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Marchés publics et contrats

Prestations d’action sociale des collectivités au profit des agents : mise en concurrence nécessaire ?

L’adhésion d’une collectivité territoriale à un organisme fournissant des prestations d’action sociale nécessite-t-elle le respect des règles de la commande publique ?

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"P’t’être bien qu’oui, p’t’être bien que non". La réponse de Normand des services du ministère de l’intérieur incite à la plus grande prudence. Il faut dire qu’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris jette le trouble.

La réglementation relative aux marchés publics ne s’applique pas aux activités non marchandes

"Aux termes de l’article 1er du code des marchés publics, « les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ».

Il ressort de cette définition que la réglementation relative aux marchés publics ne s’applique pas aux activités non marchandes, c’est-à-dire lorsque l’organisme tiers n’agit pas en tant qu’opérateur économique".

L’avis du Conseil d’Etat

"Dans son avis Fondation Jean Moulin (Ass., avis, 23 octobre 2003, n° 369315), le Conseil d’État a précisé que « la qualification d’action sociale ne peut être reconnue à ces prestations que si, par leur contenu, elles présentent des caractéristiques garantissant leur vocation sociale et les distinguant des prestations à caractère purement marchand ; ce qui suppose notamment qu’elles ne se bornent pas à offrir des services disponibles et aisément accessibles, en termes de localisation et de prix, sur le marché et que leurs conditions d’octroi et de tarification les rendent accessibles à l’ensemble des agents, en particulier ceux à revenus modestes ».

Pour le Conseil d’État, relèvent de l’action sociale « toutes les prestations à caractère individuel versées, au cas par cas, après examen de la situation particulière des agents et qui sont, au demeurant, d’un montant souvent modeste, ainsi que les prestations à caractère collectif tournées vers les catégories de personnel les moins favorisées, comme les séjours linguistiques, les séjours dits de découverte, les séjours réservés aux enfants handicapés, la gestion des crèches et des restaurants administratifs ou de l’arbre de Noël qui constituent les éléments les plus traditionnels de l’action sociale de l’État ».

Dans l’avis précité, le Conseil d’État a considéré en l’espèce que les prestations d’action sociale servies par la fondation aux agents du ministère de l’intérieur avaient, eu égard à leur nature, un caractère non marchand et précisé qu’en conséquence, l’opérateur appelé à fournir ces prestations non économiques ne pouvait être regardé comme un opérateur économique.

Pas de nécessité de mise en concurrence si les critères sont réunis

"Dans une telle hypothèse, le Conseil d’État a estimé que les dispositions de l’article 9 de la loi du 17 juillet 1983 permettaient aux collectivités publiques « de choisir un ou plusieurs organismes pour gérer de telles prestations sans avoir à respecter les procédures de publicité et de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics ».

Le Conseil d’État a confirmé dans un arrêt du 6 avril 2007 (commune d’Aix-en-Provence, n° 284736), que les collectivités publiques peuvent ne pas passer un marché public de services « lorsque, eu égard à la nature de l’activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il exerce, le tiers auquel elles s’adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel ».

Certaines commandes, à caractère social en particulier, peuvent ainsi être passées avec des organismes qui, compte tenu de la nature de leur activité et des conditions dans lesquelles ils agissent, peuvent être regardés, dans tel lieu et à tel moment, comme des opérateurs non concurrentiels : le contrat éventuel qui les lie alors à la collectivité n’est pas analysé comme un marché public".

Une appréciation au cas par cas

" Toutefois, une telle dispense n’est possible que si une analyse concrète permet de conclure, compte tenu d’un contexte spécifique, que la commande ne s’adresse pas à des opérateurs concurrentiels. À défaut, les prestataires chargés de fournir de telles prestations devront être sélectionnés conformément aux dispositions prévues par le code des marchés publics."

Réponse du 12/07/2011 à la Question N° : 63267 de Mme Pascale Got

 Les prestations d’action sociale offertes par les collectivités à leurs agents ne sont dispensées de mise en concurrence que pour autant qu’elles présentent des caractéristiques garantissant leur vocation sociale et les distinguant des prestations à caractère purement marchand. Ce qui suppose notamment qu’elles ne se bornent pas à offrir des services disponibles et aisément accessibles et que leurs conditions d’octroi et de tarification les rendent accessibles à l’ensemble des agents, en particulier ceux à revenus modestes. Cela suppose également que le tiers auquel s’adressent les collectivités ne puisse être assimilé à "un opérateur sur un marché concurrentiel".

 Autant de conditions qui sont appréciées au cas par cas par le juge. D’où l’extrême prudence de la réponse ministérielle. Ce d’autant plus que la Cour administrative d’appel de Paris (dont l’arrêt a motivé la question parlementaire) a jugé que l’adhésion d’une commune au comité national d’action sociale visant à la fourniture, au bénéfice de ses agents, de prestations à caractère social culturel et de loisirs financées sur le budget communal, présente le caractère d’un marché public de services au sens de l’article 1 du code des marchés publics (voir références ci-après).


Références

 Article 1er du code des marchés publics

 Article 9 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Loi dite loi Le Pors

 Conseil d’Etat, avis du 23 octobre 2003, n° 369315

 Cour administrative d’appel de Paris, 27 juin 2005, N° 01PA00547


Voir aussi

 4 ans de prison ferme et 5 ans d’interdiction des droits civiques. Tel est le "tarif" pour ces fonctionnaires territoriaux qui, profitant de leur fonction au sein d’un COS de la ville, ont détourné des cotisations d’assurance pour près d’un million d’euros... (accès réservé sociétaires SMACL)

 Délégations de service public (DSP) : le délai de validité des offres édicté par le règlement de mise en concurrence peut-il être prolongé ? (accès réservé sociétaires SMACL personnes physiques)

[1Photo : © Paolo Omero