Retrouvez un résumé des décisions de la justice pénale recensées par l’Observatoire SMACL relatives à la responsabilité pénale des élus locaux, des fonctionnaires territoriaux et des acteurs de la vie associative. Certaines décisions ont été médiatisées, d’autres moins mais sont tout aussi instructives.
✅ Tribunal correctionnel de Nanterre, 1er mars 2024
❌ Tribunal correctionnel de Lille, 7 mars 2024
❌ Tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion, 7 mars 2024
❌ Cour d’appel de Fort-de-France, 7 mars 2024
Condamnation d’un ancien maire (commune de moins de 5000 habitants) poursuivi pour favoritisme dans une affaire d’attribution de marché public sur plainte de la nouvelle majorité.
En 2016, la Chambre régionale des comptes avait dénoncé plusieurs irrégularités graves dans l’attribution de certains marchés publics dans la commune, critiquant le choix de l’offre la plus chère sans justification, des conflits d’intérêts dans les marchés et l’absence de mise en concurrence. La prévention visait des marchés passés entre le 4 janvier et le 31 mars 2012. En première instance, le tribunal a retenu l’extinction de l’action publique par effet de la prescription. En appel, l’élu est condamné à rembourser solidairement avec l’entreprise attributaire près de 170 000 euros de dommages-intérêts à la commune, qui s’est constituée partie civile.
❌ Tribunal correctionnel de Nantes, 11 mars 2024
✅ Tribunal correctionnel d’Arras, 12 mars 2024
✅ Tribunal correctionnel de Draguignan, mars 2024*
Il était reproché aux deux élus qui se sont succédé à la direction générale d’une société d’économie mixte locale (SEML) d’avoir perçu une rémunération et d’avoir participé à des votes en conseil municipal concernant cette SEML. Ainsi, le premier avait participé au vote de trois délibérations concernant la SEM (cession de terrains, octroi d’une garantie d’emprunt et attribution d’une convention de prestation de service), tandis que son successeur avait participé au vote attribuant la qualité d’office de tourisme à cette même SEM.
Les deux élus invoquaient leur bonne foi, n’ayant reçu aucune alerte du service juridique de la commune ni de la préfecture. Leur avocat a en outre invoqué le régime dérogatoire prévu par le CGCT au profit des SEM et rappelé que rien n’interdit à un élu d’avoir des fonctions au sein d’une SEML, surtout quand celle-ci est détenue à 80 % par la commune. Le procureur avait requis la condamnation des deux élus, estimant que la prise illégale d’intérêts était caractérisée, la circonstance que les élus n’aient pas retiré un avantage personnel du vote des délibérations étant indifférente.
Le tribunal, ne suivant pas les réquisitions du procureur, prononce la relaxe des deux élus.
✅ Tribunal correctionnel de Toulon, 12 mars 2024
❌✅ Cour d’appel de Douai 12 mars 2024
Condamnation de l’ancien président d’un centre de gestion (CDG) pour détournement de fonds publics suite au signalement interne d’un agent qui a adressé un courrier au procureur de la République au printemps 2017. Seule une partie des faits évoqués dans le courrier a été retenue.
Il est reproché à l’élu d’avoir utilisé la voiture, le chauffeur et la carte essence du CDG pour des déplacements à Paris dans le cadre de son mandat de député. Il lui était également reproché d’avoir, pendant le premier semestre 2014, recouru aux services d’un agent du CDG pour réaliser la maquette du journal municipal de la commune dont il était alors maire, sans prendre d’arrêté de détachement pour régulariser cette situation. L’élu a été condamné pour la première partie des faits mais relaxé pour la seconde.
La cour d’appel réduit la peine prononcée en première instance en la portant à trois mois d’emprisonnement avec sursis (en première instance, il avait été condamné à cinq mois d’emprisonnement avec sursis simple, 10 000 € d’amende et un an d’inéligibilité).
Son successeur était également poursuivi pour avoir laissé perdurer les mauvaises pratiques concernant l’affectation de l’agent pour les besoins de la commune lorsqu’il a pris la tête du CDG. Condamné en première instance, il est relaxé en appel.
L’agent à l’origine du signalement, qui a été révoqué en 2019, demandait 40 000 € de dommages-intérêts. Sa constitution de partie civile est jugée irrecevable. Il se pourvoit en cassation.
❌ Tribunal correctionnel de Saint-Malo, CRPC, 13 mars 2024
❌ Cour d’appel de Limoges 13 mars 2024
Condamnation de l’ancien président d’une association pour abus de confiance et trafic d’influence.
