Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Droit à réparation du titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public délivrée illégalement

Conseil d’État, 14 novembre 2011, N° 340753

Un maire peut-il librement accorder à une association le droit d’installer une stèle commémorative dans un cimetière ?

 [1]


Non. Encore faut-il que la stèle ne comporte aucune prise de position politique incompatible avec la destination normale d’un cimetière et ne soit pas de nature à troubler l’ordre public. En délivrant illégalement une telle occupation du domaine public, le maire commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

En juin 2005, le maire d’une commune du Sud-Est de la France [2] délivre à une association de défense "des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française", l’autorisation d’occuper pendant quinze ans un emplacement de 6 m2 dans le cimetière communal pour y ériger une stèle commémorative.

La stèle en cause comporte notamment l’inscription "aux combattants tombés pour que vive l’Algérie française" ainsi que les dates auxquelles ont été exécutés les auteurs de plusieurs assassinats ou tentatives d’assassinats, jouxtant un bas-relief représentant l’exécution d’un militaire.

Le fils d’un commissaire de police assassiné par certaines des personnes auxquelles la stèle rend hommage, et qui ont été condamnées à ce titre, demande l’annulation de l’arrêté autorisant l’installation de ce monument.

En toute connaissance de cause

Le tribunal administratif annule l’arrêté et ordonne l’enlèvement de la stèle, ce que confirme la Cour administrative d’appel de Marseille. Pour les magistrats marseillais en effet, le maire a délivré son autorisation avec légèreté et sans connaissance précise du projet.

Impossible répond le Conseil d’Etat, l’association ayant adressé au maire une description complète et précise de la stèle. Le maire pouvait d’autant moins ignorer la teneur exacte du monument projeté que celui-ci "était analogue, par son apparence, ses proportions et ses références historiques, à d’autres stèles déjà érigées, au prix de vives contestations, dans des communes proches".

Prise de position politique et trouble à l’ordre public

Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’autorisation délivrée par le maire était légale.

En effet "cette stèle ne constituait pas un simple monument commémoratif à la mémoire de personnes défuntes mais manifestait une prise de position politique et procédait à l’apologie de faits criminels".

Ainsi "le maire a autorisé l’occupation du domaine public communal pour un usage qui, d’une part, n’était pas compatible avec la destination normale d’un cimetière et, d’autre part, était de nature à entraîner des troubles à l’ordre public".

L’enlèvement de la stèle litigieuse était donc bien fondé.

Faute de la commune

Pour autant, en délivrant illégalement une autorisation d’occupation du domaine public, la commune engage sa responsabilité. Si l’association ne peut obtenir le remboursement intégral de la stèle dès lors que celle-ci est demeurée à sa disposition après son enlèvement, elle est en revanche fondée à réclamer à la commune le coût des travaux d’installation de la stèle ultérieurement enlevée et exposée en pure perte. Cela constitue en effet "un préjudice en lien direct avec l’autorisation illégale d’occupation du domaine public qui avait été accordée par le maire".

Conseil d’État, 14 novembre 2011, N° 340753

[1Photo : © Elena Elisseeva

[235 000 habitants