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La jurisprudence de la semaine du 9 au 13 novembre

Dernière mise à jour le : 29/04/2016

Associations / Hygiène et sécurité au travail / Marchés publics et contrats / Pouvoirs de police / Responsabilité pénale / Urbanisme

Associations

 Un électricien, salarié d’une association, est victime d’un accident du travail dans une salle mise à disposition par une commune. La faute inexcusable de l’association-employeur est retenue. Mais l’accident trouve aussi son origine dans un défaut d’entretien de l’équipement public. L’association-employeur peut-elle demander à la commune la prise en charge d’une partie du complément d’indemnisation dû à la victime et de la cotisation complémentaire d’accident du travail consécutive à l’accident ?

Oui sauf si l’association employeur a commis une faute délibérée d’une particulière gravité. Hormis cette hypothèse restrictive aucune disposition ne fait obstacle, « en cas de partage de responsabilité d’un accident du travail avec un tiers, à ce que l’employeur, auteur d’une faute inexcusable, ou son assureur, obtienne le remboursement par ce tiers de la fraction, correspondant à sa part de responsabilité, de la cotisation complémentaire d’accident du travail qui lui a été réclamée à la suite de l’accident en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que de l’indemnisation complémentaire mentionnée à l’article L. 452-3 du même code ». Ainsi en cas d’accident du travail subi par un salarié dans une salle mise à disposition par une commune à une association, en partie imputable à un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public, la collectivité peut être condamnée à prendre en charge, à proportion de sa responsabilité dans l’accident, le complément d’indemnisation dû à la victime et tout comme la cotisation complémentaire d’accident du travail réclamée à l’employeur.

Conseil d’État, 9 novembre 2015, N° 359548

Hygiène et sécurité au travail

 Les employeurs condamnés sur la base d’une faute inexcusable pour avoir exposés leurs salariés (ou leurs agents) à l’amiante peuvent-ils se retourner contre l’Etat qui a tardé à interdire l’usage de ce produit ?

Oui : "si, en application de la législation du travail désormais codifiée à l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation générale d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu’ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact, et d’arrêter, en l’état des connaissances scientifiques et des informations disponibles, au besoin à l’aide d’études ou d’enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers". Ainsi le constat d’une faute inexcusable de l’employeur [1] ne suffit pas, par lui-même, à interdire à son auteur de se prévaloir de la faute que l’administration aurait elle-même commise en négligeant d’adopter une réglementation propre à limiter les risques pour la santé de l’exposition des salariés aux poussières d’amiante. Or résulte de l’instruction la nocivité de l’amiante et la gravité des maladies dues à son exposition étaient pour partie déjà connues avant 1977 [2]

L’Etat ne peut donc se prévaloir de l’inaction à cette époque des organisations internationales ou européennes susceptibles d’intervenir dans le domaine de la santé au travail, ni du temps de latence très élevé de certaines des pathologies liées à l’amiante, dont l’utilisation massive en France est postérieure à la Seconde Guerre mondiale.

Conseil d’État, 9 novembre 2015, N° 342468

Marchés publics et contrats

 Une collectivité peut-elle unilatéralement mettre fin à une concession de service public alors que cette faculté n’est pas prévue au contrat ?

Oui : en l’absence même de stipulations du contrat lui donnant cette possibilité, le concédant dispose de la faculté de résilier unilatéralement le contrat pour faute et sans indemnité. Le titulaire de la concession doit, en principe, être préalablement mis en demeure de respecter ses obligations, sauf si le contrat en dispose autrement ou s’il n’a pas la possibilité de remédier aux manquements qui lui sont reprochés.

Dans l’hypothèse d’une saisine du juge aux fins de prononcer la déchéance du contrat, celui-ci est régulièrement saisi alors même que le délai donné au cocontractant pour se conformer à ses obligations n’est pas expiré. Le juge ne peut toutefois statuer qu’après expiration de ce délai. Ces mêmes règles s’appliquent dans le cas de l’action en déchéance d’un sous-concessionnaire par un concessionnaire.

