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Zoom sur les pouvoirs de police du maire en période d’état d’urgence sanitaire en 10 questions-réponses

Dernière mise à jour le 30 avril 2020

Couvre-feu, limitation des horaires de footing, obligation de port du masque, interdiction de ventes d’alcool... nombreux sont les maires à avoir pris des arrêtés de police pour préserver la santé de leurs administrés ou limiter les troubles à l’ordre public. Mais le peuvent-ils et, si oui, sous quelles conditions et dans quel cadre juridique ?

 [1]

🚨 Attention : depuis la première mise en ligne de cet article, le juge des référés du Conseil d’Etat a rendu le 17 avril 2020 une ordonnance apportant des restrictions à l’exercice des pouvoirs de police du maire en période d’état d’urgence sanitaire. Les réponses à certaines questions (n°1, 2, 4, 5 et 6) ci-dessous ont été modifiées pour tenir compte des précisions apportées dans cette ordonnance.
Par ailleurs cette FAQ a été réalisée avant la levée du confinement. Certaines règles, notamment sur l’ouverture des marchés alimentaires, ont depuis ont été modifiées.

1. Les maires sont-ils légitimes à intervenir et peuvent-ils toujours prendre des arrêtés de police restrictives des libertés pendant la période d’état d’urgence sanitaire ?

Oui mais... : au titre de son pouvoir de police générale, le maire est garant du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publiques sur le territoire communal. Il appartient ainsi au maire notamment de « prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...) tels que (...) les maladies épidémiques ou contagieuses(...) » (article L2212-2 5° du code général des collectivités territoriales).

Ces dispositions sont à rapprocher de l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, selon lequel, « en cas de danger grave ou imminent (...) le maire prescrit l’exécution de mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d’urgence le représentant de l’Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prescrites ».

Dans son ordonnance rendue le 17 avril 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat confirme, contrairement à ce que soutenait la Ligue des Droits de l’Homme, que les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, « autorisent le maire, y compris en période d’état d’urgence sanitaire, à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune ». Le maire peut ainsi prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat, notamment en interdisant, au vu des circonstances locales, l’accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements.

2. Les pouvoirs de police spéciale de l’Etat neutralisent-ils le pouvoir de police générale du maire ?

Non mais les pouvoirs de police générale du maire sont très encadrés tout particulièrement en période d’état d’urgence sanitaire .

Si la police de lutte contre les pandémies relève de la compétence de l’Etat (article L3131-1 du code de la santé publique), cela ne dessaisit pas pour autant le maire de son pouvoir de police générale. De fait, l’article L1311-2 du code de la santé publique dispose que les décrets pris pour la prévention des maladies transmissibles « peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l’Etat dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d’édicter des dispositions particulières en vue d’assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune ».

En moins d’un mois d’intervalle, le juge des référés du Conseil d’Etat a rendu deux ordonnances se prononçant sur l’exercice des pouvoirs de police du maire. Et les conclusions qu’il est possible de tirer de ces deux ordonnances sont très sensiblement différentes. Il faut dire que la première a été rendue sous l’empire du droit commun avec le concours de deux polices générales, juste avant l’adoption de la loi d’urgence du 23 mars, et que la seconde explicite le droit applicable en période d’état d’urgence sanitaire qui attribue un pouvoir de police spéciale à l’Etat. De fait, la confrontation de ces deux ordonnances permet de conclure que les pouvoirs de police du maire s’exercent de manière différente selon que le pouvoir de police du maire s’exerce dans le cadre du droit commun ou dans celui de l’état d’urgence sanitaire :

1° Exercice des pouvoirs de police du maire en droit commun : une obligation lorsque les circonstances locales le justifient

Dans son ordonnance du 22 mars 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat a évoqué un véritable devoir pour les maires : « les maires en vertu de leur pouvoir de police générale ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient. » Il appartient ainsi au maire de prendre toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie par des mesures adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique lorsque les circonstances locales le justifient. Il appartient également aux autorités locales, rappelle le juge des référés, de délivrer une information précise et claire du public sur les mesures prises et les sanctions encourues, avec des piqûres régulières de rappel.

Mais cette ordonnance a été rendue avant l’adoption de la loi d’urgence du 23 mars 2020 qui a introduit un chapitre Ier bis relatif à l’état d’urgence sanitaire, comprenant les articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique. Dans son ordonnance du 17 avril, le juge des référés du Conseil d’Etat a reprécisé les contours de l’exercice des pouvoirs de police du maire en période d’état d’urgence sanitaire.

2° Exercice des pouvoirs de police du maire en période d’état d’urgence sanitaire : uniquement si des circonstances locales rendent indispensables de manière impérieuse des mesures de police, le tout sans compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par les autorités compétentes de l’Etat

Dans son ordonnance du 17 avril 2020, le juge des référés Conseil d’Etat explicite les règles relatives à l’exercice des pouvoirs de police du maire en période d’état d’urgence sanitaire, au regard des dispositions introduites par la loi d’urgence du 23 mars 2020 :

 Le maire peut toujours prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune. Il peut, le cas échéant, à ce titre, « prendre des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat, notamment en interdisant, au vu des circonstances locales, l’accès à des lieux où sont susceptibles de se produire des rassemblements ». L’emploi de l’adverbe notamment démontre que l’interdiction d’accès à certains lieux n’est qu’illustratif et que les maires peuvent aussi, toujours sous réserve de circonstances locales particulières et du respect du principe de proportionnalité, prendre des arrêtés restrictifs de liberté.

