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La jurisprudence pénale des acteurs de la vie territoriale et associative - Juin 2022

Juridiscope territorial et associatif - Dernière mise à jour le 06/10/2022

Retrouvez un résumé des décisions de la justice pénale recensées par l’Observatoire Smacl des risques de la vie territoriale & associative. Certaines ont été (très) médiatisées, d’autres moins mais sont tout aussi instructives.

Les archives

💥 Les jugements et arrêts recensés ne sont pas tous définitifs. Ils peuvent donc être infirmés en appel ou annulés en cassation. Jusqu’à l’expiration des voies de recours, les personnes poursuivies bénéficient toujours de la présomption d’innocence.

En attendant l’open data des décisions de justice, nous sommes tributaires des retours dans la presse, notamment locale, de certaines affaires évoquées dans cette rubrique. Malgré le sérieux et le professionnalisme des journalistes, des imprécisions sur la nature exacte des faits reprochés, des qualifications retenues et des moyens de défense invoqués ne sont pas à exclure.

Le but de cette rubrique n’est pas de jeter le discrédit sur les acteurs de la vie territoriale et associative qui, comme le démontrent nos chiffres, sont intègres et diligents dans leur très grande majorité. Il s’agit de recenser et résumer les décisions de justice, en respectant l’anonymat des personnes impliquées, pour attirer l’attention des acteurs publics locaux et associatifs sur les risques juridiques encourus dans l’exercice de leurs fonctions et leur permettre de dégager des axes de prévention pertinents dans leurs pratiques quotidiennes.
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Les symboles ❌ ou ✅ ne constituent pas un jugement de valeur mais sont de simples repères visuels permettant au lecteur d’identifier plus facilement l’issue favorable (✅) ou défavorable (❌) de la procédure pour les personnes mises en cause.

✅ Cour d’appel de Paris, 1er juin 2022

Relaxe d’un élu d’opposition poursuivi par un maire (commune de plus de 10 000 habitants) pour diffamation. Ce dernier lui reprochait une publication sur son compte Facebook dans laquelle l’élu d’opposition qualifiait de «  détournement de fonds  » la demande de protection fonctionnelle de l’édile, dans quatre affaires le concernant. En première instance, les juges avait reconnu la bonne foi de l’élu d’opposition et l’ont relaxé. Ce que confirme la cour d’appel soulignant que le commentaire s’inscrivait dans un débat politique d’intérêt général.

❌ Cour d’appel de Toulouse, 1er juin 2022

Condamnation d’un ancien maire (commune de plus de 10 000 habitants) pour banqueroute frauduleuse au préjudice d’une société d’économie mixte locale (SEML). La commune s’était portée caution, quasiment à 100 %, d’un emprunt de près de six millions d’euros, engagé par la SEML pour la construction d’un centre d’aide aux personnes malvoyantes (une clinique de réadaptation basse vision et un Institut médico-éducatif (IME) à vocation hôtelière). Mais les charges se révèlent largement plus importantes que les recettes et les pertes sont conséquentes. En 2010, l’ARS (Agence régionale de santé) était intervenue et une association avait repris la gestion du centre en janvier 2011. En avril 2014, il avait été décidé une baisse du loyer annuel, ramenant celui-ci à 170 000 euros au lieu des 400 000 euros initiaux, avec effet rétroactif au 1er janvier 2011. Il est reproché à l’élu de ne pas avoir de mandat de l’assemblée générale pour prendre une telle décision. En 2016 la SEML sera placée en état de liquidation judiciaire le tribunal de commerce constatant un passif exigible de près de 5,5 millions d’euros pour un actif disponible de 1537,14 euros. Le liquidateur de la SEM recherche la responsabilité personnelle de l’élu et un ancien salarié de l’association porte plainte pour escroquerie. L’élu est condamné en première instance à un an d’emprisonnement avec sursis, 5 ans d’interdiction de gérer et à verser, au civil, près de... 9 millions d’euros de dommages-intérêts sur ses deniers personnels. La cour d’appel confirme la condamnation de l’élu à un an d’emprisonnement avec sursis tout en soulignant que l’élu n’a retiré aucun profit personnel et en ne confirmant pas l’interdiction d’exercer. Sur le plan civil, la cour d’appel confirme que l’ancien élu engage son patrimoine personnel, mais rabaisse de façon drastique le montant des dommages-intérêts en condamnant l’élu à verser un peu moins d’un million ( 984 590 €) contre près de 9 millions en première instance. L’ancien édile a décidé de se pourvoir en cassation.