C’est donc à tort qu’une cour administrative d’appel déboute un concessionnaire d’une demande de résiliation d’un contrat de sous-concession au motif que les stipulations du contrat n’autorisent pas le sous-concédant à le résilier unilatéralement pour faute [3].

Conseil d’État, 12 novembre 2015, N°387660

 Les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait (en l’espèce report de 9 mois de l’exécution du marché consécutivement à la défaillance de l’entreprise titulaire du lot gros-œuvre) ouvrent-elles droit à indemnité au profit du titulaire du marché ?

Uniquement si le titulaire prouve :

 soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat ;

 une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

Aucun de ces éléments n’étant en l’espèce établi, l’entreprise requérante ne saurait être indemnisée du report de l’exécution du marché. Aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut notamment être reprochée à la commune dans son analyse des capacités de l’attributaire du lot de gros œuvre à conduire les travaux. Peu importe, en outre, que la commune ait proposé à l’entreprise, préalablement à la saisine du tribunal administratif, de lui verser une somme en réparation des préjudices causés par l’allongement du chantier. En effet aucun accord n’a été conclu entre la commune et la société en vue du versement de cette somme. L’entreprise ne saurait ainsi utilement invoquer l’exigence de loyauté des relations contractuelles pour en réclamer le paiement.

Conseil d’État, 12 novembre 2015, N° 384716

Pouvoirs

 Un maire peut-il interdire la tenue d’un spectacle qui porte atteinte à la dignité humaine même en l’absence de circonstances locales particulières laissant envisager des risques de troubles à l’ordre public ?

Oui : "l’autorité investie du pouvoir de police peut, même en l’absence de circonstances locales particulières, interdire une manifestation qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine". Il appartient en effet à l’autorité investie du pouvoir de police de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à l’ordre public. Or le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public. Doit être ainsi rejetée le recours d’une association contre une circulaire rappelant aux préfets qu’il leur appartient d’informer les maires sur les conditions dans lesquelles ils peuvent légalement interdire la représentation d’un spectacle dans le cas où le risque que soient tenus des propos et gestes de nature à porter atteinte à la dignité de la personne humaine est établi avec un degré suffisant de certitude, de les assister dans l’édiction de telles mesures ou, lorsque les conditions de l’interdiction sont réunies, de se substituer à ces derniers. Des propos et gestes, notamment ceux à caractère antisémite, incitant à la haine raciale et faisant l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la seconde Guerre Mondiale, peuvent porter atteinte à la dignité de la personne humaine, alors même qu’ils ne provoqueraient pas de troubles matériels. Ainsi, le ministre de l’intérieur n’a pas excédé sa compétence en mentionnant, au nombre des éléments permettant de justifier l’interdiction de la représentation d’un spectacle par l’autorité de police, les propos ou scènes qui seraient susceptibles de porter atteinte à la dignité de la personne humaine.

Conseil d’État, 9 novembre 2015, N° 376107

Responsabilité pénale

 Un élu peut-il être condamné pour recel si les faits de prise illégale d’intérêts qui lui sont imputés (ici participation au vote d’une délibération relative à l’implantation d’une éolienne sur un terrain lui appartenant) sont prescrits ?

Non : les règles relatives à la prescription du délit de prise illégale d’intérêts, ne peuvent pas être contournées en poursuivant les auteurs de l’infraction du chef de recel de prise illégale d’intérêts. Est ainsi annulée la condamnation pour recel de conseillers municipaux qui avaient été initialement mis en examen pour prise illégale d’intérêts après avoir participé à des délibérations relatives à l’implantation d’éoliennes sur des terrains leur appartenant. Les poursuites ayant été engagées plus de huit ans après la délibération litigieuse, le juge d’instruction avait retenu la prescription de l’action publique mais avait tenté de contourner celle-ci en poursuivant les élus pour recel. En effet le délit de recel est une infraction dite continue (par opposition aux infractions dites instantanées) dont le délai de prescription ne court pas tant que le receleur conserve l’objet du délit (en l’espèce tant que les éoliennes n’étaient pas démantelées). De fait, en première instance et en appel, les élus avaient été condamnés à 4 mois d’emprisonnement avec sursis et à 8.000 euros d’amende. La Cour de cassation annule la condamnation : « le délit de recel de prise illégale d’intérêts ne peut être reproché à la personne qui aurait commis l’infraction principale, celle-ci fût-elle prescrite ». Ce qui ne veut pas dire que les faits ne tombaient pas sous le coup de l’article 432-12 du code pénal réprimant la prise illégale d’intérêts. Aussi on ne saurait que trop recommander aux conseillers municipaux intéressés de s’abstenir de participer non seulement au vote de la délibération litigieuse mais également aux débats, ainsi qu’à l’instruction du projet.

