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La jurisprudence de la semaine du 2 au 6 décembre 2013

Accident de trajet / Fonction publique / Intercommunalité / Logement / Marchés publics / Pouvoirs de police

(dernière mise à jour le 16/12/2014)

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Accident de trajet

 Un accident survenu à un agent alors qu’il regagnait son lieu de travail après avoir assisté à une réunion de parents d’élèves peut-il être considéré comme un accident de service ?

Non, l’accident étant consécutif à une réunion à laquelle participait l’intéressé, en sa qualité de parent d’élève, à titre privé, ne présente pas de lien avec sa vie professionnelle et n’a pas non plus le caractère d’une nécessité de la vie courante. Par conséquent, la victime, qui a été heurtée par une voiture alors qu’elle traversait la rue pour aller prendre son bus la ramenant sur son lieu de travail, ne peut bénéficier de la législation sur les accidents de service.

Tribunal administratif de Strasbourg, 5 décembre 2013, N° 1005384

Fonction publique

 Un agent public irrégulièrement évincé a-t-il droit à la réparation intégrale (primes comprises) du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ?

Oui en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité. Pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions. Il faut en revanche déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l’agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d’éviction.

Conseil d’État, 6 décembre 2013, N° 365155

Intercommunalité

 Une communauté urbaine peut-elle être déclarée responsable d’inondations survenues avant que ne lui ait été transférée la compétence « eau et assainissement » ?

Oui : aux termes de l’article L.5215-20 du code général des collectivités territoriales, la communauté urbaine exerce, dès son institution et de plein droit, au lieu et place des communes membres, la compétence « eau et assainissement » laquelle inclut nécessairement la gestion des eaux pluviales. Dès le transfert des compétences, la communauté urbaine prend seule en charge le service de la dette et les obligations des collectivités comprises dans l’agglomération, à raison des compétences transférées. Et ce, sans pouvoir appeler la collectivité en garantie des condamnations prononcées à son encontre pour des faits qui seraient antérieurs au transfert. Ainsi, une communauté urbaine demeure seule responsable des inondations trouvant leur origine dans l’entretien du réseau des eaux pluviales, y compris pour celles qui se sont produites avant le transfert de la compétence « eau et assainissement ».

Conseil d’Etat, 4 décembre 2013, N° 349614

Logement

 Un bailleur de logements HLM peut-il être condamné à indemniser ses locataires pour des troubles de jouissance affectant les parties communes des immeubles, alors même que des travaux de réhabilitation ont été entrepris ?

Oui, en vertu d’une obligation légale et contractuelle de mise en conformité avec la réglementation en matière de salubrité et d’hygiène, le bailleur est obligé de réaliser les réparations occasionnées par la vétusté, dans les parties communes et privatives. Le fait que des travaux de réhabilitation aient été entrepris n’exonère pas le bailleur de sa responsabilité pour les préjudices subis avant le début des travaux. Pour établir la réalité de l’état d’insalubrité et condamner la société bailleresse, les juges se basent notamment sur les nombreux courriers des locataires adressés à la société entre les années 2000 (premiers courriers) et 2009 (début des travaux), ainsi que sur un constat d’huissier. Une décision unique d’indemnisation forfaitaire a été rendue dans cette affaire opposant le bailleur social à une soixantaine de locataires ayant mutualisé leurs moyens dans une action commune. Enfin, il a été reconnu possible pour l’occupant d’un logement ne figurant pas sur le contrat de bail (au nom de ses parents) d’être indemnisé sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Cour d’appel de Versailles, 3 décembre 2013, N° 12/03094

Marchés publics

 Une collectivité peut-elle être tenue d’indemniser l’attributaire d’un marché annulé en justice bien que l’entreprise ait commencé d’exécuter les travaux avant d’en avoir reçu l’ordre ?

Oui : le simple fait de n’avoir jamais adressé à l’entreprise d’ordre de service de commencer les travaux prévus par le marché est de nature à engager la responsabilité contractuelle du pouvoir adjudicateur. En l’espèce un syndicat d’agglomération nouvelle (SAN) avait renoncé à faire exécuter un marché postérieurement à son attribution compte tenu du désengagement technique et financier d’un partenaire sur lequel portait le marché en litige. Or ce risque était connu du pouvoir adjudicateur avant qu’il annonce la notification prochaine de l’ordre de service. Les juges en déduisent que le SAN ne peut soutenir que les incertitudes sur la réalisation du marché étaient extérieures aux parties, imprévisibles et irrésistibles. En tout état de cause, poursuivent les magistrats, en présence de l’annonce de la notification d’un ordre de service, les sociétés du groupement titulaire du marché se devaient, sur le fondement des stipulations de l’article 3 dudit marché (en vertu duquel il est fixé une période de préparation d’une durée de soixante jours, non comprise dans le délai d’exécution) de commencer la préparation du chantier avant la notification effective de l’ordre de service dont il ne pouvait être tenu pour acquis qu’il fixerait une date de commencement des travaux plus de soixante jours après sa notification.

