de l’agrément prévu à l’article L. 541-22 du code de l’environnement ;

▪ le fait d’abandonner un véhicule privé des éléments indispensables à son utilisation normale et insusceptible de réparation immédiate à la suite de dégradations ou de vols sur le domaine public ou le domaine privé de l’Etat ou des collectivités territoriales.

 
Lorsque l’auteur du délit est facilement identifié, la procédure de l’amende forfaitaire (1500 euros) est possible. Dans un article publié au Moniteur (Dépôts sauvages de déchets du BTP : le préjudice écologique consacré par les juges}, Le Moniteur 23 avril 2021) Me Steve Hercé et Me Jean-Nicolas Citti, relayent un jugement du Tribunal judiciaire de Marseille ( 21 janvier 2021 n° 180050) accordant une provision de 40 000 euros à une commune des Bouches-du-Rhône victime d’une décharge illégale affectant deux parcelles situées sur son territoire. Les auteurs soulignent que le tribunal « a également prescrit la réalisation d’une expertise afin de mesurer l’ampleur de la pollution générée par les décharges illégales ainsi que le coût de la remise en état du site. »
Article L. 541-46 du code de l’environnement (mise en fourrière et immobilisation du véhicule) « Lorsqu’un véhicule a été utilisé pour commettre une infraction mentionnée au I, la personne constatant l’infraction peut, avec l’autorisation préalable du procureur de la République donnée par tout moyen, faire procéder, dans les conditions prévues aux trois derniers alinéas de l’article L. 325-1-1 du code de la route, à l’immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule dont la confiscation est encourue en application de l’article 131-21 du code pénal. »

Quels sont les moyens de coercition du maire (ou du président de l’intercommunalité) en cas dépôts sauvages ?

La procédure à respecter est décrite à l’article L.541-3 du code de l’environnement :

 
Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés en infraction le maire avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt

L’intéressé doit être informé des faits qui lui sont reprochés, des sanctions qu’il encourt ainsi que de la possibilité de présenter ses observations écrites ou orales dans un délai de 10 jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix.

Après que l’intéressé ait présenté ses observations ou, à défaut, à l’issue du délai de 10 jours, le maire (le préfet pour les installations classées) peut lui ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 € (cette amende administrative introduite par la loi du 10 février 2020 peut être prononcée avant mise en demeure) et le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.

Si l’intéressé ne s’exécute toujours pas, le maire peut prendre les mesures administratives suivantes (qui peuvent se cumuler) :
 consignation entre les mains d’un comptable public d’une somme correspondant au montant des mesures prescrites ;
 travaux d’office, les sommes consignées peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ;
 mesure de suspension de l’activité ;
 astreinte journalière fixée à 1500 euros maximum jusqu’à ce que le propriétaire négligent prennent les mesures prescrites par la mise en demeure
 amende administrative pouvant aller jusqu’à... 150 000 euros* !!!
 

* Montant qui en pratique ne peut être prononcé que contre une personne morale. En effet l’amende administrative ne peut dépasser celui de l’amende pénale encourue pour les mêmes faits. Or l’amende encourue par une personne physique fixée par l’article L. 541-46 du Code de l’environnement (qui rappelons-le n’est applicable qu’aux faits les plus graves) est de 75 000 euros (le quintuple pour une personne morale).

Dans la pratique, l’amende administrative prendra la forme d’un arrêté municipal motivé qui, comme en matière de consignation, sera suivi d’un titre de perception. Les "considérants", de la même manière, reprendront les éléments de fait qui ont conduit à la détermination de la somme.
L’amende sera perçue par le comptable public au travers de l’émission par le maire d’un titre de paiement (compte budgétaire 250504 "Sanctions administratives prononcées par les ordonnateurs secondaires" associé au compte PCE 7720000000). Elle sera recouvrée au bénéfice de la commune (L541-3 du code de l’environnement) ou du groupement de collectivités compétent en cas de transfert des pouvoirs de police. Parallèlement à cette procédure des sanctions pénales peuvent être engagées [de fait certaines commune déposent systématiquement plainte en cas de d’infraction à la législation sur les déchets tout particulièrement en cas de dépôts sauvages]. A cet égard tout dépôt justifiant la mise en œuvre de l’article L. 541-3 du code l’environnement doit parallèlement faire l’objet d’un PV de constatation de la commission du délit prévu par l’article L. 541-46 du Code de l’environnement. En effet, les poursuites pénales sont indépendantes des poursuites administratives. Si le dépôt est constitué sur une propriété privée, l’accord du propriétaire du terrain est nécessaire pour y accéder et sa présence requise.
 
