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Chute d’une institutrice à l’école : la commune tenue responsable

Cour administrative de Marseille, 17 mai 2024 : n°22MA03017

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Chute d’une institutrice dans l’enceinte d’une école primaire : la commune peut-elle être tenue responsable compte-tenu du caractère glissant du revêtement ?

 
Oui : en sa qualité de propriétaire, la commune a la charge des écoles publiques et doit assurer la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement des locaux (article L.212-4 du Code de l’éducation). Ici le défaut d’entretien normal est caractérisé par le caractère excessivement glissant du revêtement d’un plan incliné. Ce passage, reconnu comme accidentogène, a déjà été le théâtre de plusieurs accidents. Bien que la professeure des écoles connaissait très bien les lieux, aucune faute ne peut être retenue contre elle compte tenu de la dangerosité avérée de la zone.
En revanche, les juges condamnent l’État à garantir la commune à hauteur de 50 %. En effet, la directrice de l’école n’a pas pris toutes les mesures de sécurité appropriées de nature à prévenir les accidents en ne signalant la défectuosité que deux jours après l’accident alors que d’autres chutes impliquant notamment des élèves et une autre enseignante avaient eu lieu auparavant.
 

 

 
En plein hiver une professeure des écoles chute au niveau de la rampe d’accès reliant le préau à l’intérieur de l’école primaire. Elle impute sa chute au revêtement du sol particulièrement glissant de ce plan incliné.
 
La victime et son assureur recherchent la responsabilité de la commune.
 
La cour administrative d’appel de Marseille confirme la condamnation de la ville pour défaut d’entretien normal et la condamnation de l’Etat à garantir la ville à hauteur de 50% des condamnations prononcées à son encontre.


La ville condamnée pour défaut d’entretien normal de la rampe d’accès

 
Aux termes de l’article L. 212-4 du Code de l’éducation : 
 
La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement ».
 
La maintenance de la rampe d’accès est bien de la responsabilité de la municipalité.
 
Pour caractériser le défaut d’entretien normal de cet ouvrage reliant l’intérieur du bâtiment scolaire au préau les juges s’appuient sur les éléments suivants :
  •  le préau, lequel, bien que couvert, devenait humide les jours de pluie à cause du passage du personnel et des enfants ; 
  •  les attestations des témoins directs de l’accident révèlent qu’en toutes circonstances, le revêtement de ce passage incliné est particulièrement glissant et propice aux accidents ; 
  •  des élèves et une autre enseignante de l’école ont déjà chuté au même endroit alors que plan incliné est le seul accès entre le préau et les salles de classe ; 
  •  les comptes-rendus du conseil d’école en présence d’un représentant de la commune qui a reconnu la dangerosité du sol du préau, soulignent la nécessité de poser un revêtement "moins glissant en cas de pluie ; plusieurs accidents ayant déjà eu lieu".
 
Cette zone est connue pour être dangereuse, ce dont la municipalité a été alertée plusieurs fois.
 
Ainsi, les arguments de la ville invoquant la légère inclinaison du passage, la présence d’une rampe de soutien et la conformité du revêtement aux normes, sont jugés inopérants.
 

 
A également été jugée défectueuse une rampe d’accès à une crèche rendue glissante par la présence de mousse, de feuilles mortes et d’une usure prématurée du béton (CAA Marseille, 22 avril 1999 : n°97MA00210).

 

Pas de faute de la victime même si elle connaissait les lieux

L’enseignante, connaissant nécessairement les lieux, ne pouvait ignorer le caractère glissant du revêtement. Insuffisant pour caractériser une imprudence fautive répond la cour administrative d’appel. La cour souligne en effet la dangerosité avérée des lieux que l’enseignante empruntait avec ses élèves lorsqu’elle est tombée, alors que ce passage constitue le seul accès entre le préau et les salles de classe. Par ailleurs, il n’est pas établi que la victime n’aurait pas pris toutes les précautions requises le jour de l’accident.
 

Mais l’Etat est condamné à garantir partiellement la commune

 
La municipalité demandait à ce que l’État soit tenu de la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre. Elle rappelle qu’en vertu de l’article R. 421-10 du Code de l’éducation, il incombe au chef d’établissement en qualité de représentant de l’Etat de prendre toutes dispositions, en liaison avec les autorités compétentes, pour assurer notamment la sécurité des personnes et des biens.
 
Les juges retiennent en partie la responsabilité de l’Etat, soulignant le manque de diligence de la directrice de l’école laquelle n’a pas pris toutes les mesures de sécurité nécessaires pour prévenir les accidents. Le revêtement litigeux a en effet été à l’origine de plusieurs accidents similaires antérieurs [1]. Or ce n’est que deux jours après l’accident, que la directrice a signalé à la commune la défectuosité du revêtement.
 

Article L212-4 du code de l’éducation

"La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement, à l’exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique d’œuvres protégées. Lorsque la construction ou la réhabilitation d’une école maternelle ou élémentaire d’enseignement public est décidée, le conseil municipal tient compte, pour le projet de construction ou de réhabilitation, des recommandations pour une école inclusive de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement mentionné à l’article L. 239-2."
 
Toutefois, cette faute n’exonère la commune qu’à hauteur de 50 % de sa responsabilité compte tenu du caractère excessivement glissant du revêtement du plan incliné reliant l’intérieur du bâtiment au préau.


A retenir

Les signalements lors des conseils d’école ne doivent pas être pris à la légère. Consignés par écrit ils attestent que le danger était connu par la collectivité. En cas d’accident, il sera difficile à la commune de s’exonérer. Il est est de même pour les courriers adressés par le directeur de l’établissement. Pour un exemple dramatique consultez notre article Grave accident lors d’une fête d’école : la commune déclarée responsable, l’adjointe reconnue coupable
 
 
 

[1Accidents subis par une autre enseignante, des élèves et la directrice elle-même