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La jurisprudence de la semaine du 14 au 18 novembre 2011

Biens et domaines / Fonction publique et droit social / Marchés publics et contrats / Pouvoirs de police / Propriété intellectuelle / Responsabilités / Urbanisme

(dernière mise à jour le 10/07/2012)

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Biens et domaines

 Un maire peut-il librement accorder à une association le droit d’installer une stèle commémorative dans un cimetière ?

Non. Encore faut-il que la stèle ne comporte aucune prise de position politique incompatible avec la destination normale d’un cimetière et ne soit pas de nature à troubler l’ordre public. En délivrant illégalement une telle occupation du domaine public, le maire commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

Conseil d’État, 14 novembre 2011, N° 340753


Fonction publique et droit social

 Les opérations d’habillage et de déshabillage des salariés astreints par leur contrat de travail au port d’une tenue de service doivent-elles être incluses dans le temps de travail ?

Uniquement si les salariés concernés ont l’obligation de revêtir leur tenue et de l’enlever sur leur lieu de travail. Selon l’article L. 3121-3 du code du travail, le bénéfice des contreparties au temps d’habillage et de déshabillage impliqué par l’obligation au port d’une tenue de travail est subordonné à la réalisation cumulative des deux conditions qu’il édicte.
Doit donc être approuvé l’arrêt qui, pour débouter les salariés demandant de telles contreparties, relève qu’ils n’avaient pas l’obligation de revêtir et d’enlever sur leur lieu de travail l’uniforme au port duquel ils étaient astreints par le contrat de travail.

Cour de cassation, Assemblée plénière, 18 novembre 2011, N° 10-16491

 Les fonctionnaires placés en congé de maladie peuvent-ils conserver le bénéfice des primes ou indemnités liées à l’exercice effectif des fonctions ?

Oui : ce n’est pas un droit mais l’administration peut décider, si des circonstances particulières lui paraissent le justifier, de maintenir le bénéfice de telles indemnités durant un congé de maladie. Si l’administration en décide ainsi, et sauf motif d’intérêt général, il lui appartient, pour respecter le principe d’égalité, d’en faire également bénéficier, sans préférence ni faveur, tous les fonctionnaires se trouvant dans une situation analogue.

Conseil d’Etat, 18 novembre 2011, N° 344563


Marchés publics et contrats

 Un candidat à un marché public peut-il faire précéder sa proposition de prix du symbole mathématique signifiant "environ" ?

Non : sous réserve des dispositions de l’article 18 du code des marchés publics, un marché doit être conclu à prix définitif. Doit être ainsi éliminée en raison de son prix approximatif, l’offre d’un cabinet d’avocats à un marché de prestations juridiques qui mentionne dans l’acte d’engagement, un prix global précédé d’un symbole mathématique , signifiant approximativement égal à et au surplus écrit au crayon à papier.

Cour Administrative d’Appel de Versailles, 15 novembre 2011, N° 08VE02781

 Les conventions d’aménagement conclues sans publicité préalable avant la publication de la loi du 20 juillet 2005 sont-elles valides ?

Non, elles peuvent simplement poursuivies à titre transitoire afin de les dénouer dans des conditions acceptables. Et ce nonobstant les dispositions de l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005 prévoyant, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, la validation de l’ensemble des conventions d’aménagement signées avant la publicité de la loi [2] :

"le principe de sécurité juridique, s’il est susceptible de permettre aux cocontractants de poursuivre leurs relations contractuelles durant une période transitoire, afin de les dénouer dans des conditions acceptables, ne saurait autoriser la validation pure et simple de ces conventions".

En effet, l’article 11 de la loi du 20 juillet 2005 ne peut faire obstacle à l’application du droit de l’Union européenne.

Conseil d’État, 18 novembre 2011, N° 342147


Pouvoirs de police

 Est-ce aux communes d’assurer la visite des logements signalés comme étant insalubres par les locataires ?

Uniquement pour les communes qui disposent d’un service communal d’hygiène et de sécurité : s’il appartient au maire, en vertu des pouvoirs généraux de police qu’il tient de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et des pouvoirs de contrôle administratif et technique des règles générales d’hygiène applicables aux habitations et à leurs abords qui lui sont désormais conférés par l’article L. 1421-4 du code de la santé publique, de veiller aux respect des règles de salubrité sur le territoire de la commune, la prescription de mesures adéquates de nature à faire cesser l’insalubrité dans un logement relève, en application des articles L. 1331-26 et L. 1331-28 du même code, de la compétence des services de l’Etat. Cette compétence s’exerce au terme d’une procédure qui débute par l’établissement d’un rapport motivé sur l’état de l’immeuble par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou par le directeur du service communal d’hygiène et de sécurité, si un tel service existe. Ces rapports sont établis soit sur la propre initiative de ces services, soit sur saisine du maire, soit à la demande du locataire ou de l’occupant de l’immeuble. Ainsi un préfet ne peut refuser de donner suite à la demande de visite formulée par le locataire d’un logement transmise par le maire de la commune, au motif qu’il appartenait selon lui à cette commune, qui ne dispose pas d’un service communal d’hygiène et de sécurité, d’y procéder elle-même.