❌ Tribunal correctionnel de Guingamp, 3 juin 2022

Condamnation d’un agent communal pour injures envers un maire (commune de moins de 1000 habitants). En arrêt maladie depuis plusieurs mois, l’agent avait mal pris que des remplaçants occupaient son poste. Il s’était alors rendu sur son lieu de travail pour les insulter et les menacer. Le maire de la commune avait pris une sanction disciplinaire notifiée par courrier. Mécontent, l’agent s’était rendu aussitôt au bureau de l’élu pour l’injurier et l’intimider pour le pousser à revenir sur sa décision. En situation de récidive, l’agent est condamné à huit mois d’emprisonnement dont quatre mois assortis d’un sursis probatoire de deux ans. Il devra en outre respecter des obligations de soins et l’interdiction d’entrer en contact avec la victime. En parallèle, il devra également verser un euro symbolique de dommages et intérêts au maire.

✅ Tribunal correctionnel de Caen, 7 juin 2022

Relaxe d’un maire (commune de plus de 10 000 habitants) poursuivi pour diffamation par un élu d’opposition exerçant la profession de médecin. Le plaignant reprochait au maire d’avoir laissé entendre dans le journal municipal qu’il disposait d’un logement social malgré ses revenus et d’avoir sciemment mis la vie en danger des résidents d’un EHPAD lors du confinement en tentant de forcer l’entrée de la maison de retraite. Pour sa défense, le maire soulevait notamment la prescription de l’action publique, la citation ayant été délivrée neuf jour après l’expiration du délai de trois mois applicable en matière de presse. Le tribunal relaxe le maire.

❌ Tribunal correctionnel de Bastia, 7 juin 2022

Condamnation d’un ancien maire (commune de moins de 5000 habitants) pour favoritisme sur plainte avec constitution de partie civile de la nouvelle majorité. Il lui était reproché d’avoir attribué plusieurs marchés, sans mise en concurrence, à une société pour des prestations qui n’ont pas ou mal été effectuées. Pour sa défense, l’élu plaidait la relaxe en faisant observer que les missions avaient bien été effectuées et dénonçait la coloration politique du dossier. Le tribunal le condamne à dix-huit mois d’emprisonnement assortis d’un sursis probatoire de deux ans, de 20.000 € d’amende et d’une peine de cinq ans d’inéligibilité. L’élu est en revanche relaxé du chef de détournement de fonds publics. La commune lui réclamait 100 000 euros de dommages-intérêts. Le tribunal ne lui accorde qu’un euro symbolique.

❌Cour de cassation, chambre criminelle, 9 juin 2022

Condamnation d’un maire (commune de moins de 10 000 habitants) pour détournement de biens publics. Il lui était reproché de s’être fait rembourser des dépenses à caractère personnel pour un montant d’au moins 30 488,52 euros. Par jugement du 11 décembre 2019, le tribunal correctionnel, l’avait relaxé partiellement, et l’avait déclaré coupable de détournements commis entre 2009 et 2013 s’agissant de frais de restauration, d’hôtellerie, de carburant, de péage et de matériel de sonorisation, pour un montant de 19 240,70 euros. La cour d’appel avait confirmé la culpabilité de l’élu et l’avait condamné à 15 000 euros d’amende, une interdiction professionnelle définitive, cinq ans d’inéligibilité, et avait ordonné des mesures de publication et d’affichage. Au civil la cour d’appel avait condamné l’élu à rembourser la commune à hauteur de 13 179,70 euros. La Cour de cassation confirme la culpabilité de l’élu mais annule l’arrêt concernant la peine complémentaire d’affichage de la condamnation (cette peine n’étant pas prévue par la loi à la date des faits). La cassation est également encourue sur les intérêts civils. En effet l’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il a commis que si celui-ci constitue une faute personnelle détachable de ses fonctions. Pour condamner le maire, ayant agi dans l’exercice de ses fonctions, à indemniser la commune sur ses deniers personnels, les juges auraient dû rechercher, même d’office, si la faute imputée à celui-ci présentait le caractère d’une faute personnelle détachable du service. Il appartiendra à la cour d’appel de renvoi de rejuger l’affaire sur ce point conformément au droit : pour condamner le maire à indemniser la commune sur ses deniers personnels, la cour d’appel devra expressément caractériser à son encontre une faute personnelle détachable du service. L’occasion de rappeler que cette faute peut-être caractérisée par la recherche d’un intérêt personnel ou la commission d’une faute d’une particulière gravité.

