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Maladie de Parkinson d’un agent municipal à la retraite : reconnaissance en maladie professionnelle liée à l’utilisation de pesticides

Tribunal administratif de Rennes, 10 mars 2023 : n°2000345

Un ancien agent municipal déclare une maladie de Parkinson six ans après son départ à la retraite : sa pathologie peut-elle être reconnue comme maladie professionnelle en raison de son exposition aux pesticides lorsqu’il était en activité comme jardinier ?

Oui estime le tribunal administratif de Rennes, dès lors qu’il existe un lien direct entre la pathologie de l’ancien jardinier communal (maladie diagnostiquée par deux rapports d’expertise de deux neurologues) et l’exercice de ses fonctions au sein de la commune.
En effet, pendant toute sa carrière, l’intéressé a été en contact avec des produits phytosanitaires dont la toxicité, selon les connaissances scientifiques actuelles, accroît le risque de développer la maladie. De plus, les rapports d’expertise des deux neurologues n’ont révélé aucun antécédent familial ou médical. Le juge impute donc la maladie de l’ancien agent municipal au service.

A la retraite depuis 2002, un agent est atteint de la maladie de Parkinson diagnostiquée en 2008. Il présente une demande de reconnaissance de maladie professionnelle à son ancien employeur. Le fonctionnaire a exercé pendant 35 ans au sein d’une commune située en Ille-et-Vilaine des fonctions de jardinier puis de contremaître et enfin de responsable de service voirie et a été exposé pendant sa carrière à des produits phytosanitaires.

Le maire lui oppose un refus s’appuyant sur l’avis de la commission de réforme qui avait émis un avis défavorable.

L’intéressé conteste cette décision devant le tribunal administratif qui lui donne raison.

🔸 Absence de présomption d’imputabilité

Depuis 2012 [1], la maladie de Parkinson provoquée par les pesticides est reconnue comme une maladie professionnelle en agriculture (pour les salariés et non-salariés agricoles). Elle figure au tableau n°58 lequel détaille les critères de reconnaissance de la présomption d’imputabilité [2].

La commune arguait que ces conditions de reconnaissance de présomption d’imputabilité n’étaient pas remplies. Or, ces dispositions ne sont pas applicables au litige rappelle le juge.

Le Conseil d’État a déjà jugé que les dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale [3] ne sont pas applicables aux fonctionnaires [4] qui demandent le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CE, 27 avril 2015, n° 374541 – pour la fonction publique territoriale).

Un maire est-il compétent pour réglementer l’utilisation de pesticides sur le territoire communal ?

🔸 Un lien direct reconnu

Le tribunal administratif de Rennes rappelle qu’« une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause ».

Pour établir le lien direct de la pathologie du fonctionnaire avec l’exercice des fonctions au sein de la commune le juge relève plusieurs éléments :

 la maladie de Parkinson de type akinéto-hypertonique dont souffre l’agent a été diagnostiquée par deux neurologues ;
 pendant 23 ans ses fonctions de jardinier l’ont amené à être en contact avec des produits phytosanitaires dont la toxicité, selon les connaissances scientifiques actuelles, accroît le risque de développer la maladie ;
 puis pendant 12 ans, l’intéressé a occupé un bureau situé à proximité du lieu de stockage des pesticides « sans mesure de protection particulière de nature à prévenir tout risque d’exposition ». Pendant cette période le fonctionnaire a également épandu ces produits.

Un syndrome anxio-dépressif d’un agent après un changement de majorité municipale peut-il être reconnu comme une maladie imputable au service malgré l’avis défavorable de la commission de réforme ?

🔸 Absence d’état pathologique préexistant

Aucun état pathologique préexistant empêche la reconnaissance de l’imputabilité : les rapports d’expertise des deux neurologues ne révèlent aucun antécédent familial ou médical.

Il existe des exclusions empêchant la reconnaissance de l’imputabilité : il s’agit du fait personnel de l’agent ou de circonstances particulières.
En effet, le juge rappelle qu’« une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service (…) sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service » (CE, 13 mars 2019 : n°407795).

❌ Tribunal correctionnel d’Amiens, 13 décembre 2022


Condamnation d’une commune (moins de 500 habitants) pour utilisation de produits phytosanitaires prohibés. Un agent de l’office de la biodiversité avait constaté que la

végétation sur les bas-côtés d’une route était desséchée. Repérant un local, où il avait découvert, après qu’un agent communal l’ait invité à rentrer, deux bidons contenant un pesticide interdit à l’utilisation en France depuis 2019, et du glyphosate, le principal composant du Round Up. Ces deux bidons auraient été fournis "sous le manteau" à la commune par un agriculteur du village. Interrogé, l’agent communal avait reconnu utiliser des pesticides dans le cimetière et la cour de la mairie. Pour sa défense la commune pointait le manque de preuve dans un dossier composé de deux photos prises par l’agent de l’office de la biodiversité, le maire s’étonnant que les bidons n’aient pas été saisis s’ils contenaient des produits interdits. La commune est condamnée à 5000 euros d’amende dont 3000 euros avec sursis.

Par conséquent, le juge impute la maladie de l’ancien agent municipal au service. La décision du maire est annulée et le juge enjoint à l’édile de reconnaître l’imputabilité au service de la maladie de Parkinson dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement sans toutefois assortir cette injonction d’une astreinte.

🔎 En 2019, la Cour administrative d’appel de Marseille [5] a écarté le lien direct entre les différentes tâches accomplies par un agent d’entretien des espaces verts d’une commune au cours de sa carrière et la survenance du syndrome parkinsonien. En l’espèce, l’agent souffrait de la maladie de Parkinson dite " idiopathique » contractée à l’âge de 59 ans. Il soutenait avoir été exposé à des produits phytosanitaires contenant du glyphosate. La cour avait notamment souligné une durée d’exposition modeste : le désherbage chimique ne représentait qu’une durée de 15 heures par an, et l’usage des traitements insecticides et fongicides était exceptionnel.

Tribunal administratif de Rennes, 10 mars 2023 : n°2000345 (PDF)*

* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 (disponible sur abonnement)

[1Décret n°2012-665 du 4 mai 2012

[2Examen effectué par un médecin spécialiste qualifié en neurologie, délai de prise en charge de 7 ans sous réserve d’avoir été exposé 10 ans, le tableau dresse également une liste des principaux travaux susceptibles de provoquer la maladie.

[3Instituant une présomption d’origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau.

[4Des trois fonctions publiques.

[5CAA Marseille, 19 novembre 2019 : n°17MA02703