Conseil d’État, 14 novembre 2011, N° 341956


Propriété intellectuelle

 Une collectivité est-elle libre de créer son logo en modifiant une photographie dont elle a acquis les droits « pour tous usages » ?

Pas si la photographie constitue, par son originalité, une œuvre de l’esprit protégée par le code de la propriété intellectuelle. En effet le caractère inaliénable du droit au respect de l’œuvre « s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisations, diffusions et changements auxquels il plairait à ce dernier de procéder ». Une ville ne peut ainsi modifier une photo pour créer son logo sans consentement de l’auteur à cette modification.

Cour d’appel de Nîmes, 15 novembre 2011, n°522


Responsabilités

 La limitation de la responsabilité pénale des collectivités territoriales aux seules activités susceptibles de délégation de service public est-elle contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi ?

Non : "les collectivités territoriales se trouvent dans une situation différente des personnes morales de droit privé, de sorte que l’article 121-2, alinéa 2, du code pénal dont l’objet est notamment de soustraire à toute responsabilité pénale les collectivités territoriales dans l’exercice des activités qui leur sont propres, ne crée pas une dérogation injustifiée au principe d’égalité devant la loi".

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 novembre 2011, N° 11-81203


 Est-il possible de poursuivre pénalement un élu qui a perçu des indemnités de fonction excédant le maximum légal autorisé plus de trois ans après la délibération de la collectivité attribuant cet avantage indu ?

Oui : la perception de sommes indues, constituent entre elles un tout indivisible à l’origine des versements ou des exonérations. La prescription ne commence dès lors à courir qu’à compter du dernier versement. Peu importe que la délibération octroyant illégalement cet avantage indu ait été adoptée depuis plus de trois ans.

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 novembre 2011, N° 10-88838

 Le fait pour un acheteur public de demander à des entreprises de répondre à des appels d’offre pour "faire nombre" et déposer des"offres de couverture" est-il pénalement répréhensible ?

Oui : de tels agissements sont constitutifs de favoritisme. En effet "le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, de demander à des dirigeants d’entreprises de déposer des offres de couverture, simulant une proposition concurrente pour faire apparaître une autre entreprise comme mieux disante, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres est de nature à entraver le libre jeu de la concurrence (...) et procure nécessairement un avantage injustifié à l’entreprise attributaire".

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 novembre 2011, N° 11-80433


 Une commune peut-elle être déclarée responsable de l’accident survenu à un jeune vététiste qui a utilisé comme tremplin une butte de terre interdisant l’accès des voitures à un chemin pédestre ?

Non dès lors que l’obstacle est visible et qu’il peut être évité en prenant une autre portion du chemin. La faute de la victime qui est la cause exclusive du dommage exonère la commune de toute responsabilité. Ainsi une commune ne saurait être tenue responsable de l’accident survenu à une jeune vététiste, victime d’une grave chute, après avoir franchi à pleine vitesse des buttes destinées à empêcher le passage des véhicules automobiles sur un chemin pédestre. En effet les bosses étaient visibles et pouvaient être évitées en empruntant une autre branche du chemin. A contrario, si les buttes avaient été placées à un endroit manquant de visibilité (ex : à la sortie d’un virage), la responsabilité de la commune aurait pu être retenue.

Conseil d’État, 18 novembre 2011, N° 342711


Urbanisme

 Les juridictions judiciaires sont-elles compétentes pour se prononcer sur la responsabilité d’une commune consécutivement à la liquidation et le recouvrement d’une astreinte prononcée contre un particulier condamné pour infraction au droit de l’urbanisme ?

Oui dès lors que la créance de la commune trouve son fondement dans la décision prononcée par la juridiction répressive en application des dispositions du code de l’urbanisme. La liquidation et le recouvrement de l’astreinte pour le compte de la commune étant relatifs à l’exécution de la décision judiciaire, la responsabilité de la personne publique pouvant être engagée, en conséquence de l’irrégularité de ces actes qui n’en sont pas détachables, ne peut être recherchée que devant la juridiction judiciaire.

Tribunal des conflits, 14 novembre 2011, N° 11-03810


 Le juge des référés peut-il suspendre des travaux publics dangereux ?

Oui en cas d’urgence pour prévenir ou faire cesser un péril dont il n’est pas sérieusement contestable qu’il trouve sa cause dans l’action ou la carence de l’autorité publique. Le juge des référés peut, en cas d’urgence, être saisi soit sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, afin qu’il ordonne la suspension de la décision administrative, explicite ou implicite, à l’origine de ce péril, soit sur le fondement de l’article L. 521-3 du même code, afin qu’il enjoigne à l’autorité publique, sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou à mettre un terme à ce péril. Il peut, en particulier, suspendre la mise en œuvre d’une action décidée par l’autorité publique et, le cas échéant, déterminer, au besoin après expertise, les mesures permettant la reprise de cette mise en œuvre en toute sécurité.

Le droit au respect de la vie, rappelé notamment par l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Ainsi lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence. Il peut, le cas échéant, après avoir ordonné des mesures d’urgence, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s’imposent et qui peuvent être très rapidement mises en œuvre.

Conseil d’État, 16 novembre 2011, N° 353172


[1Photo : © Treenabeena

[2En tant que leur légalité serait contestée au motif que la désignation de l’aménageur n’a pas été précédée d’une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.