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La jurisprudence pénale des acteurs de la vie territoriale et associative - Avril 2020

Dernière mise à jour : le 21/10/2020

Retrouvez les décisions de la justice pénale recensées par l’Observatoire Smacl des risques de la vie territoriale & associative.

Les archives

Avertissements

🚨 Les jugements et arrêts recensés ne sont pas tous définitifs. Ils peuvent donc être infirmés en appel ou annulés en cassation. Jusqu’à l’expiration des voies de recours, les personnes poursuivies bénéficient toujours de la présomption d’innocence.

Le but de cette rubrique n’est pas de jeter le discrédit sur les acteurs de la vie territoriale et associative qui, comme le démontrent nos chiffres, sont intègres et diligents dans leur très grande majorité. Il s’agit de recenser et résumer les décisions de justice, en respectant l’anonymat des personnes impliquées, pour attirer l’attention des acteurs publics locaux et associatifs sur les risques juridiques encourus dans l’exercice de leurs fonctions et leur permettre de dégager des axes de prévention pertinents dans leurs pratiques quotidiennes.

Les symboles 🔴 ou 🔵 ne constituent pas un jugement de valeur mais sont de simples repères visuels permettant au lecteur d’identifier plus facilement l’issue favorable (🔵) ou défavorable (🔴) de la procédure pour les personnes mises en cause.

🔴 Cour de cassation, chambre criminelle, 1er avril 2020

Condamnation du président d’un club sportif pour faux et usage de faux. Il lui est reproché d’avoir transmis à l’expert comptable de l’association un document qui indiquait que six entreprises s’étaient engagées au titre du mécénat à verser au club pour la saison indiquée des sommes d’un montant total de 180 750 euros. Le compte client, intégrant ces montants, faisait apparaître un bénéfice de 2 634 euros. Or il s’est avéré qu’aucun des sponsors concernés n’a procédé aux versements annoncés. Le commissaire aux comptes a déclenché une procédure d’alerte et refusé de certifier les comptes de l’exercice clos. En effet, déduction faite de ces apports non réalisés, c’est une perte d’environ 130 000 euros qui ressortait de la situation comptable, ce qui a conduit à la liquidation judiciaire de l’association. Le président de l’association est condamné à 2000 euros d’amende. Au civil, il lui appartiendra de rembourser le préjudice subi par les créanciers de l’association. En effet il a été le rédacteur et l’auteur intellectuel du faux, communiqué à l’expert comptable, qui a permis de présenter un résultat tout juste bénéficiaire, ce qui a été de nature à tromper les créanciers du club et de leur porter préjudice, en masquant l’état de cessation des paiements. Les juges relèvent qu’en ne prenant pas en compte des sommes purement hypothétiques, le président de l’association, ayant conscience de l’état de cessation des paiements, aurait pu déclencher une procédure collective plus tôt, laissant ainsi une chance à l’association de s’engager sur la voie d’un redressement judiciaire en lieu et place d’une liquidation sans poursuite d’activité. Ils en déduisent que ces faits ont eu pour conséquence d’entraîner un retard dans la déclaration de cessation des paiements et donc une perte de chance de parvenir à un éventuel rétablissement de la situation.

🔴 Cour de cassation, chambre criminelle, 1er avril 2020

Condamnation d’une trésorière d’une association gérant la cantine scolaire d’une commune (moins de 1500 habitants) pour abus de confiance, abus de faiblesse, falsification de chèque et usage de chèque falsifié. Il lui est reproché d’avoir rédigé à son ordre et encaissé des chèques de cette association, à hauteur de 11 725,48 euros. La commune s’était constituée partie civile et avait obtenu plus de 4000 euros de dommages-intérêts. Les juges d’appel avaient souligné à cet égard que la commune :

- qui a repris les activités de la cantine scolaire, et donc sa comptabilité avec ses avoirs et ses dettes, est légitime à obtenir le remboursement des sommes détournées par la prévenue au détriment de la cantine scolaire ;

- est également fondée à obtenir une somme de mille euros au titre du préjudice moral, dans la mesure où les membres de l’association avaient toute confiance en sa trésorière depuis cinq ans, et qu’ils ne pouvaient pas s’imaginer qu’elle opérait des détournements de fonds.

La Cour de cassation casse l’arrêt sur ce point faute pour les juges d’appel de mieux s’expliquer sur les droits que la commune pouvait tenir de l’association pour recouvrer le montant du préjudice matériel subi par cette dernière, ni sur le préjudice moral, distinct de celui des membres de l’association.

En revanche la condamnation de la trésorière à deux ans d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, et à quatre ans d’interdiction professionnelle est bien confirmée.

🔴 Cour d’appel de Bordeaux, 3 avril 2020

Condamnation d’un maire (commune de moins de 500 habitants) poursuivi pour harcèlement moral sur plainte la secrétaire de mairie . Il tenait à son égard des propos désobligeants devant témoins et la dénigrait. Il est condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis.