❌Cour de cassation, chambre criminelle, 9 juin 2022

Non-admission du pourvoi exercé par un maire (commune de plus de 10 000 habitants) condamné pour favoritisme, détournement de fonds publics et faux et usage. Il lui est reproché l’acquisition à une entreprise locale de 115 lampadaires solaires pour la ville sans avoir attendu la fin de la procédure de passation du marché, pour un montant de 900 000 euros. L’entreprise choisie n’ayant pas l’assise financière nécessaire pour assurer cette commande, un système de leasing avait été imaginé et la mairie s’était engagée à payer les loyers de ces lampadaires pour 1 300 000 euros le tout sans délibération du conseil municipal. Opération d’autant plus préjudiciable pour la commune que le matériel s’est révélé défectueux... Pour sa défense l’élu soutenait qu’il avait agi dans l’urgence pour éclairer la voie publique et ainsi régler des problèmes de sécurité. Il avait été condamné en première et deuxième instance à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende et dix années d’interdiction de toutes fonctions publiques. Au civil, il avait été condamné à verser, sur ses deniers personnels, plus de 750 000 euros à la commune qui s’était constituée partie civile. La Cour de cassation « constate qu’il n’existe aucun moyen de nature à permettre l’admission du pourvoi. »

❌ Tribunal correctionnel de Nice, juin 2022*

Condamnation d’un chef de service (commune de plus de 10 000 habitants) pour agression sexuelle sur plainte d’une personne placée sous sa responsabilité. Peu après l’arrivée du prévenu au sein du service, la victime avait relevé un comportement étrange : appels nombreux lui demandant de venir dans le bureau de son supérieur, discussions de nature privée, propositions de cadeaux, invitations au restaurant... La jeune femme décrit des propos puis des gestes inappropriés allant jusqu’à l’attouchement. Elle décide finalement de déposer plainte après que son chef de service ait frotté son bas-ventre sur l’arrière de sa tête devant une de ses collègues. Pour sa défense, le prévenu invoque une "relation cordiale" et un "management tactile" en soutenant qu’il n’avait jamais eu la volonté de manquer de respect et ne pas avoir perçu la gêne de la jeune femme. Considérant que l’agression sexuelle par surprise et contrainte était caractérisée, le tribunal le condamne à huit mois d’emprisonnement avec sursis.

* date du jugement non précisée (article de presse daté du 10 juin)

❌ Tribunal Correctionnel de Paris, 10 juin 2022

Condamnations d’un président et d’un adhérent d’ une association pour traite des êtres humains aggravés, travail dissimulé et emploi d’étrangers sans titre . Il leur est reproché d’avoir mis en place un système de travail dissimulé en abusant de personnes sans-papiers en exploitant l’espoir d’une régularisation. Après avoir versé une cotisation à l’association (entre 45 et 90 euros) pour pouvoir obtenir une domiciliation, il était demandé aux intéressés de signer une convention de bénévolat et de s’engager à consacrer du temps pour l’association en échange d’une gratification. Plus de 50 victimes ont déposé plainte en dénonçant des pressions et des humiliations, de fortes amplitudes de temps de travail (plus de 60 à 80 heures par semaine) dans des conditions dégradées et des gratifications dérisoires (500 à 600 euros par mois soit parfois moins d’un euro de l’heure). Le tribunal condamne le président à deux ans d’emprisonnement dont un avec sursis ainsi qu’une obligation d’indemniser les salariés. Un membre de l’association, reconnu complice, est condamné à huit mois d’emprisonnement avec sursis. Un autre membre de l’association mis en cause est en revanche relaxé. Le tribunal prononce également la dissolution de l’association.

