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Deneigement des chemins ruraux desservant une propriété : une obligation à la charge des collectivités ?

Cour administrative d’appel de Lyon, 27 octobre 2022 : n°21LY02909

Absence de déneigement d’un chemin rural desservant une propriété : la responsabilité de la commune peut-elle être engagée alors que d’autres chemins ruraux ont été régulièrement déneigés ?

Pas si ces chemins ne présentent pas la même configuration en terme d’aménagements, de pente et de largeur de la voie que le chemin en cause ni ne supportent les mêmes conditions de circulation, la commune peut décider de ne pas faire procéder au déneigement. Aucune rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques n’est constituée.

 [1]

Un administré demande en vain au maire de sa commune l’indemnisation des préjudices qu’ils estime subir en raison de l’absence de déneigement (durant cinq hivers) d’un chemin rural desservant son habitation.

Le propriétaire recherche la responsabilité de la commune devant le tribunal administratif de Lyon. Il réclame 95 000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence et de 5 000 euros au titre du préjudice moral résultant de cette situation.

Ses prétentions sont rejetées ce que confirme la cour administrative d’appel.

Pas de rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques

Le requérant recherche la responsabilité de la commune sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques car d’autres chemins de la commune, présentant selon lui une configuration similaire, sont régulièrement déneigés.

Effectivement certains chemins ruraux ont bien été déneigés. Toutefois, ces chemins ne présentent pas la même configuration en terme d’aménagements, de pente et de largeur de la voie que le chemin en cause ni ne supportent les mêmes conditions de circulation souligne le juge, procès-verbal d’huissier et photos à l’appui.

Par conséquent, aucune rupture d’égalité au détriment des requérants n’est démontrée.

📌 A noter : la commune n’a pas d’obligation concernant l’entretien d’un chemin rural, sauf lorsque la commune a réalisé des travaux destinés à assurer ou améliorer la viabilité du chemin, la jurisprudence considérant alors qu’elle en a de fait accepté l’entretien (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 31 mai 2021, N°19BX00064).

Pas d’engagement ferme pris par la collectivité de procéder au déneigement

Le requérant recherchait également la responsabilité de la commune sur le fondement d’une faute en raison d’un courrier du maire valant selon eux engagement à procéder au déneigement de la portion de chemin rural. Or, ce courrier se borne à indiquer le constat de la commission voirie [2]
et « ne saurait être interprété comme ayant la portée d’un engagement ferme pris par la collectivité de procéder au déneigement de manière régulière dudit chemin ».

❄ Zoom : obligations des communes en matière de déneigement


Il appartient à l’autorité municipale de veiller à « la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements » (article L.2212-2 et s. du Code général des collectivités territoriales). Le déneigement des voies en vue de permettre la commodité de la circulation publique relève des missions de police municipale du maire. En cas de carence dans l’exercice des pouvoirs de police, la responsabilité de la collectivité peut être engagée.

Le maire peut, sous le contrôle du juge administratif, décider de ne pas procéder au déneigement de l’ensemble des voies de la commune en fonction des caractéristiques des voies (importance de la voie, nature de la circulation publique sur cette voie, fonctions de desserte) :

 « Les mesures que l’autorité de police doit prendre en vue d’assurer le déneigement dépendent de l’importance et de la nature de la circulation publique sur les voies ainsi que des fonctions de desserte de celles-ci ; qu’il appartient, en outre, à l’autorité de se déterminer au regard des risques propres engendrés pour la sécurité générale par la réalisation même des travaux de déneigement ; que, compte tenu de ces éléments, l’autorité de police municipale peut légalement décider de ne pas déneiger telle ou telle voie communale, sous réserve de respecter l’égalité des citoyens devant les charges publiques » (CAA Lyon, 1er octobre 2015 : n°15LY00294).



L’autorité municipale peut ainsi décider de ne pas assurer le déneigement :

▪ d’un chemin forestier appartenant à la commune, ouvert à la circulation publique, et dont elle assure l’entretien régulier dès lors que cette voie ne connaît presque pas de trafic en hiver et ne sert durant cette saison, en dehors de l’exploitation de la forêt, qu’à la desserte de la maison d’habitation du requérant (CAA Nancy, 15 octobre 1992 : n°91NC00797) ;
▪ d’une voie d’accès à une propriété dès lors que les caractéristiques de la voie ne permettent pas au chasse-neige de la commune d’effectuer une manœuvre de retournement (CAA Bordeaux, 6 juin 2006 : n°03BX01278).

En revanche, le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques doit être respecté. A ce titre, il ne doit pas être établi que d’autres voies, présentant les mêmes caractéristiques de circulation et de desserte que la voie dont il est demandé le déneigement aient fait l’objet d’un déneigement régulier de la part de la commune. Le cas échéant la commune pourrait être mise en cause.

💥 Attention, le juge a pu retenir la responsabilité de la commune sur le fondement du défaut d’entretien normal en l’absence de déneigement d’une voie ou d’un chemin rural (pour un exemple concernant un chemin rural en forte déclivité à l’endroit de l’accident et particulièrement glissant voir CAA Bordeaux, 31 août 2006 : n°03BX01061) : en l’absence de déneigement ou de signalisation du danger, la commune n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’entretien normal de l’ouvrage public.

Cour administrative d’appel de Lyon, 27 octobre 2022 : n°21LY02909

[1Photo : Russ Ward sur Unsplash

[2Selon la commission le déneigement pourrait s’effectuer si le tracteur pouvait tourner et à condition que le système de protection de la propriété concernée soit enlevée.