🔵 Cour de cassation, chambre criminelle, 21 avril 2020

Le maire d’une commune (moins de 300 habitants) avait déposé plainte pour diffamation publique contre la présidente d’une association opposée à un projet éolien. L’association avait adressé une lettre ouverte à tous les administrés de la commune qui dénigrait une « consultation citoyenne » réalisée par la municipalité. Selon le maire, elle comportait deux mots de trop : « mascarade » et « tromper ». Le tribunal avait relaxé la prévenue et en appel le maire avait été condamné à verser 1000 euros à la présidente de l’association en application de l’article 800-2 du code de procédure pénale. La Cour de cassation casse l’arrêt sur ce point : en effet en cas de relaxe, la juridiction de jugement ne peut mettre l’indemnité correspondant aux frais non payés par l’État et exposés par la personne relaxée, à la charge de la partie civile, que sur réquisitions du procureur de la République et par décision motivée, si elle estime que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire. Or en l’espèce le ministère public n’avait pas présenté de réquisitions en ce sens.

🔵 Cour de cassation, chambre criminelle, 21 avril 2020

Annulation des condamnations d’un maire (commune de moins de 2000 habitants) et d’un conseiller municipal poursuivis pour diffamation non publique sur plainte d’agents de l’ONF. Il était reproché au maire l’envoi de deux courriers (l’un aux maires des communes voisines, l’autre au directeur territorial de l’ONF de la région) pour dénoncer comportement de deux agents de l’ONF qui auraient notamment autorisé un défrichement illégal sur la commune. Le conseiller municipal, également salarié de l’ONF, s’était désolidarisé de ses collègues et avait également fait l’objet d’une plainte pour avoir transmis les courriers du maire à la commission administrative paritaire de l’ONF. La cour d’appel avait écarté la bonne foi et condamné les deux prévenus à 38 euros d’amende. La Cour de cassation annule ces deux condamnations :
 les juges se sont contredits en reconnaissant que le maire pouvait dénoncer des dysfonctionnements de l’ONF imputables à des collègues du conseiller municipal, tout en lui déniant la légitimité du but qu’il poursuivait en informant les maires concernés de ces dysfonctionnements, qui constituaient pourtant pour eux un sujet d’intérêt général ;

 les juges d’appel ne pouvaient se prononcer sur la bonne foi de ce prévenu, en qualifiant ses propos d’attaques personnelles dénuées de prudence, sans examiner si ceux-ci reposaient sur une base factuelle suffisante ;

 s’agissant du conseiller municipal, les juges ne pouvaient déduire une animosité personnelle, de nature à le priver du bénéfice de la bonne foi, des mauvaises relations entre lui et les plaignants, alors que c’était précisément pour éclairer les membres de la commission administrative paritaire appelée à donner un avis sur un projet de mutation dans l’intérêt du service entendant tirer les conséquences de cette situation que le conseiller avait transmis à ceux-ci les courriers adressés par le maire.

🔵 Tribunal judiciaire de Béziers, ordonnance du juge d’instruction, 22 avril 2020

Non lieu général rendu dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour homicide involontaire après le décès en septembre 2014 de quatre personnes dans un camping municipal (commune de moins de 3000 habitants) qui surplombait d’environ 3 mètres le cours d’eau qui a débordé. Le maire en exercice au moment de l’inondation (en poste depuis quelques mois seulement), son prédécesseur, le directeur général des services (DGS) et trois agents communaux avaient été mis en examen. Installé en 1982, le camping municipal était placé dans une zone déclarée inondable en 1989, tout comme une résidence et des lotissements voisins.

Le procureur de la République avait souligné « des carences évidentes, tout d’abord dans l’évaluation du phénomène (…), dans la surveillance ensuite de ce phénomène, et enfin dans l’absence de décision que, pourtant, la situation commandait. Si tous ces manquements ne peuvent être imputés au maire de l’époque qui avait pris ses fonctions, il est vrai, que quelques mois seulement avant les faits, le défaut, d’une part, du déclenchement du plan de sauvegarde communal, et d’autre part, de l’évacuation du terrain de camping, mesures qui s’imposaient (…), constituent des fautes caractérisées. »

Le juge d’instruction rend une ordonnance de non lieu : s’il relève plusieurs « carences » ou « défaillances dans l’appréciation de la situation, la vigilance et la mise en œuvre des dispositifs », il estime qu’elles ne sont pas du niveau de gravité exigé par la loi qui permettrait de caractériser des fautes pénales susceptibles d’être reprochées aux six personnes physiques mises en examen. Le magistrat instructeur relève en effet que le « phénomène de vague » à l’origine de l’inondation mortelle était un « phénomène non connu, non répertorié, différent d’une crue ordinaire et tout à fait exceptionnel ». Il estime que le phénomène était « à la fois imprévisible, irrésistible, extérieur et la cause exclusive des dramatiques événements survenus » et que « l’appréhension et l’anticipation de ce phénomène était impossible à établir ».