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Mise en demeure de démolir sous astreinte une construction illégale : un pouvoir du maire ?

Conseil d’État, 22 décembre 2022 : n°463331

Un maire peut-il prononcer sous astreinte une mise en demeure de démolir une construction réalisée en méconnaissance de l’autorisation d’urbanisme délivrée et des règles d’urbanisme ?

Oui, le Conseil d’État estime que la démolition d’une construction dont l’irrégularité a été constatée par procès-verbal est l’une des mesures que le maire peut prescrire sur le fondement de l’article L.481-1 du code de l’urbanisme ; « dans la mesure nécessaire à la mise en conformité, à défaut de régularisation, de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée » précise le juge.
L’article L.481-1 du code de l’urbanisme est issu de la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 (Loi n°2019-1461 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique). Cette loi a renforcé les pouvoirs de police du maire en matière d’urbanisme. Ainsi, aux termes de l’article L.481-1 du code de l’urbanisme le maire (ou l’autorité compétente) peut mettre en demeure l’auteur des travaux réalisés en méconnaissance des obligations imposées par le code de l’urbanisme (ou en méconnaissance des dispositions des plans locaux d’urbanisme ou encore des prescriptions imposées par les autorisations d’urbanisme) de déposer une demande de régularisation ou de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction. Au préalable, avant toute mise en demeure, un procès-verbal doit constater les infractions et l’auteur des travaux illégaux doit être invité à présenter ses observations.
La Haute juridiction annule donc l’ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l’arrêté du maire mettant en demeure la propriétaire récalcitrante de remettre en état le terrain en procédant à la démolition (partielle) du mur plein.

Le maire d’une commune de l’Hérault [1] délivre à la propriétaire d’une parcelle agricole une décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux pour la construction d’un poulailler avec clôture constituée d’un mur maçonné enduit de 25 cm de hauteur et surmonté d’un grillage à larges mailles de 1.55 mètre de haut.

Quelques mois plus tard, l’irrégularité des travaux est constatée par procès-verbal : en réalité un mur plein de 2 mètres de haut et 5 mètres de long, un portail de 2 mètres de haut et 4 mètres de long et un panneau solaire ont été réalisés ! Ces

constructions ont été effectuées en méconnaissance de l’autorisation délivrée mais également en méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) applicable en zone agricole lesquelles prohibent l’installation de panneaux solaires ainsi que les clôtures de plus de 1,80 mètre et les murs pleins supérieurs à 0,25 mètre.

Le maire invite alors par courrier la propriétaire à présenter ses observations puis la met en demeure « de prendre dans le délai d’un mois les mesures nécessaires à la régularisation des travaux entrepris, consistant " en une remise en état du terrain respectant strictement l’autorisation d’urbanisme délivrée, à savoir la démolition du mur plein et l’enlèvement du panneau solaire ». La mise en demeure est assortie d’une astreinte journalière de 100 euros à l’expiration du délai imparti.

La propriétaire ne s’exécutant pas, le maire prononce une astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu’à ce que l’administrée mette en place les mesures prescrites pour régulariser les travaux.

Contestant cette décision, la propriétaire saisit le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier afin qu’il suspende l’exécution de l’arrêté. La requérante soutient notamment que seul le juge pénal peut ordonner la démolition d’une construction illégale.

Le juge des référés du Tribunal administratif fait droit à la demande : le maire a inexactement appliqué les dispositions de l’article L.481-1 du code de l’urbanisme en prescrivant la démolition du mur.

Tel n’est pas l’avis du Conseil d’État.

Procédure administrative de mise en demeure : un moyen d’action pour le maire face aux infractions en matière d’urbanisme

La procédure administrative prévue aux articles L.481-1 à L.481-3 du code de l’urbanisme permet au maire (ou à l’autorité compétente) de contraindre l’auteur des travaux exécutés en méconnaissance des obligations imposées par le code de l’urbanisme, des dispositions des plans locaux d’urbanisme ou encore des prescriptions imposées par les autorisations d’urbanisme de procéder à une régularisation ou à une mise en conformité de la construction, de l’installation ou des travaux en cause.