Cour de cassation, chambre criminelle, 12 novembre 2015, N° 14-83073

 Les subventions européennes, obtenues en vue de la réalisation d’un projet, peuvent-elles être librement réaffectées ?

Non sous peine de s’exposer à des poursuites pour détournement de fonds publics. En l’espèce, un audit financier des services de la Commission européenne, portant sur les relevés de coût produits par une SEM (spécialisée dans la valorisation des algues) avait mis à jour des anomalies dans la comptabilité des heures consacrées à des projets subventionnés justifiant un ajustement total de 659 802, 31 euros en faveur de la Commission européenne. L’enquête avait conduit à la mise en examen de la SEM et de son directeur. Condamnés en première instance, les deux prévenus avaient été relaxés en appel. La Cour de cassation annule la relaxe dès lors que « l’utilisation de subventions, obtenues en vue de la réalisation d’un projet déterminé, pour le règlement d’heures de travail consacrées à une autre activité, quelle qu’elle soit, constitue un détournement de fonds publics ».

Cour de cassation, chambre criminelle, 12 novembre 2015, N° 14-82819

Urbanisme

 L’autorité compétente pour délivrer un permis de construire peut-elle être tenue responsable de la faute commise par un tiers dans la phase d’instruction du permis (ex : délivrance d’un certificat d’urbanisme positif sur la base de renseignements inexacts) ?

Oui : "une faute commise dans le cadre de la procédure d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme n’est susceptible d’engager, à l’égard du pétitionnaire, que la responsabilité de la personne publique qui délivre ou refuse de délivrer l’autorisation sollicitée, quand bien même la faute entacherait un avis émis par une autre personne au cours de l’instruction de la demande". En l’espèce un maire avait donné des renseignements inexacts au préfet sur la desserte des réseaux publics d’une parcelle, renseignements sur la base duquel le préfet avait délivré un certificat d’urbanisme positif. Les acquéreurs réclamaient à la commune le remboursement des frais de raccordement au réseau qu’ils avaient dû engager. Le Conseil d’Etat approuve les juges du fond d’avoir considéré leur requête comme étant mal dirigée, le certificat d’urbanisme ayant été délivré au nom de l’Etat (s’agissant d’une commune où n’ont été approuvés ni carte communale ni plan local d’urbanisme) . Ainsi l’erreur que le maire a pu commettre en émettant un avis lors de l’instruction du certificat d’urbanisme et du permis de construire ne pouvait engager que la responsabilité de l’Etat.

Conseil d’État, 9 novembre 2015, N° 380299

 Un plan local d’urbanisme (PLU) peut-il déroger aux directives territoriales d’aménagement (ou, en leur absence, avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières, notamment, au littoral) ?

Non : les auteurs des plans locaux d’urbanisme (PLU) doivent s’assurer que les partis d’urbanisme présidant à l’élaboration de ces documents sont compatibles avec les directives territoriales d’aménagement (DTA) ou, en leur absence, avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières, notamment, au littoral. En outre, en l’absence de document local d’urbanisme légalement applicable, il appartient à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la conformité du projet :

 soit, lorsque le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d’aménagement ou par un document en tenant lieu, avec les éventuelles prescriptions édictées par ce document d’urbanisme (sous réserve que les dispositions qu’il comporte sur les modalités d’application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l’urbanisme soient, d’une part, suffisamment précises et, d’autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions) ;

 soit, dans le cas contraire, avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral.