Il lui est reproché d’avoir détourné 243 000 euros de dons à l’association, dont le but était de distraire les enfants hospitalisés, par l’acquisition d’un véhicule coûteux pour son usage personnel aux frais de l’association, le versement de dons sur son compte bancaire personnel et des transferts de fonds non justifiés. S’agissant des faits de trafic d’influence, il lui est reproché d’avoir versé de l’argent à un individu se présentant comme magistrat dans le but d’obtenir le classement de son dossier.
Il est condamné à 42 mois d’emprisonnement ferme et à cinq ans d’interdiction d’exercer dans une association ou de diriger une entreprise pour les faits d’abus de confiance, et à 18 mois d’emprisonnement pour trafic d’influence. Un mandat d’arrêt a été délivré à son encontre.
❌ Cour de cassation, chambre criminelle, 13 mars 2024
❌ Tribunal correctionnel d’Auch, mars 2024*
❌ Tribunal correctionnel de Chambéry, 14 mars 2024
❌ Tribunal correctionnel de Quimper, 14 mars 2024
❌ Tribunal correctionnel de Lorient, ordonnance pénale, 15 mars 2024
❌ Tribunal correctionnel de Marseille, 18 mars 2024
❌Cour d’appel de Caen, 18 mars 2024
C’est son ex-femme qui a été victime et qui a déposé plainte en mars 2022. Elle explique que pendant 22 ans de vie commune, elle n’a cessé d’être insultée, rabaissée, surveillée et espionnée. L’adjoint aurait même profité de ses fonctions d’élu pour accéder aux enregistrements de vidéosurveillance de la commune et les diffuser à l’épouse du nouveau compagnon de son ex-femme. Le prévenu conteste les faits, mais le maire a indiqué que son adjoint lui avait avoué avoir utilisé les caméras de vidéosurveillance à des fins personnelles.
Il est condamné à dix mois d’emprisonnement avec sursis probatoire de deux ans, interdiction d’entrer en contact avec la victime hors exercice des droits parentaux, interdiction de paraître à proximité de la victime et à deux ans d’inéligibilité.
❌Tribunal correctionnel de Tours, ordonnance d’homologation CRPC, 19 mars 2024
En consultant l’ordinateur d’un sous-directeur resté allumé, le gradé découvre des mails le concernant. Il tente de se les envoyer sur sa boîte mail, mais se trompe de destinataire, ce qui permet de découvrir l’intrusion. Le tout se déroule dans un contexte social très tendu, marqué par la tentative de suicide d’un officier.
Reconnaissant l’intrusion illicite, le prévenu est condamné, selon la procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), à 2000 € d’amende, dont 1500 € avec sursis, et à verser 800 € de dommages-intérêts au plaignant.
✅ Tribunal correctionnel de Saint-Pierre, 19 mars 2024
Il lui était reproché d’avoir participé à la procédure d’octroi de la protection fonctionnelle dans le cadre de poursuites engagées à son encontre pour harcèlement moral par la directrice du CCAS.
Pour sa défense, l’élu soutenait avoir quitté la salle lors du vote portant sur sa protection fonctionnelle au conseil d’administration du CCAS. Selon lui, si l’extrait du PV ne le mentionne pas, c’est à cause d’une erreur de "copier-coller".
Le tribunal le relaxe, regrettant l’absence d’auditions des administrateurs ayant participé à la séance et de l’intégralité du procès-verbal.
❌Tribunal correctionnel de Dunkerque, 20 mars 2024
L’employée dénonçait des humiliations répétées dont elle avait été l’objet. L’événement déclencheur aurait été sa participation, en janvier 2012, à la cérémonie d’officialisation de l’entrée de la commune dans la communauté urbaine, le maire lui reprochant de ne pas être à son poste. D’où l’engagement d’une procédure pour abandon de poste avec révocation à la clé, qui sera finalement annulée par le juge administratif. Contraint de réintégrer l’intéressée, le maire lui aurait alors confié des tâches ingrates comme nettoyer les toilettes sans équipement de protection, laver des Lego à la main un à un, trier des papiers pendant des heures alors qu’elle occupait jusqu’ici un poste d’animatrice coresponsable du jardin d’enfants. Avec des conséquences sur sa santé puisqu’elle perdra 14 kg et fera deux tentatives de suicide.
Pour sa défense, le maire concède une situation conflictuelle de travail mais conteste toute volonté de harcèlement, dénonçant une manipulation syndicale dont il serait la cible. Il est condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et à cinq ans d’inéligibilité. Il devra également verser 2000 € de dommages-intérêts au syndicat qui s’est constitué partie civile aux côtés de la victime. Une expertise médicale a été ordonnée afin d’évaluer le préjudice de la plaignante, en vue d’une audience de liquidation de dommages et intérêts.