✅ Tribunal correctionnel de Laval, 13 juin 2022

Relaxe d’un élu d’opposition (commune de moins de 3500 habitants) poursuivi par le maire pour enlèvement et altération d’affiche. Le maire lui reprochait la dégradation de son affiche pendant la campagne des élections départementales. Pour sa défense, le prévenu affirmait n’avoir rien déchiré et avoir ramassé un morceau d’affiche par terre. Il est relaxé.

✅ Cour d’appel de Douai,14 juin 2022

Relaxe d’un élu d’opposition (commune de moins de 10 000 habitants) poursuivi pour diffamation publique sur plainte du maire. Il lui était reproché d’avoir publié sur sa page Facebook et son blog, puis d’avoir distribué dans toutes les boîtes aux lettres un pamphlet à l’encontre du maire, suite à la validation de sa réélection par le tribunal administratif. Il accusait le maire d’avoir « profité de la tirelire des habitants de la commune pour financer sa campagne électorale » et aussi de ne pas avoir respecté la procédure officielle d’attribution des marchés publics. Pour sa défense, l’élu d’opposition plaidait la bonne foi (laquelle suppose quatre éléments : un intérêt légitime ou l’existence d’un débat d’intérêt général, l’absence d’animosité personnelle, une enquête sérieuse ou une base factuelle suffisante et la prudence dans l’expression). Contrairement aux premiers juges, la cour d’appel suit ce raisonnement et relaxe l’élu considérant que :

 le cadre de la publication des propos était une campagne électorale, dès lors, le débat d’intérêt légitime est établi ( « Le seul fait qu’il soit un opposant politique est insuffisant à caractériser une animosité personnelle ») ;

 « Si les termes employés sont indiscutablement polémiques, ils ne présentent aucun débordement relevant de la vulgarité ou de l’outrance gratuite » ;

 la base factuelle est jugée suffisante par la cour, le prévenu produisant deux attestations d’anciens élus de la majorité et un courrier du directeur général des services.

❌Tribunal correctionnel de Montluçon, 16 juin 2022

Condamnation d’un conseiller municipal (commune de plus de 10 000 habitants) en sa qualité de président d’une association pour abus de confiance sur signalement de la sous-préfecture qui avait attiré l’attention du parquet sur les démissions en série au sein du conseil d’administration de l’association. Il lui est reproché d’avoir encaissé sur son compte personnel des chèques d’une association organisant un festival pour un montant total de plus de 23 000 euros. Niant dans un premier temps les faits, l’élu a ensuite reconnu les faits précisant être dans une situation personnelle difficile en raison notamment de son addiction à la cocaïne. A l’audience, son avocat avait plaidé la prescription, arguant que le dernier chèque avait été encaissé le 19 janvier 2015. Considérant qu’il s’agissait d’une infraction occulte, le tribunal écarte ce moyen et condamne le prévenu à deux ans d’emprisonnement avec sursis.

❌ Tribunal correctionnel de Lorient, 20 juin 2022

Condamnation de la trésorière d’une association à but humanitaire pour abus de confiance. La présidente de l’association a découvert que la trésorière se signait des chèques à son nom avec le chéquier de l’association. Après de nombreuses demandes de remboursement restées vaines, la présidente de l’association avait déposé plainte en demandant le remboursement du préjudice financier ainsi que 1.000 € en réparation du préjudice moral. Pour sa défense, la prévenue soutenait que tous les chèques étaient justifiés et qu’il s’agissait de remboursement de frais. Sans convaincre le tribunal qui la condamne à 105 heures de travail d’intérêt général et au reversement de la somme de 637,60 €.

