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Evan Demicoli sur Unsplash

Un maire est un agent habilité à contrôler une propriété privée pour le respect de la législation relative aux déchets

Cour de cassation, chambre civile, 1 février 2024, N° 22-17.089

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Un maire peut-il contrôler, malgré le refus du propriétaire, une parcelle privée où sont entreposés des déchets en violation de la législation sur la protection de l’environnement ?

 
Oui après y avoir été autorisé par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter. La Cour de cassation, dans un arrêt publié au bulletin, confirme "qu’à défaut de dispositions particulières désignant, en matière de police des déchets, les personnes habilitées à procéder aux contrôles administratifs réalisés en application de cette règlementation, le maire de la commune concernée, titulaire de ce pouvoir de police, y est habilité et est un agent au sens de l’article L. 171-2 du code de l’environnement. Ainsi, après avoir mis en demeure un administré (par ailleurs agent municipal) d’évacuer des déchets entreposés sur son terrain, sous peine d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, le maire peut, après autorisation du juge (si l’administré lui refuse l’accès à sa propriété), venir contrôler la bonne exécution de la mesure. 
 
Il y a des administrés dont l’obstination conduit à faire avancer le droit... à leur dépens. Tel est le cas de cet agent municipal qui, depuis plusieurs années, entrepose chez lui divers objets hétéroclites au point de contraindre le maire à faire usage de ses pouvoirs de police pour la protection de l’environnement. 
 
Ce contentieux avait déjà conduit le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 26 juin 2023, N° 457040 à préciser que l’exercice des pouvoirs de la police spéciale des déchets (article L.5413-3 du code de l’environnement) n’est pas conditionné par la visibilité des déchets depuis la voie publique. Les objets hétéroclites usagés en question ( le fameux "ça-peut-toujours-servir") sont bien des déchets au sens de la loi confirme le Conseil d’Etat.
 
En effet "un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement (...) est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu".
Pour fonder son appréciation le juge prend en compte "le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable". Et le Conseil d’Etat d’ajouter :
 
Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain". Ainsi "lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet".

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Mais le contentieux ne s’arrête pas là pour autant et l’agent récalcitrant offre l’occasion, cette fois à la Cour de cassation (excusez du peu), d’apporter une autre précision qui intéressera tous les maires confrontés à cette situation. 
 
En effet, après la mise en demeure infructueuse de faire évacuer les déchets et le prononcé d’une astreinte journalière de 50 euros, le maire a saisi le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l’article L171-2 du Code de l’environnement. Ce aux fins de l’autoriser, avec un adjoint et un responsable technique, à visiter la parcelle pour vérifier le respect des exigences posées par le Code de l’environnement.
 

Article L 171-2 I du Code de l’environnement :

 
Lorsque l’accès aux lieux mentionnés aux 1° et 3° du I de l’article L. 171-1 est refusé aux agents, que la personne ayant qualité pour autoriser l’accès ne peut être atteinte ou lorsque les conditions d’accès énoncées au II du même article ne sont pas remplies, les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter. L’ordonnance comporte l’adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité du ou des agents habilités à procéder aux opérations de visite ainsi que les heures auxquelles ils sont autorisés à se présenter. L’ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute(...) 
 
 
Sans surprise, l’agent récalcitrant conteste cette ordonnance en soutenant que le maire et l’adjoint ne sont pas des personnes habilitées à procéder à des visites en vertu du Code de l’environnement. 
 
L’occasion pour la Cour de cassation d’apporter une réponse claire et sans ambiguïté dans un arrêt publié au bulletin : 
 
A défaut de dispositions particulières désignant, en matière de police des déchets, les personnes habilitées à procéder aux contrôles administratifs réalisés en application de cette règlementation, le maire de la commune concernée, titulaire de ce pouvoir de police, y est habilité et est un agent au sens de l’article L. 171-2 du code de l’environnement. 
Le maire et l’adjoint pouvaient donc bien être autorisés par le juge à visiter la propriété privée de l’agent. 
 
Coup de chapeau à ce maire qui, depuis 2017, tente, non sans difficultés, de faire respecter la réglementation pour la protection de l’environnement. La suite au prochain épisode... Devant la Cour européenne des droits de l’Homme ?