Le pouvoir de police relatif aux déchets est transféré au président de l’EPCI : lorsqu’un groupement de collectivités est compétent en matière de collecte des déchets ménagers, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Il s’agit d’un transfert automatique sauf opposition du maire dans les six mois qui suivent l’élection du président de l’EPCI (article L.5211-9-2 B du code général des collectivités territoriales). Mais s’agissant des pouvoirs de sanctions administratives tirés de l’article L541-3 du code de l’environnement, il existe une subtilité : le transfert est effectué dans les conditions prévues au IV de l’article L. 5211-9-2 du CGCT, par arrêté préfectoral sur proposition d’un ou de plusieurs maires intéressées, après accord de tous les maires des communes membres et du président de l’EPCI. Le recouvrement des amendes administratives et de l’astreinte journalière prévues à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement au bénéfice des groupements de collectivités est effectif, lorsque le pouvoir de police administrative du maire en matière de déchets a été transféré au président d’un tel groupement.

Quid si les déchets sont déposés sur une propriété privée ?

Dès lors qu’il s’agit bien de déchets au sens de la loi, la procédure de l’article L541-3 du code de l’environnement peut être utilisée et ce même si les déchets ne sont pas visibles depuis la voie publique. C’est ce qu’a jugé la cour administrative d’appel de Nantes (Cour administrative d’appel de Nantes, 5 mars 2021 : n° 20NT01183 pour le cas d’un propriétaire qui avait déposée des objets hétéroclites usagés sur une parcelle lui appartenant. En l’espèce le propriétaire négligent objectait que les objets situés sur sa propriété ne pouvait être assimilés à des déchets car ils avaient de la valeur et n’étaient pas destinés à l’abandon. Peu importe répond le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 26 juin 2023, N° 457040 :

Un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement cité au point précédent est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu. Aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable. Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain. Au regard de ces critères, lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet. »

Le maire peut-il engager la responsabilité de la commune s’il s’abstient de faire usage de son pouvoir de police sur un terrain privé où sont déposés des déchets dangereux pour l’environnement ?

Oui : il résulte des dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement que l’autorité investie des pouvoirs de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présente des dangers pour l’environnement. En l’espèce des propriétaires d’un terrain boisé de trois hectares se plaignaient de dépôts illicites de déchets en quantité très importante, principalement des matériaux de construction. S’estimant victimes d’une carence du maire et du préfet dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, ils recherchaient la responsabilité de la commune et de l’Etat. Les juges d’appel avaient écarté la responsabilité de la commune en retenant que le refus de l’autorité titulaire du pouvoir de police de faire usage des pouvoirs que lui confère l’article L. 541-3 du code de l’environnement n’est illégal que s’il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de la gravité de l’atteinte portée à l’environnement. Or en l’espèce, poursuivaient les juges d’appel, le maire n’avait pas commis d’illégalité et n’avait, par suite, pas engagé la responsabilité de la commune, en s’abstenant d’assurer aux frais des intéressés l’enlèvement des déchets dont les producteurs avaient pu être identifiés. Le Conseil d’Etat censure cette position : les juges du fond ne pouvaient se borner à rechercher si l’abstention du maire était entachée d’erreur manifeste mais il leur appartenait d’exercer un plein contrôle sur le respect de l’obligation par le maire des dispositions de l’article L. 541-3 du code de l’environnement (Conseil d’Etat, 13 octobre 2017, N° 397031).

Le maire peut-il contrôler une propriété privée pour vérifier le bon respect de la réglementation relative aux déchets ?

Oui avec l’accord du propriétaire ou, en cas d’opposition, après y avoir été autorisé par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter. La Cour de cassation, dans un arrêt publié au bulletin (Cour de cassation, chambre civile, 1 février 2024, N° 22-17.089), confirme "qu’à défaut de dispositions particulières désignant, en matière de police des déchets, les personnes habilitées à procéder aux contrôles administratifs réalisés en application de cette règlementation, le maire de la commune concernée, titulaire de ce pouvoir de police, y est habilité et est un agent au sens de l’article L. 171-2 du code de l’environnement". Ainsi, après avoir mis en demeure un administré (par ailleurs agent municipal) d’évacuer des déchets entreposés sur son terrain, sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, le maire peut, après autorisation du juge (si l’administré lui refuse l’accès à sa propriété), venir contrôler la bonne exécution de la mesure. 

 
De nombreuses collectivités ont parallèlement décidé de fixer des tarifs horaires des agents chargés d’évacuer les déchets pour les facturer à la personne qui serait reconnue responsable des faits par la présence de documents nominatifs dans les ordures déposées (ex : somme de 150€/agent/heure qui comprend l’évacuation, la mise en décharge et la location de la benne). Une commune des Yvelines a ainsi fixé un forfait de 150 euros pour le nettoyage auquel s’ajoute 150 euros par kilogrammes déposé. C’est le Trésor public qui envoie ensuite la facture pour le recouvrement. Ainsi un administré, identifié par les caméras de vidéosurveillance, a reçu une facture de 12 000 euros pour avoir déposé des gravats de nuit dans un quartier de la ville... Procédure efficace qui peut également s’accompagner d’un dépôt de plainte contre l’auteur des dépôts.
 

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