❌ Tribunal correctionnel de Montauban, 21 juin 2022

Condamnation d’un élu d’opposition (commune de moins de 1500 habitants) pour diffamation sur plainte du maire et de quatre adjoints membres de la commission en charge des alertes de crue. En mars 2021, l’élu d’opposition avait, dans un journal d’opposition et sur la page Facebook d’une association citoyenne qu’il anime, porté des accusations contre la majorité qui aurait selon lui manqué à ses responsabilités lors d’un épisode d’inondation. Il soutenait que le maire n’avait pas prévenu certains habitants situés en zone à risque tout en prenant ses dispositions pour mettre ses meubles à l’abri. Dans un autre article, l’élu d’opposition avait mis en cause la probité de l’édile dans le cadre d’un marché public pour la création d’une aire multi-sports soutenant que l’entreprise retenue avait été favorisée parce qu’une adjointe y travaillait comme secrétaire. Pour sa défense, l’élu d’opposition soulevait la nullité de la citation. Le tribunal le condamne à une amende de 400 € et à l’obligation de supprimer les propos diffamatoires et à publier la décision judiciaire le condamnant. Il devra également verser la somme de 200 € au maire et 80 € à chaque élu de la majorité au titre des dommages et intérêts.

✅ Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, 22 juin 2022

Relaxe d’un maire (commune de moins de 7500 habitants) poursuivi pour corruption passive et trafic d’influence sur plainte d’un élu d’opposition. En cause, quatre dossiers de marchés publics :
 dans le premier, il était soupçonné d’avoir octroyé une autorisation d’implantations d’un kiosque à pizza en échange de contreparties. A l’audience, les magistrats relèvent l’absence d’éléments matériels, aucune trace de cadeaux ou de manquement à la mise en concurrence n’étant établie ;
 dans la seconde affaire, il lui était reproché le choix de l’imprimeur du journal municipal. Le tribunal souligne que le montant du marché est en dessous du seuil (15 000 euros au moment des faits) à partir duquel une mise en concurrence était nécessaire ;
 le troisième marché concernait l’implantation de ralentisseurs dans la ville. Si le procureur s’interrogeait sur les dates de dépôt de dossiers des candidats, le tribunal souligne que le dossier manque « d’éléments précis » ;
 il lui était reproché enfin l’attribution du marché de rénovation du camping. Sur les deux appels d’offres lancés, le deuxième semblait ne pas respecter les règles de marché public. En effet, les cahiers des charges envoyés par la maire aux candidats sont restés sans accusés réceptions. Le procureur évoquait “une certaine légèreté dans la gestion du maire”. Cependant, les appels d’offre avaient été mis en ligne et le tribunal estime dès lors qu’il n’y a pas d’éléments pour retenir une infraction.
Le tribunal relaxe ainsi l’élu pour l’ensemble des faits.

❌ Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 22 juin 2022

Condamnations de l’ancien président et de l’ancien directeur d’un SDIS poursuivis pour favoritisme, prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics. Une information judiciaire avait été ouverte sur la foi d’un rapport accablant de la chambre régionale des comptes en 2013 pointant l’embauche anormale de plusieurs proches du président du SDIS et du recrutement suspect d’un directeur de cabinet attaché au directeur. Il lui est notamment reproché d’avoir favorisé la promotion professionnelle de sa compagne au sein de cet organisme et d’avoir fait embaucher le fils et le gendre de celle-ci. En cause également l’absence de publicité et de mise en concurrence pour la construction d’un centre de ressources d’études et d’expertises ou pour des marchés de prestation juridique et le recrutement de saisonniers au sein du SDIS très majoritairement issus de la commune dont le président du SDIS était le maire (commune de moins de 10 000 habitants). L’élu a reconnu avoir commis des erreurs en signant des arrêtés de recrutement, de titularisation et de promotion de sa compagne, du fils et du gendre de celle-ci, embauchés au sein du SDIS mais il a contesté un quelconque intérêt électoraliste à l’embauche prioritaire de jeunes habitants de sa commune sur les postes de "jobs d’été" au sein de l’établissement public. La cour d’appel, aggravant la condamnation de première instance, le condamne à trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis (l’année d’emprisonnement sera purgée à domicile avec surveillance électronique) ainsi qu’à 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité. La cour confisque également une des parcelles de la commune que l’élu avait cédée aux enfants et beaux-enfants de sa compagne. L’ancien directeur du SDIS est condamné pour sa part à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis probatoire et à une amende de 75.000 euros. La cour d’appel confirme par ailleurs la confiscation d’un appartement d’une valeur de 245.000 euros.