Le Conseil d’Etat confirme ainsi l’annulation du PLU de Porto-Vecchio approuvant notamment les juges du fond d’avoir considéré que le classement en zone constructible des terrains se trouvant soit à proximité d’espaces naturels, soit au sein de zones d’urbanisation diffuse, n’était pas compatible avec les dispositions du schéma d’aménagement de la Corse.

Conseil d’État, 9 novembre 2015, N° 372531

 Un maire peut-il invoquer des contentieux en cours sur une autorisation d’urbanisme relative à la construction d’une mosquée (achevée depuis plusieurs mois) pour en refuser l’accès aux fidèles ?

Non : le refus persistant de permettre l’ouverture d’un lieu de culte achevé depuis plusieurs mois crée une situation d’urgence particulière, justifiant que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. En effet les 650 fidèles qui se réunissent chaque vendredi devant la mosquée ne disposent d’aucun lieu de culte adapté à moins de quinze kilomètres de cette commune. La circonstance que la délivrance des autorisations d’urbanisme qui ont permis la réalisation de ce lieu de culte ferait l’objet par ailleurs d’instances contentieuses est sans incidence sur l’appréciation de la condition d’urgence par le juge des référés pour prendre, à titre provisoire, des mesures permettant la sauvegarde des libertés fondamentales auxquelles il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Il appartiendra le cas échéant à la commune, au vu des décisions de justice à intervenir au terme de ces instances, de demander au juge des référés de mettre fin à ces mesures provisoires.

Conseil d’État, 9 novembre 2015, N° 394333

 La délivrance d’un permis de régularisation fait-elle rétroactivement disparaître l’infraction de construction sans permis ?

Non, l’infraction reste caractérisée et la délivrance d’un permis de régularisation ne met pas fin aux poursuites pénales. Par contre lorsqu’une construction a été irrégulièrement édifiée sans permis de construire, la délivrance ultérieure d’un permis de régularisation, si elle ne fait pas disparaître l’infraction consommée, fait obstacle à une mesure de démolition de l’ouvrage tant que ce nouveau permis n’a pas été annulé pour excès de pouvoir ou que son illégalité n’a pas été constatée par la juridiction administrative.

Cour de cassation, chambre criminelle, 10 novembre 2015, N° 14-86876

 L’annulation d’un PLU met-elle automatiquement fin aux poursuites dirigées contre des particuliers ayant engagé des travaux en violation de ce PLU ?

Non : l’annulation d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols a, conformément à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, pour effet de rendre applicable le plan antérieurement en vigueur. Dès lors si les travaux litigieux n’étaient pas plus autorisés par l’ancien document d’urbanisme rendu de nouveau applicable, l’infraction reste constituée.

Cour de cassation, chambre criminelle, 10 novembre 2015, N° 14-85517

[1A le caractère d’une faute inexcusable le manquement à l’obligation de sécurité de résultat à laquelle l’employeur est tenu envers son salarié lorsqu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé ce dernier, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

[2En effet :

 les premières mesures de protection des travailleurs contre l’amiante ont été adoptées, en 1931, en Grande-Bretagne ;

 des recommandations visant à limiter l’inhalation des poussières d’amiante ont été faites aux Etats-Unis à compter de 1946 ;

 des études épidémiologiques menées à partir de données relevées, pour l’une, en Angleterre et, pour l’autre, en Afrique du sud, publiées en 1955 et 1960, ont mis en évidence le lien entre exposition à l’amiante et, respectivement, risque de cancer broncho-pulmonaire et risque de mésothéliome ;

 qu’un cas de mésothéliome diagnostiqué en France a été décrit en 1965 par le professeur Turiaf dans une communication à l’Académie nationale de médecine.

[3Le litige portait en l’espèce sur la concession par la ville de Paris, pour une durée de vingt ans, de l’exploitation et la mise en valeur, sur le domaine public, des diverses activités de service public du jardin d’acclimatation à la société "Le jardin d’acclimatation". Le concessionnaire demandait que soit prononcée la résiliation du contrat de sous-concession la liant à la société Ludo vert.