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Modification d’une photo pour créer un logo : attention aux droits d’auteur

Cour d’appel de Nîmes, 15 novembre 2011, n°522

Une collectivité est-elle libre de créer son logo en modifiant une photographie dont elle a acquis les droits "pour tous usages" ?

 [1]


Pas si la photographie constitue, par son originalité, une œuvre de l’esprit protégée par le code de la propriété intellectuelle. En effet le caractère inaliénable du droit au respect de l’œuvre "s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisations, diffusions et changements auxquels il plairait à ce dernier de procéder". Une ville ne peut ainsi modifier une photo pour créer son logo sans consentement de l’auteur à cette modification.

En 1997 un photographe professionnel réalise, sur commande de la ville, une série de clichés du célèbre pont d’Avignon pour réaliser une affiche d’une manifestation culturelle [2].

Un contrat de cession des photographies est signé pour « tous usages », et sans mention de durée, pour un montant approchant les 2000 euros TTC.

Photo originale ou idée originale du maire ?

Séduite par les clichés, la ville créé un nouveau logo à partir de l’une des photos. En 2008, soit plus de 11 plus tard, le photographe se réveille reprochant à la ville d’avoir, sans autorisation, utilisé l’une de ses photos comme logo officiel.

Après une tentative infructueuse de renégociation de son contrat, il assigne la commune et l’office du Tourisme devant le TGI pour que soit constatée la nullité du contrat de cession et qu’interdiction soit faite à la ville d’utiliser le logo. Il demande par ailleurs 40 000 euros au titre de la réparation de l’atteinte ainsi portée à son droit moral d’auteur et 20 000 euros pour l’exploitation du logo de 1997 à 2008.

La ville objecte que :

 la photographie, faute d’originalité, ne peut bénéficier de la protection par le droit d’auteur ;

 le logo de la ville a été créé sur la base d’une idée originale du maire et réalisé par un studio professionnel.

Pas de modification d’une photo originale sans autorisation de l’auteur

Le TGI d’Avignon constate la prescription de l’action en nullité du contrat de cession, mais condamne la ville à verser au photographe 30 000 euros de dédommagement pour violation de ses droits d’auteur. Le tribunal interdit par ailleurs à la ville et au syndicat d’initiative d’utiliser le logo réalisé à partir de cette photographie.

La Cour d’appel de Nîmes confirme le jugement dans toutes ses dispositions :

 les œuvres photographiques sont bien des œuvres de l’esprit au sens du code de la propriété intellectuelle ;

 "en application de l’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre".

Or la photographie litigieuse réalisée avec un effet d’étirement du pont a été modifiée sans autorisation de l’auteur. Par ailleurs aucune reproduction du logo ne mentionne le nom de l’auteur de la photographie, "ce dont il résulte une atteinte au respect et à la paternité de l’œuvre de ce dernier".

Un droit moral perpétuel, inaliénable et imprescriptible

Et la cour d’appel de préciser que :

 "ni la finalité de la promotion de la ville, ni la cession d’une photographie en 1997 sans poursuite de relations contractuelles n’impliquent une modification de l’œuvre ou un consentement de l’auteur à cette modification et à l’anonymat" ;


 le droit moral attaché à la personne de l’auteur est perpétuel, inaliénable et imprescriptible ;


 le caractère inaliénable du droit au respect de l’œuvre "s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l’appréciation exclusive des utilisations, diffusions et changements auxquels il plairait à ce dernier de procéder."

La ville dispose d’un délai de six mois pour cesser d’utiliser le logo sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Cour d’appel de Nîmes, 15 novembre 2011, n°522

[1Photo : © Kaziyeva-Dem’yanenko

[2« Avignon, capitale européenne de la culture »