❌Cour de cassation, chambre criminelle, 22 juin 2022

Confirmation d’une saisie pénale ordonnée dans le cadre d’une information judiciaire ouverte notamment contre le dirigeant d’une SEM pour favoritisme et contre le dirigeant de la société attributaire pour recel. Il est reproché au directeur de la SEM d’avoir ouvert de manière frauduleuse les enveloppes comportant les offres techniques et financières des sociétés soumissionnaires, avant et après négociation, puis d’avoir contacté le gérant de la société pour lui communiquer le prix du soumissionnaire le moins cher et afin de s’adapter à ce prix pour que sa société soit adjudicataire de ce marché et en introduisant frauduleusement dans le circuit la nouvelle enveloppe. L’affaire est toujours en cours d’instruction et les personnes mises en examen restent présumées innocentes. La question portait sur l’étendue de la mesure de la confiscation, la chambre de l’instruction soulignant que la valeur du bien confisqué ne pouvait excéder le montant du produit de l’infraction, qui correspond à l’avantage économique tiré de celle-ci et qui constitue la conséquence patrimoniale de sa commission. L’occasion pour la Cour de cassation, dans un arrêt publié au bulletin, de préciser que :
 « l’attribution du marché public ne constituant pas un élément constitutif du délit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics qui est établi par la seule violation de la norme légale ou réglementaire gouvernant la commande publique, le marché proprement dit ne peut être considéré comme l’objet de cette infraction » ;
 « l’avantage économique qui constitue le produit de l’infraction d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics est équivalent au prix total du marché en cause duquel doivent être impérativement déduites les charges et dépenses directement imputables à l’exécution de ce marché comme, par exemple, le coût des salaires et des fournitures » ;
 « les juges peuvent, par des motifs relevant de leur appréciation souveraine, ajouter à ce chiffrage, en fonction des éléments figurant au dossier ou qui leur sont fournis par les parties et le ministère public, l’ensemble des gains, directs ou indirects, attendus et découlant du marché comme, notamment, les éventuelles économies d’impôts, la valorisation de la trésorerie, de la continuation de l’entreprise, du maintien des emplois en lien avec l’attribution du marché ou de la possibilité de se porter candidat à d’autres marchés » ;
 « le produit de l’infraction d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics constitue l’objet du délit de recel aggravé »
 « Toutefois, le juge qui ordonne la saisie en valeur d’un bien appartenant à l’auteur de l’infraction de recel d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics ou étant à sa libre disposition, dès lors qu’il ne résulte pas des pièces de la procédure des présomptions qu’il a bénéficié en totalité ou en partie du produit de cette infraction, doit apprécier, lorsque cette garantie est invoquée, le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé pour la partie du produit dont il n’aura pas tiré profit. »

La Cour de cassation approuve en conséquence la chambre de l’instruction d’avoir réduit le montant de la saisie pénale ordonnée par le juge d’instruction.

✅ Tribunal correctionnel de Saint-Martin, 23 juin 2022

Relaxe d’un président de deux associations, poursuivi pour abus de confiance sur signalement de la préfecture qui avait émis des doutes sur l’usage des subventions reçues. La commune qui subventionnait l’association s’est constituée partie civile. Il était reproché au prévenu d’avoir effectué des virements entre cette association et une autre qu’il préside. Des chèques de 2 500 ou 5 500 euros sans bénéficiaires identifiés auraient aussi été émis. L’enquête a souligné le défaut de production d’éléments comptables, ni de justificatifs précis des dépenses et de l’usage des fonds publics. Le prévenu soutenait qu’il devait régler des achats à l’étranger et que pour des raisons pratiques, il avait privilégié le compte bancaire à partir duquel les démarches étaient plus rapides. Il contestait tout détournement. Le tribunal le relaxe tout en l’appelant à faire preuve de plus de rigueur dans la gestion de l’association.

