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Agression d’un administré par un déséquilibré, responsabilité de la commune engagée ?

Cour administrative d’appel de Marseille, 6 décembre 2013, N° 11MA04604

La commune peut-elle être tenue responsable de l’agression commise par un administré connu pour ses troubles psychiques ?

Potentiellement oui puisque la police municipale inclut la police des aliénés. Ainsi en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes attesté par un avis médical, il appartient au maire de prendre à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les "mesures provisoires nécessaires", à charge d’en référer dans les 24 heures au préfet. En l’espèce le concierge d’un immeuble avait été victime de deux agressions de la part d’un résident connu pour ses troubles psychiques et qui avait déjà fait l’objet d’une mesure d’internement d’office. La victime reprochait au maire, bien qu’informé par courrier du comportement dangereux de l’intéressé, de pas avoir fait usage de ses pouvoirs de police après la première agression et d’avoir ainsi permis la réalisation de la seconde. Retenue en première instance, la responsabilité de la commune est écartée en appel : en effet lorsque le maire a été informé de la première agression, l’intéressé avait été entre-temps hospitalisé en soins psychiatriques et c’est 15 jours après un autre séjour à l’hôpital qu’il s’est rendu coupable de l’agression au couteau. Or entre la sortie de l’hôpital et la seconde agression, le maire n’a été informé d’aucun fait nouveau de nature à établir l’existence de troubles mentaux manifestes présentant un danger imminent pour la sûreté des personnes.

Le 31 décembre 2004, le concierge d’un immeuble, gendarme à la retraite, est agressé à la bombe lacrymogène par un résident connu pour ses troubles psychiatriques. La victime en informe par courrier le procureur de la République et le maire.

Au mois de mai 2005, le concierge est victime d’une deuxième agression par le même individu mais cette fois au couteau...

Il recherche la responsabilité de la commune (10 000 habitants) estimant que le maire a failli dans l’exercice de ses pouvoirs de police.

Il résulte en effet de l’article L2212-2 6° du code général des collectivités territoriales que la police municipale comprend notamment "le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l’état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés".

En outre, selon l’article L 3213-2 du code de la santé publique, il appartient au maire "en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical" de prendre "à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l’article L. 3213-1."

Le tribunal administratif de Nice retient la responsabilité de la commune reprochant au maire de s’être abstenu d’exercer ces prérogatives alors qu’il avait été informé de la dangerosité du comportement de l’intéressé et avait été à l’initiative d’une précédente mesure d’hospitalisation d’office. Le tribunal reproche également au maire de ne pas avoir averti le préfet des faits qui lui avaient été rapportés.

La commune se défend en relevant qu’il était impossible au maire de demander l’internement de l’intéressé puisque dès le lendemain de la première agression l’individu a été hospitalisé en psychiatrie. C’est 15 jours après un autre séjour en hôpital psychiatrique qu’a eu lieu l’agression au couteau.

La cour administrative d’appel de Marseille, sensible à l’argument, écarte toute responsabilité de la commune dès lors que celle-ci n’a pas été informée, postérieurement à la dernière hospitalisation, d’un nouveau comportement de l’intéressé de nature à établir l’existence de troubles mentaux manifestes présentant un danger imminent pour la sûreté des personnes.

Cour administrative d’appel de Marseille, 6 décembre 2013, N° 11MA04604