Le dérèglement climatique conduit à la multiplication de catastrophes naturelles de très forte intensité avec de lourdes pertes humaines et des dégâts matériels exorbitants. Le territoire français n’échappe pas à la règle. Les collectivités dont la responsabilité est recherchée peuvent-elles invoquer la force majeure pour s’exonérer si l’évènement est d’une particulière intensité ?
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Difficilement : la force majeure suppose que l’évènement climatique à l’origine des dommages soit à la fois imprévisible et irrésistible pour que la collectivité puisse s’exonérer. Conditions cumulatives très difficiles à réunir. Tel n’est pas jugé le cas par exemple pour la tempête Xynthia malgré une conjonction exceptionnelle d’une forte dépression atmosphérique, de vents violents et d’un coefficient de marée élevé. Le Conseil d’Etat écarte ainsi la force majeure en soulignant que des submersions importantes ont déjà eu lieu au cours du XXe siècle dans la zone touchée par l’inondation consécutive à la tempête Xynthia et que plusieurs études, dès le début des années 2000, ont mis en évidence le risque majeur d’inondation de forte intensité auquel est exposée la commune en cas de phénomène climatique d’ampleur exceptionnelle : « malgré le caractère exceptionnel de la conjonction des phénomènes de grande intensité ayant caractérisé la tempête Xynthia, celle-ci n’était ni imprévisible en l’état des connaissances scientifiques de l’époque, ni irrésistible compte tenu de l’existence de mesures de protection susceptibles d’être prises pour réduire le risque d’inondation et ses conséquences. »
Le Conseil d’Etat donne ainsi droit à un assureur qui, après avoir indemnisé ses assurés sinistrés, recherchait la responsabilité de la commune, de l’Etat et de l’association syndicale chargée de l’entretien de la digue. L’occasion pour le Conseil d’Etat de confirmer également l’absence de faute personnelle de l’ancien maire : « en dépit de la gravité des agissements et des négligences de l’ancien maire de la commune (...) et de la condamnation pénale prononcée à son encontre, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les fautes retenues, commises par le maire dans l’exercice de ses fonctions, manifestaient une intention de nuire ou visaient à satisfaire des intérêts personnels. »
Conseil d’Etat, 31 mai 2021, N° 434733
[1] Photo : Clinton Naik sur Unsplash