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Accident à l’école : portillon mal sécurisé, responsabilité de la commune engagée

Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 25 février 2025 : n°2102860

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Un élève de maternelle est blessé par un portillon poussé par un camarade : la commune peut-elle engager sa responsabilité ?

 
Oui si le portillon n’est pas correctement sécurisé. En sa qualité de propriétaire, la commune a en effet la charge des écoles publiques et doit assurer la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement des locaux (article L.212-4 du Code de l’éducation). Le portillon constitue une dépendance des bâtiments de l’école, ce bien présente un caractère immobilier lui conférant la qualification d’ouvrage public. La responsabilité de la commune peut être recherchée sur le fondement du défaut d’entretien normal. Ici le défaut d’entretien normal est caractérisé par la dangerosité du portillon qui ne comportait aucun dispositif de freinage et par le fait qu’il n’était pas verrouillé. Cependant le juge accueille l’appel en garantie dirigé contre l’État. La directrice de l’école n’avait ni signalé le danger aux services municipaux compétents, ni pris de mesures pour assurer la sécurité des enfants. Il s’agit d’une carence fautive de nature à engager la responsabilité de l’État. Le juge fixe la responsabilité de l’État à hauteur de la moitié des condamnations prononcées contre la commune.
 
Deux enfants de maternelle jouent au ballon dans la cour de récréation. Le ballon atterrit dans une cour réservée au personnel de la restauration scolaire, interdite aux enfants. Afin de récupérer le ballon, l’un des enfants grimpe sur un muret pour atteindre la poignée du portillon et, en le refermant, écrase involontairement le pouce de son camarade de 5 ans qui se trouvait dans la charnière.
 
L’assureur subrogé dans les droits de la victime recherche la responsabilité de la commune pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. Il réclame la condamnation de la commune à lui verser une somme de plus de 15 000 euros correspondant au montant total des indemnités versées.

Le portillon était défectueux 

Aux termes de l’article L. 212-4 du Code de l’éducation :
 
« La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement ».
 
L’accident a été causé par un portillon qui constitue une dépendance des bâtiments de l’école, ce bien présente un caractère immobilier lui conférant la qualification d’ouvrage public.
 
La commune ne rapporte pas la preuve de l’entretien normal du portillon. Le juge relève que :
  •  le portillon n’était pas verrouillé ; 
  •  aucun dispositif n’empêchait les enfants d’y accéder et de l’ouvrir ; 
  •  le portillon ne comportait aucun dispositif de freinage.
 
Le portillon est donc jugé défectueux caractérisant ainsi un le défaut d’entretien normal.
 
Dans un autre accident similaire, la responsabilité de la commune a en revanche été écartée. Un enfant avait été amputé d’un doigt après l’avoir coincé dans une charnière d’un portillon d’une école communale qu’un camarade poussait. Le juge n’avait retenu en l’espèce aucune défectuosité du portillon, qui ne présentait pas par lui-même un caractère dangereux, pour écarter la responsabilité de la commune. Peu importe qu’après l’accident le portillon ait été bloqué par une chaine (Conseil d’État, 23 juillet 2010, N° 329418).

Aucune faute de la jeune victime

La commune soutient que les enfants ont fait un usage anormal du portillon lequel n’est pas destiné à être manipulé par des enfants. Ce d’autant que son accès était interdit.

Mais, la collectivité ne peut mettre en exergue une faute de la victime répond le juge. En effet, ce n’est pas l’enfant victime qui a ouvert le portillon. La victime a « malencontreusement laissé sa main sur la charnière alors que son camarade ouvrait le portillon ».
 
En outre, la commune en charge de l’ouvrage public ne peut pas invoquer les agissements de l’enfant ayant actionné le portillon pour se dégager de sa responsabilité puisque le fait du tiers n’est pas une cause exonératoire de responsabilité lors d’un dommage de travaux publics.
 
La commune est entièrement responsable de l’accident, la collectivité est condamnée à verser à l’assureur un peu plus de 15 000 euros.

Une faute de la directrice de l’école qui n’a pas signalé le danger à la commune

La commune estime que la responsabilité de l’État est engagée en raison des fautes commises par les enseignantes dans la surveillance des enfants durant la récréation. Le juge rappelle que la juridiction administrative n’est pas compétente pour juger des manquements personnels commis par les membres de l’enseignement public.
 
L’article L.911-4 du Code de l’éducation prévoit une substitution de la responsabilité de l’Etat à celle des membres de l’enseignement public. Et, seuls les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître de la responsabilité de l’État pour tous les cas où un dommage causé à un élève ou par un élève a son origine dans la faute d’un membre de l’enseignement.
 
La responsabilité de l’Etat est engagée devant la juridiction administrative lorsque l’accident est imputable à un défaut d’organisation ou de fonctionnement du service public de l’enseignement :
 
 Il n’est dérogé à cette règle que dans le cas où le préjudice subi doit être regardé comme indépendant du fait de l’agent, soit qu’il ait son origine dans un dommage afférent à un travail public, soit qu’il trouve sa cause dans un défaut d’organisation du service ».
 
Au cas présent, il était reproché aux deux enseignantes nommément désignées une faute dans leur mission de surveillance durant la récréation. Ces faits se rapportent à la responsabilité des membres de l’enseignement public et non à l’organisation du service affirme le juge.
 
Le juge rejette donc les conclusions de la commune tendant à l’engagement de la responsabilité de l’État sur ce fondement.

En revanche, l’appel en garantie est accueilli sur le fondement d’une faute commise par la directrice de l’école maternelle qui a manqué à son obligation de signaler aux services municipaux la dangerosité du portillon.

Selon l’article D.421-10 du Code de l’éducation :
 
En qualité de représentant de l’État au sein de l’établissement, le chef d’établissement : () / 3° Prend toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l’hygiène et la salubrité de l’établissement. »
Le juge s’appuie sur plusieurs déclarations de la directrice pour établir sa connaissance de la dangerosité du portillon pour des enfants d’école maternelle :
 
« le portail est dangereux et l’ouverture est accessible aux enfants » (déclaration d’accident scolaire),
«  ces types de portail en fer, qui n’ont pas de système de freinage peuvent présenter clairement un danger pour des élèves si jeunes » (courriel).
 
Or, la directrice n’a jamais informé les services municipaux compétents de ce danger. De plus, elle n’a pris aucune mesure de sécurité pour empêcher les enfants d’accéder à ce portillon ou de l’ouvrir. L’État est donc condamné à garantir la commune à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre.
 
 
Lorsque les directeurs d’établissements signalent des dangers à la collectivité, celle-ci doit se montrer réactive et efficace. A défaut la responsabilité de la commune et/ou des élus pourra être engagée, y compris sur un un plan pénal. Ainsi lors d’une fête de l’école, un jeune enfant a été très grièvement blessé par une tige métallique dépassant de la clôture. Ni l’intervention (7 à 8 fois) des services techniques municipaux pour couper les tiges, ni le déplacement sur place du directeur des services techniques quelques jours avant le drame n’ont été suffisants, ce problème récurrent perdurant. Au cours de l’année scolaire les services municipaux ont en effet été alertés à de nombreuses reprises par la directrice de l’école. Et d’autres accidents se sont produits en raison de la dangerosité de ces tiges. La responsabilité de la commune est engagée pour défaut d’entretien normal. Parallèlement la responsabilité pénale de l’adjointe à la jeunesse a également été retenue (Grave accident lors d’une fête d’école : la commune déclarée responsable, l’adjointe reconnue coupable).