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 6 décembre 2013, N° 12MA03482

Pouvoirs de police

 Les maires des communes de montagne doivent-ils signaler les plaques de verglas sur les sentier de randonnée ?

Non : un tel danger n’excède pas ceux contre lesquels les randonneurs doivent normalement se prémunir par leur propre prudence lorsqu’ils empruntent, en hiver, des sentiers de montagne. Ainsi le maire d’une commune de montagne ne commet pas de faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police en ne signalant pas une plaque de verglas sur un sentier de randonnée. Ouf !

Tribunal administratif de Grenoble, 3 décembre 2013, N° 1002152

 Le maire est-il tenu de fermer l’accès aux parcs de la ville dès le déclenchement d’une alerte météo de vigilance jaune (premier niveau d’alerte) ?

Non : l’alerte de vigilance de niveau jaune ne constituant que le premier degré d’alerte, le risque n’est pas suffisant pour contraindre le maire à interdire l’accès aux parcs de la ville. Et ce même si des vents violents ont commencé à souffler avant que le niveau d’alerte ne soit rehaussé. Il n’appartient pas non plus au maire de signaler le danger que constitue le fait de circuler dans le parc par vents violents, ce danger étant de ceux contre lesquels les usagers doivent normalement se prémunir. La circonstance que l’arbre à l’origine de l’accident soit, en l’espèce, âgé de 110 ans et implanté dans un parc ouvert au public dans une région régulièrement balayée par des vents forts n’est pas jugée de nature suffisante pour conférer à cet arbre le caractère d’ouvrage exceptionnellement dangereux (pas d’application du régime de responsabilité sans faute). L’arbre étant par ailleurs sain, comme l’atteste une expertise phytosanitaire récente de l’arbre qui ne présentait pas non plus de signe extérieur de fragilité, la commune rapporte la preuve de l’entretien normal de son domaine public et ne saurait engager sa responsabilité suite au décès d’un touriste causé par la chute d’une branche dans un parc de la ville au début de la tempête Xynthia (une heure avant le déclenchement de l’alerte rouge et 3 heures avant l’information de la commune par la préfecture).

Tribunal administratif de Toulouse, 4 décembre 2013, N° 1005383

 Un maire peut-il faire usage de son pouvoir de police spéciale des immeubles menaçant ruine pour ordonner en urgence la démolition immédiate d’un immeuble ?

Non : "en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en œuvre immédiate d’une mesure de démolition, le maire ne peut l’ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu’il tient des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales". Au titre de la police des immeubles menaçant ruine (articles L. 511-2 et suivants du code de la construction et de l’habitation) le maire ne peut ordonner la démolition d’un immeuble que si les mesures prescrites dans l’arrêté de péril n’ont pas exécutées dans les délais impartis et sur ordonnance préalable du juge statuant en la forme des référés. Lorsqu’il agit sur le fondement de l’article L. 511-3 du même code afin de faire cesser un péril imminent, le maire doit se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité.

Conseil d’État, 6 décembre 2013, N° 349245

 La commune peut-elle être tenue responsable de l’agression commise un administré connu pour ses troubles psychiques ?

Potentiellement oui puisque la police municipale inclut la police des aliénés. Ainsi en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes attesté par un avis médical, il appartient au maire de prendre à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les « mesures provisoires nécessaires », à charge d’en référer dans les 24 heures au préfet. En l’espèce le concierge d’un immeuble avait été victime de deux agressions de la part d’un résident connu pour ses troubles psychiques et qui avait déjà fait l’objet d’une mesure d’internement d’office. La victime reprochait au maire, bien qu’informé par courrier du comportement dangereux de l’intéressé, de pas avoir fait usage de ses pouvoirs de police après la première agression et d’avoir ainsi permis la réalisation de la seconde. Retenue en première instance, la responsabilité de la commune est écartée en appel : en effet lorsque le maire a été informé de la première agression, l’intéressé avait été entre-temps hospitalisé en soins psychiatriques et c’est 15 jours après un autre séjour à l’hôpital qu’il s’est rendu coupable de l’agression au couteau. Or entre la sortie de l’hôpital et la seconde agression, le maire n’a été informé d’aucun fait nouveau de nature à établir l’existence de troubles mentaux manifestes présentant un danger imminent pour la sûreté des personnes.

Cour administrative d’appel de Marseille, 6 décembre 2013, N° 11MA04604

[1Photo : © Treenabeena