Le maire peut-il prononcer une astreinte journalière pour contraindre un particulier à évacuer des objets hétéroclites et usagés entreposés sur son terrain même s’ils ne sont pas visibles depuis la voie publique ?

🔘 Les étapes à respecter

✅ Constat des irrégularités par procès-verbal conformément à l’article 480-1 du code de l’urbanisme


Article L.480-1 : "Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire".

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✅ Procédure contradictoire :

 

L’autorité compétente* doit inviter l’intéressé à présenter ses observations avant mise en demeure.

*Le Conseil d’État précise qu’il s’agit de l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir ou pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable.

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✅ Arrêté de mise en demeure de l’auteur des travaux irréguliers


Le maire (ou l’autorité compétente) met en demeure le contrevenant :

- soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction ;

 soit de déposer, selon le cas, une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation.

La mise en demeure doit être motivée.

Le délai dont dispose l’intéressé est déterminé par le maire (ou l’autorité compétente).
L’article L.481-1 précise que : « le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l’infraction constatée et des moyens d’y remédier".
L’autorité compétente peut prolonger le délai pour une durée qui ne peut excéder un an, "pour tenir compte des difficultés que rencontre l’intéressé pour s’exécuter ».

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✅ Possibilité d’assortir la mise en demeure d’une astreinte


La mise en demeure peut être assortie d’une astreinte : jusqu’à 500 euros par jour de retard. Le montant total des sommes résultant de l’astreinte ne peut excéder 25 000 euros.

A noter : L’astreinte peut être prononcée « dès l’origine ou à tout moment après l’expiration du délai imparti par la mise en demeure, s’il n’y a pas été satisfait, en ce cas après que l’intéressé a de nouveau été invité à présenter ses observations ».

L’article L.481-2 précise que « les sommes dues au titre de l’astreinte sont recouvrées, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle est implanté l’immeuble ayant fait l’objet de l’arrêté. Dans le cas où l’arrêté a été pris par le président d’un établissement public de coopération intercommunale, l’astreinte est recouvrée au bénéfice de l’établissement public concerné ».

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✅ Possibilité d’un arrêté de consignation


Lorsque la mise en demeure est restée infructueuse, le maire (ou l’autorité compétente) « peut obliger l’intéressé à consigner entre les mains d’un comptable public une somme équivalant au montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l’intéressé au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites » (article L.481-3).

Compétence du maire pour ordonner sous astreinte la démolition du mur litigieux

S’appuyant sur les travaux parlementaires, la Haute juridiction estime que le législateur a entendu permettre à l’autorité compétente de « mettre en demeure l’intéressé après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l’irrégularité constatée et les moyens permettant d’y remédier, soit de solliciter l’autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l’aménagement, l’installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l’impose, en procédant aux démolitions nécessaires ».

Une commune peut-elle demander, sept ans après l’achèvement des travaux, la démolition d’une maison d’habitation reconstruite après sinistre, sans autorisation, dans une zone exposée à un fort risque naturel d’inondation ?

Ainsi, pour le Conseil d’État, le maire a pu au titre de son pouvoir de police spéciale prononcer une mise en demeure de procéder à la démolition de la construction litigieuse.
En effet, une telle mesure figure parmi celles que l’autorité compétente peut prescrire sur le fondement des dispositions de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme ; « dans la mesure nécessaire à la mise en conformité, à défaut de régularisation, de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée » précise le juge.

Le juge des référés du tribunal administratif a donc commis une erreur de droit. L’ordonnance par laquelle le juge a suspendu l’arrêté de mise en demeure est annulée.

La mise en œuvre de cette procédure issue de l’article L.481-1 est indépendante des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée.
De plus, il existe une procédure judiciaire (action en démolition). La commune (ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme) peut saisir le tribunal judiciaire sur le fondement de l’article L.480-14 du code de l’urbanisme en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans autorisation ou en méconnaissance d’une autorisation. L’action vise aussi les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité en violation de l’article L.421-8 du code de l’urbanisme.
L’action civile se prescrit par dix ans à compter de l’achèvement des travaux.

Conseil d’État, 22 décembre 2022 : n°463331

[1Villeneuve-lès-Maguelone, 10463 habitants)