✅❌ Cour d’appel d’Agen, 23 juin 2022

Relaxe d’un président d’une communauté de communes poursuivi pour prise illégale d’intérêts. En cause l’attribution d’un marché public à une entreprise pour des travaux de voirie. La procédure de mise en concurrence et d’attribution avait scrupuleusement été respectée et la délibération avait été adoptée à l’unanimité des conseillers communautaires. Mais l’un des conseillers était l’ancien fondateur et gérant de cette société désormais détenue par son fils. Or il avait participé aux débats et au vote comme il l’avait également participé à la commission d’ouverture des plis dans une procédure lancée par sa commune. D’où sa condamnation à 10 000 euros d’amende. Le président de l’EPCI, condamné en première instance pour complicité, est finalement relaxé. Il lui était reproché de ne pas avoir interdit au conseiller communautaire intéressé de participer au vote. Le président relevait pour sa défense que c’est à l’élu intéressé d’informer le chef de l’exécutif de la situation de conflits d’intérêts et qu’il ne disposait pas de moyens de droit pour l’empêcher de participer. La cour d’appel le relaxe en relevant que « la seule circonstance de la connaissance du lien de parenté entre père et fils dirigeant de [la société retenue] ne suffit pas à établir les actes positifs de complicité reprochés. » En effet la complicité suppose un acte positif et une simple abstention ne suffit pas. Si la jurisprudence considère parfois qu’une personne qui est restée passive est complice de l’infraction, c’est à la condition qu’elle ait joué un rôle déterminant dans la commission de l’infraction. Tel est le cas par exemple du douanier qui passe un accord avec un contrebandier pour fermer les yeux lors de son passage en douane. Rien de tel en l’espèce s’agissant du président de la communauté de communes. Ce d’autant que l’absence de participation de l’élu intéressé à la délibération litigieuse n’aurait pas changé le sens du vote (pour une analyse détaillée de cet arrêt.

❌ Tribunal correctionnel d’Albertville, 24 juin 2022

Condamnations de quatre aides-soignantes d’un Ehpad public pour faux et usage de faux. Réfractaires à la vaccination, il leur est reproché d’avoir fourni de faux certificats de vaccinations contre le covid 19, achetés 350 euros l’unité, pour pouvoir continué à exercer leurs fonctions au sein de l’établissement où une quarantaine de pensionnaires sont décédés du covid (sans qu’un lien ne soit pour autant établi entre les décès et le défaut de vaccination des prévenues). Si le tampon de centre de vaccination apparait bien sur les certificats produits, aucune trace de leur passage n’a été retrouvée. Par ailleurs, le médecin dont le nom figure sur les certificats était à l’étranger au moment de la vaccination supposée... Deux des soignantes ont reconnu les faits, quelques semaines après la procuration de leur faux pass, puis ont démissionné ; les deux autres ont été suspendues. Le centre intercommunal d’action sociale (CIAS) qui gère l’établissement s’est constitué partie civile. Le tribunal condamne les quatre prévenues à deux mois d’emprisonnement avec sursis et à verser, chacune, 250 euros de dommages-intérêts au CIAS.

❌ Tribunal correctionnel d’Angers, 27 juin 2022

Condamnation d’un maire (commune de plus de 10 000 habitants) pour diffamation sur plaintes d’une ligue sportive et de son président. Durant un match se jouant à huis clos en mars 2021, l’équipe sportive locale avait découvert 5 cas de covid parmi les joueurs et l’encadrement. En accord avec l’équipe adverse, ils avaient réclamé en vain le report de la rencontre, la ligue sportive opposant l’application d’un protocole sanitaire. En réponse l’élu avait fait fermer immédiatement la salle où se déroulait le match, conduisant à la perte du match de l’équipe locale sur tapis vert. Dans la presse régionale, l’élu avait alors tenu des propos très virulents contre la ligue et son président dans des termes jugés diffamatoires. Le tribunal le condamne à 1 500 € d’amende et devra verser 800 € et 1 500 € en réparation du préjudice moral des deux parties civiles.

