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Chute d’un enfant à l’école sur une aire de jeux : l’importance de pouvoir rapporter la preuve d’un contrôle régulier de la structure

Cour administrative d’appel de Nantes, 4 juin 2021 : N°19NT04672

Chute d’un enfant d’une structure de jeu à l’école sur le temps périscolaire : la responsabilité de la commune peut-elle être recherchée alors que le taux d’encadrement et la surveillance des enfants étaient adaptés ?

Potentiellement oui. La responsabilité de la commune peut en effet être recherchée sur le fondement d’un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public, non seulement en cas de vice de conception de la structure, mais encore lorsque le gestionnaire de l’aire collective de jeux ne peut apporter la preuve d’un contrôle régulier de l’équipement justifiant son entretien normal.

Tel n’est pas le cas en l’espèce, la Cour administrative d’appel de Nantes relevant que :
1° la structure (filet-toboggan) comporte un garde-corps au niveau de la plateforme (absence de vice de conception) ;
2° la commune justifie avoir satisfait aux contrôles réguliers prescrits par la réglementation, contrôles qui ont conclu à un état satisfaisant du jeu.

Dans ces conditions, la commune apporte la preuve de l’entretien normal de l’équipement public en cause. L’occasion de rappeler l’importance de la constitution d’un dossier de suivi des différentes opérations de maintenance et d’entretien des équipements des aires de jeux dans les écoles et les jardins publics.

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Pendant une activité périscolaire, une enfant âgée de trois ans chute d’une structure de jeux de type " filet-toboggan " installée dans la cour de récréation de l’école.

Ses parents demandent au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune à leur verser la somme de 169 999,02 euros. Ils soutiennent que la commune a commis une faute dans l’organisation du service d’accueil périscolaire (défaut de surveillance). Ils mettent également en avant le défaut d’entretien normal de la structure.

Aucune responsabilité de la commune n’est retenue. En effet, d’une part, l’encadrement et la surveillance des enfants étaient adaptés, d’autre part, la structure de jeu avait fait l’objet d’une vérification régulière démontrant l’état satisfaisant du jeu.

Un encadrement et une surveillance adaptés

Le code de l’action sociale et des familles définit les normes d’encadrement des accueils de loisirs.

Pour l’accueil de loisirs périscolaires, tel que défini à l’article R.227-1 du code de l’action sociale et des familles, l’effectif minimum des animateurs est fixé comme suit : un animateur pour 10 mineurs âgés de moins de 6 ans et un animateur pour quatorze mineurs âgés de 6 ans ou plus (selon l’article R.227-16 du code de l’action sociale et des familles en vigueur au moment des faits).

📌 A noter : ces normes d’encadrement ont évolué depuis le décret n°2018-647 du 23 juillet 2018 : le taux d’encadrement est modulé en fonction de la durée de l’accueil, de l’existence d’un projet éducatif de territoire (PEDT), de l’âge des enfants (cf article R.227-16 du code de l’action sociale et des familles).

Le jour de l’accident, 35 enfants sont accueillis par le service d’accueil périscolaire, ils sont encadrés par quatre animateurs. Les 10 enfants pratiquant une activité de jeu libre dans la cour de récréation sont surveillés par un animateur.
Les normes d’encadrement sont donc bien respectées.

De plus, « eu égard à la nature de l’activité en cause, comportant, même bien menée et encadrée, des risques de chute, et à l’existence d’un aléa inhérent au comportement des jeunes enfants, il n’est pas établi que la chute d’Azalie alors même qu’elle s’est produite en dehors du regard d’un adulte, serait due à un défaut de surveillance ou une carence dans l’organisation du service ».

La commune n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

Une structure de jeux bien entretenue

Les parents soutiennent que la commune n’apporte pas la preuve de l’entretien normal du jeu (en particulier des sols), ni de l’absence de vice de conception de l’ouvrage.

📕 Règlementation applicable aux aires de jeux :


Deux textes fixent la réglementation applicable dans le domaine des équipements de jeux. Les aires collectives de jeux situées dans l’enceinte des cours d’écoles sont concernées par cette réglementation.

Les exigences de sécurité des équipements sont prescrites par le décret n°94-699 du 10 août 1994. Les prescriptions de sécurité relatives aux aires collectives de jeux sont fixées par un décret de 1996 (Décret n°96-1136 du 18 décembre 1996).

Les aires collectives de jeux doivent être conçues, implantées, aménagées, équipées et entretenues de manière à ne pas présenter de risques pour la sécurité et la santé de leurs usagers dans le cadre d’une utilisation normale ou raisonnablement prévisible (Décret n°96-1136 du 18 décembre 1996).

Le gestionnaire de l’aire collective de jeux doit constituer un dossier complet des différentes opérations d’entretien et de maintenance des équipements.
L’annexe du décret de 1996 impose aux gestionnaires et exploitants l’élaboration d’un plan d’entretien de l’aire de jeux et d’un plan de maintenance des équipements qui y sont implantés. Une inspection régulière de l’aire de jeux et des équipements doit être organisée pour en vérifier l’état et déterminer les actions de réparation et d’entretien. La nature et la fréquence des inspections tiennent compte des instructions du fabricant, du degré de fréquentation de l’aire de jeux et des conditions climatiques. L’accès aux équipements doit être interdit lorsque les équipements ne répondent plus aux exigences légales ou réglementaires.

Au cas présent, la Cour administrative d’appel de Nantes ne relève aucun vice de conception de l’équipement en cause : un garde-corps est bien présent au niveau de la plateforme face à l’escalier contrairement à ce que soutiennent les parents et l’espace vide sous ce garde-corps ne présente pas un caractère de particulière dangerosité.

De plus, la commune apporte la preuve de l’entretien normal de la structure laquelle a été contrôlée un peu moins d’un an avant l’accident par un bureau de contrôle ainsi que par les services techniques de la ville qui ont conclu à un état satisfaisant du jeu, notamment de son sol synthétique amortissant (le décret de 1996 contient une disposition relative aux matériaux de revêtement de de réception).
Les mesures d’entretien prescrites suite à ces contrôles sont sans rapport avec la sécurité des usagers.

Le recours des parents est donc rejeté. L’occasion de souligner l’importance de la constitution d’un dossier de suivi des différentes opérations de maintenance et d’entretien des équipements des aires de jeux.

Cour administrative d’appel de Nantes, 4 juin 2021 : N°19NT04672

[1Photo : Caroline Hernandez sur Unsplash