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Plaque de verglas sur un trottoir devant l’école : responsabilité de la commune engagée en cas de glissade ?

Tribunal administratif de Montreuil, 17 juillet 2023 n° 2103211

La présence d’une plaque de verglas sur le trottoir devant une école caractérise-t-elle nécessairement un défaut d’entretien normal engageant la responsabilité de la commune en cas de chute ?

Non, la présence sur un trottoir d’une plaque de verglas ne constitue pas, en elle-même, un défaut d’entretien normal de nature à engager automatiquement la responsabilité de l’administration. En effet, la jurisprudence reconnaît régulièrement que "les risques de chute dus au verglas sont de ceux contre lesquels il appartient aux usagers de la voie publique de se prémunir en prenant toutes les précautions utiles » , surtout lorsque les conditions climatiques sont défavorables.
De plus, le juge procède à une analyse au cas par cas des situations selon plusieurs critères parmi lesquels les conditions météorologiques, la prévisibilité du verglas, la taille du danger, la signalisation, le temps de présence de la plaque de verglas, la fréquentation du lieu de passage.

Une commune ne peut être ainsi tenue responsable de la chute d’un piéton ayant glissé sur une plaque de verglas, dès lors que :
 la victime ne pouvait ignorer les risques de verglas puisqu’une alerte météo annonçait une vigilance orange avec chute de neige et formation de verglas ;
 la commune établit l’entretien normal de la voie publique (opérations de déneigement dans la rue) ;
 la commune ne peut être tenue de prévenir totalement et en tous lieux les risques de chute liés au verglas dès son apparition. Enfin, dans ce domaine, le juge admet facilement une faute de la victime. Tel est le cas en l’espèce : la requérante connaissait les lieux et n’a pas redoublé de précautions alors qu’il faisait encore nuit.

 
 

En accompagnant sa fille à l’école, un 31 janvier, une mère de famille chute sur le trottoir devant l’établissement scolaire en raison de la présence d’une plaque de verglas.

La victime recherche la responsabilité de la commune sur le fondement du défaut d’entretien normal. Elle reproche à la commune de n’avoir ni sablée, ni salée la chaussée. Sa requête est rejetée.

Un danger prévisible pour la victime

L’étude de la jurisprudence relative aux chutes en raison de la présence d’une plaque de verglas montre qu’en général, lorsque le danger était prévisible pour l’usager, la responsabilité de la commune est écartée.

En effet, ce risque « n’excède pas ceux contre lesquels les usagers de la voie publique sont tenus de se prémunir en faisant preuve notamment de la prudence et de l’attention nécessaires lors de leurs déplacements » rappelle le tribunal [1].

Le tribunal administratif relève ici que Météo-France avait annoncé une vigilance orange avec chute de neige et formation de verglas pour la journée du 31 janvier pour 29 départements dont le département de la Seine-Saint-Denis.

Le danger était donc prévisible pour l’usagère laquelle ne pouvait ignorer :
 ni l’épisode neigeux intervenu dans la nuit ;
 ni les températures négatives du jour de sa chute ;
 ni par suite les risques de verglas liés à ces conditions atmosphériques.

Pour des faits similaires, il avait déjà été jugé que la présence de verglas à 8 h 30 du matin au mois de décembre sur le trottoir d’une voie publique constitue un danger auquel un usager doit normalement s’attendre, alors surtout que la victime empruntait cette voie régulièrement pour accompagner son enfant à l’école [2]. La présence d’une plaque de verglas n’est pas surprenante en hiver, a rappelé, dans une autre affaire la cour administrative d’appel de Paris [3].

Des mesures adéquates prises par la commune

 Le jour de l’accident, la commune avait procédé à des opérations de déneigement dans la rue dans un délai raisonnable. La commune en rapporte la preuve par la production du rapport technique du responsable du service de propreté urbaine.

 

Une attestation du responsable du service d’exploitation municipal mentionnant que la commune avait procédé à des opérations de déneigement quelques heures avant l’accident et qu’un passage sur le trottoir devant la mairie avait été dégagé permet également de rapporter la preuve de l’entretien normal. Il en a été jugé ainsi à propos d’une chute sur le trottoir devant une mairie [4].

 

 En tout état de cause, une commune ne peut être tenue « de prévenir totalement et en tous lieux les risques de chute liés au verglas dès son apparition » rappelle le tribunal [5].

 

Également, la responsabilité de l’administration ne sera engagée que dans la mesure où elle pouvait prévoir le danger et si matériellement elle avait le temps d’intervenir [6].

