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Accident causé par des chevaux lors d’une fête agricole : la commune responsable ?

Tribunal administratif de Montpellier, 10 octobre 2023, n°2005279

Une commune peut-elle être tenue responsable des blessures d’une spectatrice par des chevaux sous la garde d’un maréchal-ferrant lors d’une fête agricole ?

Non estime ici le tribunal administratif de Montpellier qui relève l’absence de défaillance dans la mise en œuvre des pouvoirs de police du maire pour assurer la sécurité du public.
Le maire a pris les mesures de sécurité nécessaires en interdisant la circulation sur la voie publique et en matérialisant cette interdiction par une signalisation adéquate. Le tribunal retient que la cause directe de l’accident n’est pas la barrière métallique (sans risques particuliers) mais l’emballement des chevaux attachés à cette barrière. Or il appartenait au maréchal-ferrant, indépendamment des pouvoirs de police conférés au maire pour assurer la sécurité du public, de veiller à ce que les chevaux soient attachés au moyen de dispositifs de sécurité appropriés. Le dommage résulte de l’absence de sécurisation de la stabulation des chevaux sous la garde du maréchal-ferrant dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement de l’article 1243 du code civil. Peu importe qu’aucun contrat ne liait la commune au maréchal-ferrant, cette circonstance ne suffisant à établir une faute de la commune.

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Une spectatrice venue assister à une fête agricole organisée par une commune est percutée par une barrière métallique suite à l’emballement de deux chevaux de trait qui étaient attachés à celle-ci. Au moment de l’accident la spectatrice se trouvait à proximité d’un stand.

 

La victime, blessée au genou, recherche la responsabilité de la commune sur le fondement d’un défaut dans l’organisation et le fonctionnement du service public : elle reproche à la commune le nombre insuffisant des barrières mises à disposition des intervenants et la légèreté de celles-ci pour contenir des animaux de grande taille et très puissants.

 

La requérante met également en avant un manquement de la commune dans l’accomplissement des mesures de police prises pour assurer la sécurité du public : les agents de surveillance n’étaient pas assez nombreux et aucune consigne de sécurité n’a été donnée au public devant le stand du maréchal-ferrant.

La spectatrice, licenciée depuis l’accident, réclame une somme de plus de 220 000 euros outre une somme de 426 euros par mois à compter du 1er juillet 2026 avec indexation.

Le tribunal administratif de Montpellier rejette la requête.

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Absence de responsabilité de la commune : pas de défaillance dans la mise en œuvre des pouvoirs de police du maire pour assurer la sécurité du public

« La responsabilité d’une commune ne peut être engagée en cas d’accident survenu sur la voie publique au spectateur d’une manifestation traditionnelle que si est établie à la charge de cette collectivité l’existence d’une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service public ou dans la mise en œuvre des moyens de police prévus pour assurer la sécurité des spectateurs ».

Le Code général des collectivités territoriales confie au maire le soin de prendre les mesures appropriées pour prévenir et faire cesser, sur le territoire de sa commune, les atteintes au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques (article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales).

 

D’une part, le juge relève que le maire, sur le fondement de ses pouvoirs de police, a pris un arrêté d’interdiction de la circulation sur la voie publique concernée par la fête (interdiction de circuler de 6h à 20h). De plus, la mesure de police était matérialisée par une signalisation adéquate.

 
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Ainsi, en cas d’organisation d’une manifestation sur la voie publique, il convient de fermer la voie à la circulation publique et d’informer les usagers de la route en amont par une signalisation appropriée. Un usager qui ne respecte pas l’interdiction ne peut engager la responsabilité de la commune dès lors qu’une signalisation adaptée était en place.

Attention : des accidents ont eu lieu avec des câbles tendus ou des barres en travers de la chaussée qui n’étaient pas suffisamment visibles des usagers (pour un exemple de condamnation voir Cour de cassation, chambre criminelle, 24 octobre 2017, N° 16-85975).
 

D’autre part, l’argument de la requérante pointant le nombre insuffisant d’agents autour du stand est écarté par le tribunal.

«  Les circonstances que la commune (...) n’aurait pas prévu un nombre d’agents suffisants autour du stand de démonstration du maréchal-ferrant au regard de la nature et de l’importance de la manifestation agricole, ni de zone d’exclusion matérialisée à proximité du stand n° 2 tenu par le maréchal-ferrant pour maintenir le public à distance raisonnable des chevaux de labour, même à les supposer avérées, seraient, en tout état de cause, sans lien direct de causalité avec l’accident. »

La responsabilité pour faute de la commune dans l’accident en raison d’une défaillance dans la mise en œuvre des pouvoirs de police du maire pour assurer la sécurité des participants et des spectateurs est écartée.

Le dommage résulte de l’absence de sécurisation de la stabulation des chevaux qui étaient sous la garde du maréchal-ferrant.

 

Responsabilité du gardien des chevaux

L’accident a pour origine l’emballement des chevaux qui auraient été effrayés par des cailloux projetés par des enfants.

 

Les chevaux étaient sous la garde de l’exposant à qui il appartenait de «  veiller à ce que les chevaux présents sur le stand soient attachés au moyen de dispositifs de sécurité appropriés ».

 

Les barrières métalliques de protection, qui ne présentaient pas de risques particuliers en elles-mêmes, ne sont pas la cause directe de l’accident. Ces barrières mobiles placées devant les différents stands n’ont pas « pour objet de servir de zone de stabulation aux chevaux mais simplement d’organiser une limite sécurisée des différents stands des exposants avec le public  ».

 

Le maréchal-ferrant est donc seul responsable du dommage causés par ces animaux sur le fondement de l’article 1243 du code civil, l’absence de signature d’un contrat entre la commune et le maréchal-ferrant étant sans incidence (la requérante soutenait que la commune avait commis une faute dans le choix du maréchal-ferrant, aucun contrat n’ayant été signé avec ce dernier).

 
* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 intelligence (disponible sur abonnement)

[1Photo : AdobeStock