La commune doit-elle signaler la présence de câbles électriques provenant d’un raccordement illégal consécutif à une occupation irrégulière du domaine public et créant un danger pour les usagers de la voirie communale ?
Oui tranche le tribunal administratif de Strasbourg dès lors que la commune connaissait le danger représenté par les câbles électriques provenant d’un raccordement sauvage à un compteur électrique. En l’espèce, un cheval est mort électrocuté en s’empêtrant dans les câbles traînant sur un chemin communal. La responsabilité de la commune est engagée pour négligence dans l’exercice du pouvoir de police générale du maire, sur le fondement de l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales. Ce danger aurait dû être signalé aux usagers. Peu importe que ces câbles provenaient d’un branchement illégal par des gens du voyage occupant irrégulièrement depuis plus de deux mois le domaine public communal. Autant dire que si la commune ne peut obtenir l’évacuation d’un campement illégal, la sécurité des usagers doit être préservée ce qui suppose, a minima, une signalisation du danger que peut engendrer cette occupation. Ce jugement met une nouvelle fois en lumière l’ampleur des responsabilités des collectivités, soulignant que les actes d’incivilité et les infractions dont elles sont les premières victimes, ne constituent pas nécessairement une cause d’exonération en cas d’accident.
Lors d’une promenade à cheval deux cavalières d’un centre équestre empruntent un chemin communal jonché, à un endroit, de câbles électriques. Les câbles proviennent d’un raccordement illégal à un compteur électrique effectué par des gens du voyage occupant irrégulièrement le domaine public communal.
L’un des chevaux se prend une jambe dans les câbles qui trainaient. L’animal meurt électrocuté.
Devant le tribunal administratif de Strasbourg le centre équestre et son dirigeant réclament la condamnation de la commune à réparer leur préjudice qu’ils évaluent à 125 000 euros.
Les requérants mettent en avant la carence fautive de la maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police générale et de ses pouvoirs de police spéciale en matière d’évacuation des gens du voyage installés sans titre sur le domaine public.
C’est sur le fondement d’une faute de la maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police générale que le tribunal retient la responsabilité de la ville.
Au titre de son pouvoir de police générale le maire est en effet garant du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publiques sur le territoire communal (article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales).
Or le risque était bien identifié par la commune puisque des agents municipaux avaient constaté l’occupation sans titre du « parking espaces verts » par des gens du voyage. Et deux rapports, établis deux mois avant l’accident, signalaient que ces personnes avaient, d’une part forcé l’entrée du parking, et d’autre part procédé à des raccordements illicites à une borne incendie ainsi qu’à un transformateur électrique.
La commune connaissait donc l’existence du danger lié à la présence de nombreux câbles électriques jonchant le sol et raccordés illégalement à un transformateur électrique présent sur le parking.
Le juge reproche ainsi à la maire :
– d’avoir toléré le passage de cavaliers à proximité de la zone où se trouvait le campement illégal de gens du voyage,
– de ne pas avoir signalé le danger en amont de la zone.
– d’avoir toléré le passage de cavaliers à proximité de la zone où se trouvait le campement illégal de gens du voyage,
– de ne pas avoir signalé le danger en amont de la zone.
En tolérant le passage habituel de cavaliers à proximité de la zone où se trouvait ce campement illégal de gens du voyage, dont la commune connaissait le danger lié à la présence de nombreux câbles électriques jonchant le sol et raccordés illégalement à un transformateur électrique présent sur le parking, et en ne signalant pas le danger en amont de la zone en cause, la maire n’a pas pris les dispositions requises pour assurer la sécurité des cavaliers, et a, ainsi, commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre faute invoquée."
Dans une autre espèce, la Cour administrative d’appel de Bordeaux (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 5 novembre 2013, N° 13BX01069) avait pour sa part retenu la responsabilité d’une commune pour les nuisances causées aux riverains d’une aire d’accueil des gens du voyage : "en se dispensant de prendre les mesures nécessaires pour remédier à l’usage non conforme de l’aire d’accueil par ses occupants, au besoin par l’exclusion de l’aire, et aux atteintes portées à l’ordre public comme à la salubrité publique, alors qu’il a été informé à plusieurs reprises de la situation, le maire (...) a commis une faute qui engage la responsabilité de la commune".
|
Le préjudice correspondant à la valeur du cheval est évalué à 4500 euros. Le juge accorde également au dirigeant une indemnité pour le préjudice moral lié à la perte de cet animal (2000 euros).
En revanche, le centre équestre n’établit pas la réalité de son préjudice économique qu’elle évaluait à 35 000 euros.
La commune est ainsi condamnée à verser 6500 euros d’indemnités, loin toutefois des 125 000 euros réclamés par les requérants.
Il reste que ce jugement met une nouvelle fois en lumière l’ampleur des responsabilités des collectivités, en soulignant que les actes d’incivilité et les infractions dont elles sont les premières victimes, ne constituent pas nécessairement une cause d’exonération en cas d’accident.
Encore faut-il néanmoins que la collectivité ait disposé d’un temps de réaction suffisant pour pouvoir intervenir. A l’impossible nul n’est tenu ! Ainsi la responsabilité d’une commune a été écartée (TA Montpellier 6 octobre 2006, n°0403404) à la suite d’un accident de la circulation causé en pleine nuit par la présence de sacs poubelle et de ferrailles qui venaient d’être jetés sur la chaussée.
Tribunal administratif de Strasbourg, 10 juin 2024 : n°2200835
(PDF)*
* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 intelligence (disponible sur abonnement)