 

Une faute de la victime pour inattention

Il appartient à tout piéton de prêter attention à la nature du sol.

La chute est due ici à l’inattention de la mère de famille laquelle n’a pas redoublé de précautions alors qu’elle empruntait un trajet qu’elle connaissait bien et qu’il faisait encore nuit (7h25).

Les conclusions indemnitaires de la requérante sont rejetées.

Dans ce domaine, la faute de la victime est fréquemment retenue.
 la chute résulte uniquement de l’imprudence de l’usager du trottoir enneigé et verglacé [7] ;
 l’accident est entièrement imputable à l’imprudence de la victime : « la présence d’une plaque de verglas sur le trottoir d’une rue qui ne constitue pas l’une des voies principales de la commune, en hiver, à une heure matinale, après des chutes de neige est au nombre des difficultés de circulation que les usagers des voies publiques doivent normalement s’attendre à rencontrer et contre lesquelles ils doivent se prémunir » [8].

 

Déneigement des trottoirs et pouvoirs de police

Le maire est titulaire d’un pouvoir de police générale qui lui impose d’agir pour assurer la commodité du passage sur les voies publiques et la sécurité des usagers. L’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet que l’autorité de police municipale a pour mission d’assurer "la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et les voies publiques, ce qui comprend le nettoiement…". Cela recouvre le déneigement des voies de circulation publique, dont les trottoirs [9].

 

En fonction des circonstances, la responsabilité de la commune peut être engagée en cas de carence dans le déneigement. D’une manière générale les obligations s’apprécient en fonction « de l’importance et de la nature de la circulation publique sur les voies, ainsi que des fonctions de desserte de celles-ci (par exemple en cas de passage très fréquenté).

 

Par ailleurs, sur le fondement des pouvoirs de police, le Conseil d’État a reconnu au maire le pouvoir de prescrire aux riverains des voies publiques de balayer le trottoir devant leur habitation [10], ceci incluant le déneigement des trottoirs.

 

Il a été jugé, suite à une chute sur un trottoir enneigé et verglacé, que dans l’exercice de son pouvoir de police résultant des dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, le maire a mis en œuvre les moyens nécessaires pour traiter préventivement et curativement les phénomènes glissants résultant des conditions météorologiques. Le juge souligne en effet les interventions des services chargés de la mise en œuvre du plan de viabilité hivernale et l’adoption d’un règlement de police de voirie de la commune prescrivant aux riverains des voies publiques notamment de balayer la neige des trottoirs et de jeter du sable ou de la cendre ou des sciures en cas de verglas. En tout état de cause, le maire, ne saurait être tenu de remédier, totalement et en tous lieux, au risque de verglas dès son apparition [11].

 
Le fait d’un tiers n’étant pas une cause exonératoire de responsabilité en matière de dommages de travaux publics, la collectivité ne peut opposer aux usagers victimes l’existence d’un arrêté municipal mettant à la charge des riverains le dégagement des trottoirs en cas de neige/verglas. En revanche, une action récursoire reste ouverte contre le riverain qui n’aurait pas respecté les prescriptions municipales en la matière.
 
 
* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 intelligence (disponible sur abonnement)

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[1Voir également en ce sens CE, 13 mars 1987 : n°66345

[2CAA Versailles, 26 novembre 2020 : n°18VE02029 (en l’espèce, des opérations de salage avaient été effectuées)

[3CAA Paris, 3 octobre 2023 : n°22PA01530

[4CAA Nantes, 24 février 2017 : n°15NT02526

[5En ce sens également : « il ne saurait être exigé d’une collectivité locale le maintien en toutes circonstances de l’ensemble de ses voies vierges de neige et de verglas » CAA Nantes, 25 Janvier 2019 : n° 17NT02538.

[6CAA Marseille, 20 janvier 2011 : n°08MA00817 la plaque de verglas s’est formée à la suite d’un arrosage des trottoirs et de la chaussée par les agents de la voirie, le laps de temps était trop court entre la connaissance du danger et la chute

[7CAA Nancy, 21 juin 2016 : n°15NC00057

[8CAA Lyon, 18 mai 2015 : n°14LY01810

[9Réponse ministérielle du 18 avril 2019 à la question écrite n°08766, Journal officiel du Sénat

[10CE, 15 octobre 1980 : n°16199

[11CAA Nancy, 21 juin 2016 : n°15NC0005