❌Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 20 mars 2024
Critiquant sur un réseau social une décision de justice, l’élu avait accusé un universitaire de faire le jeu des passeurs en venant en aide aux personnes migrantes, et dénonçait un acte politique de nature à mettre en danger la sécurité des français.
Condamné en première instance, l’élu avait été relaxé en appel, la cour d’appel retenant la bonne foi de l’élu en s’appuyant notamment sur des décisions de justice rendues postérieurement aux écrits incriminés. Mais la Cour de cassation avait censuré cette position, la cour d’appel devant « pour apprécier la bonne foi du prévenu, se fonder sur les éléments produits au soutien de cette exception au moment de la publication des propos litigieux, les décrire et procéder à leur analyse, sans pouvoir se fonder sur des éléments postérieurs à ladite publication. »
La cour d’appel de renvoi confirme finalement la condamnation de première instance. L’avocat de l’élu a annoncé un nouveau pourvoi en cassation.
❌Cour d’appel de Pau, 21 mars 2024
❌ Tribunal correctionnel d’Ajaccio, 22 mars 2024
❌ Tribunal correctionnel de Marseille, 22 mars 2024
❌✅ Tribunal correctionnel de Grasse, 24 mars 2024
le PCS vise à une anticipation dans les procédures à suivre aux fins d’aider à la prise de décisions précises, rationnelles, coordonnées et efficaces, de sorte de ne pas être pris au dépourvu en cas de survenance d’un événement grave, de ne pas être laissé sans boussole, sans cadre des premiers réflexes à avoir.
Pour sa défense, tout au long de l’enquête, de l’instruction et du jugement, la maire a souligné le caractère non opérationnel du PCS pour justifier son inapplication. Le tribunal écarte l’argument en estimant que l’élue n’a apporté aucune démonstration convaincante en ce sens.
Elle est condamnée condamnée à un an d’emprisonnement avec sursis.
❌Tribunal correctionnel de Moulins, 25 mars 2024
Au cours des élections municipales de 2020, il avait demandé à un collaborateur stagiaire de se renseigner sur un candidat qui se présentait contre lui. Les renseignements avaient été collectés sur une clé USB, adressée de manière anonyme à une vingtaine de destinataires (élus, préfet, presse quotidienne régionale, etc.) pour discréditer l’opposant en raison de son appartenance supposée à un mouvement politique considéré comme peu recommandable.
Pour sa défense, le maire soutenait qu’il ne savait pas que c’était illégal dès lors que les informations étaient publiques et précisait qu’il n’avait ni réalisé, ni copié, ni diffusé la clé au contenu sensible. Il n’a pas souhaité donner le nom de la personne ayant diffusé la clé, préférant assumer la responsabilité de cette diffusion même s’il dément en être à l’initiative.
Le maire est condamné à 7500 euros d’amende ainsi qu’à l’affichage en mairie de la condamnation pendant deux mois. Il devra en outre verser un euro symbolique de dommages-intérêts au plaignant.
❌Tribunal correctionnel de Mulhouse, 25 mars 2024
❌Tribunal correctionnel de Grenoble, 26 mars 2024
❌Tribunal correctionnel de Coutances, 27 mars 2024
❌Tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne, 27 mars 2024
Les faits qui leur sont reprochés remontent à la période 2012-2017 : des travaux d’entretien des chemins ont été réalisés par tranche selon un calendrier annuel. Des travaux similaires avaient été réalisés sous les précédentes mandatures pour protéger la commune viticole des inondations dévastatrices qui l’avaient déjà frappée. Le montant total de l’opération s’est élevé à 2,6 millions d’euros. Il est reproché aux huit élus d’avoir pris part au vote du conseil municipal alors qu’ils étaient intéressés puisque les chemins rénovés permettaient d’accéder à leur vignoble.
L’avocat de la défense avait souligné qu’il ne s’agissait pas de chemins viticoles mais de chemins ruraux ouverts au public, et la totale bonne foi de ses clients. "Nul n’est censé ignorer la loi, encore plus quand on est élu de la République", lui avait répondu le procureur de la République qui avait toutefois requis des peines légères, reconnaissant que la probité des prévenus n’était pas en question.
De fait, le tribunal constate que l’infraction est juridiquement constituée mais condamne les élus à des peines symboliques : 3000 euros d’amende avec sursis pour le maire et 1000 euros d’amende avec sursis pour les sept conseillers municipaux.