❌ Tribunal correctionnel de Bordeaux, 27 juin 2022

Condamnation d’un maire (commune de moins de 2500 habitants) poursuivi pour favoritisme dans le cadre d’un marché prévoyant la rénovation d’un presbytère en maison d’habitat partagé pour personnes âgées sur signalement d’une élue qui était alors dans la majorité. En cause l’attribution d’un marché à un architecte, ami proche de l’édile, et qui aurait travaillé sur le projet bien avant l’appel à projet et aurait eu accès à des informations privilégiées par rapport à ses concurrents. Pour motiver sa décision, le tribunal a tenu compte de la chronologie du dossier depuis 2018, considérant que l’attributaire du marché de maîtrise d’œuvre était déjà connu au moment de l’appel d’offres. L’architecte avait de fait été payé pour un travail préparatoire. Le tribunal a également relevé la volonté du maire de saucissonner un marché pour éviter une procédure formalisée, ce qui avait facilité l’opération critiquée. Le tribunal estime que « le maire a voulu privilégier une de ses relations » et qu’il ne pouvait s’agir d’une « simple négligence » comme il le soutenait. Le tribunal le condamne à huit mois d’emprisonnement et 30.000 € d’amende donc 15 000 € avec sursis. Toutefois, en l’absence d’enrichissement personnel, les juges ne prononcent pas de peine d’inéligibilité. L’architecte est condamné à 10 000 euros d’amende.

✅ Tribunal de police de Créteil, 28 juin 2022

Relaxe d’un collaborateur de cabinet (commune de plus de 10 000 habitants) poursuivi pour violence sans incapacité totale de travail (ITT) suite à une altercation avec un administré. Lors d’un marché du terroir, l’administré, qui a pour habitude de relayer les évènements de la vie de la commune en direct sur Internet, faisait le tour des stands avec son téléphone portable. Selon le plaignant, le collaborateur de cabinet, mécontent d’être filmé, l’aurait bousculé une première fois puis lui aurait donné un coup de poing sur le bras. En défense, le collaborateur du maire, qui estime être régulièrement harcelé par cet opposant, conteste tout contact physique. La vidéo a été supprimée sur Facebook et les coups n’ont pas fait l’objet de certificat médical. Le tribunal décide de relaxer le collaborateur du maire en l’absence d’éléments suffisants.

✅ Tribunal correctionnel d’Amiens, 30 juin 2022

Relaxes d’un maire et d’un adjoint (commune de moins de 3500 habitants) poursuivis pour abus de confiance, faux en écriture et escroquerie. Après les élections municipales de 2020, le maire sortant, battu de 29 voix par son rival, avait saisi le tribunal administratif en expliquant que le fort taux d’abstention avait joué en sa défaveur. Le tribunal administratif avait rejeté sa requête. L’ancien maire avait alors déposé plainte pour escroquerie au jugement et falsification d’attestations. Il reprochait à l’actuel maire d’avoir produit des attestations signées par des habitants qui assuraient à l’époque ne pas s’être rendus aux urnes en raison de la crise sanitaire. Or, selon des spécialistes en graphologie de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, pour quatre d’entre elles, les signatures ne présentaient aucune correspondance avec les signatures des personnes concernées. Elément jugé insuffisant cependant pour caractériser les infractions reprochées aux prévenus.

✅ Tribunal correctionnel de Lisieux, 30 juin 2022

Relaxe d’un élu d’opposition (commune de moins de 10 000 habitants) poursuivi par le maire de la commune pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. Il lui est reproché d’avoir offert au maire lors d’un conseil municipal une boite de préservatifs et un flacon de lubrifiant, « afin de faire passer en douceur le vote du budget »... Pour sa défense, l’élu d’opposition revendiquait une action réfléchie et préméditée « ne visant pas l’homme en particulier mais sa politique », expliquant avoir prévenu l’assistance que ses propos seraient à prendre au second degré et qu’il s’agissait « d’allégorie » ou de « figure de style ». A l’audience le procureur avait dénoncé des propos à connotation sexuelle et scatologique, l’avocat du maire évoquant, pour sa part, un outrage inadmissible portant atteinte à la dignité de la fonction. Sans convaincre le tribunal qui relaxe l’élu d’opposition.