 « En revanche, la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s’appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable ET à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat ». L’exercice du pouvoir de police du maire est ainsi doublement encadré : non seulement des circonstances locales doivent justifier de manière impérieuse (ce qui renforce leur caractère exceptionnel) l’édiction de mesures locales renforcées mais il faut également, et il s’agit là comme le souligne le professeur Mathieu Touzeil-Divina [2] d’une nouvelle condition posée par le juge, que les mesures de police prises par le maire ne compromettent pas la cohérence et l’efficacité de celles prises par les autorités de l’Etat, ni n’introduisent de la confusion dans les messages délivrés à la population par ces autorités.

Comme le relève Me Landot [3], cela conduit à mettre les pouvoirs de police du maire en "quasi-quarantaine" alors que dans le même temps, aucun arrêté préfectoral, n’a été suspendu, malgré l’édiction de mesures plus contraignantes pour les libertés qu’une simple obligation de port du masque.

3. Les maires peuvent-ils assouplir le dispositif de confinement, par exemple en autorisant l’ouverture de commerces, si leur territoire n’est pas touché par l’épidémie ?

Non : le titulaire du pouvoir de police générale ne peut que durcir le dispositif si les circonstances locales l’exigent, mais en aucun cas l’alléger par exemple en autorisant l’ouverture de commerces qui ne rentrent pas dans les dérogations prévues par les textes. Et ce même si la commune n’est pas touchée par l’épidémie. Un maire qui se risquerait à alléger le dispositif national dans sa commune engagerait la responsabilité de la commune en cas de contamination, voire sa responsabilité personnelle (civile et/ ou pénale). L’occasion de rappeler que pour le Conseil d’Etat (Conseil d’Etat 30 décembre 2015), une faute d’une particulière gravité est constitutive d’une faute personnelle, susceptible d’engager le patrimoine personnel de l’élu fautif et excluant le bénéfice de la protection fonctionnelle ( si une telle faute était retenue, ce serait donc à l’élu de payer personnellement l’avocat pour se défendre et non à la commune de prendre en charge sa défense). A notre connaissance, si de nombreux maires ont pris des arrêtés pour durcir les mesures de confinement sur le territoire de leur commune, aucun n’a tenté d’assouplir le dispositif national ou départemental.

4. Les maires peuvent-ils imposer un couvre-feu ?

Potentiellement oui mais la motivation de l’arrêté et la proportionnalité de la mesure sont scrutées à la loupe. Le juge des référés effectue en effet un contrôle vigilant de la proportionnalité de la mesure par rapport aux circonstances invoquées. Au 30 avril 2020, sur sept arrêtés municipaux ayant fait l’objet d’un référé-liberté, seulement deux n’ont pas été suspendus. Avant même l’ordonnance du Conseil d’Etat du 17 avril 2020 restreignant l’exercice des pouvoirs de police des maires, des juges de référé avaient suspendu des arrêtés municipaux imposant des couvre-feux estimant que les circonstances locales invoquées n’étaient pas suffisantes pour justifier une telle restriction des libertés. C’est le cas du juge des référés du Tribunal administratif de Caen (Tribunal administratif de Caen, ordonnance du 31 mars 2020, N° 2000711) qui a suspendu l’arrêté d’un maire imposant un couvre-feu à la suite de dégradations nocturnes et d’incendies de poubelles, rappelant que « la légalité de mesures restreignant à cette fin la liberté de circulation est subordonnée à la condition qu’elles soient justifiées par l’existence de risques particuliers de troubles à l’ordre public ou de circonstances particulières au regard de la menace d’épidémie. » Pour le juge des référés, les dégradations et les feux de poubelles constatés sur la commune « ne sont pas suffisantes pour justifier au plan local la nécessité des restrictions supplémentaires imposées par l’arrêté contesté tant au regard du risque de propagation de l’épidémie de covid-19 que de la sécurité publique. »

Le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a statué dans le même sens (Tribunal administratif de Montreuil 3 avril 2020 n°2003861) : le maire d’une commune de Seine-Saint-Denis avait pris un arrêté imposant un couvre-feu à partir de 19H00 en faisant valoir les difficultés de la situation sanitaire dans le département et les entorses aux mesures de confinement et de distanciation sociale qui seraient favorisées par l’ouverture tardive de certains commerces. Le juge des référés a estimé que ces circonstances ne sont pas suffisantes pour justifier au plan local la nécessité des restrictions supplémentaires dès lors que le préfet a interdit l’ouverture notamment des débits de boisson après 21 heures sur l’ensemble du département afin de lutter contre les attroupements intempestifs. La seule invocation générale du défaut de respect des règles du confinement dans la commune ne saurait être considérée, poursuit le juge, comme une circonstance particulière justifiant une restriction à la liberté de circulation particulièrement contraignante, puisque prenant effet à partir de 19 heures.

Postérieurement à l’ordonnance du Conseil d’Etat du 17 avril 2020, le Tribunal administratif de Nice n’a pas fait droit à la demande de suspension de l’arrêté du maire de Nice imposant un couvre-feu de 20H00 à 5h00 dans certains quartiers de la ville. Le juge relève que cette mesure ne concerne qu’une très faible partie du territoire communal très précisément déterminée (1,3%) et n’augmente l’interdiction préfectorale que de deux heures, l’ensemble de ces restrictions cessant le 11 mai. Elle est donc limitée dans le temps et l’espace. Par ailleurs, le nombre d’infractions aux règles du confinement constatées dans ces secteurs très restreints représente plus du quart des infractions constatées sur la ville de Nice par la police municipale, et un tiers des infractions relevées entre 20 et 22 heures. La mesure, dans ces conditions, répond aux objectifs de prévention de l’épidémie.
Hormis une autre ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon refusant de suspendre un arrêté municipal du maire de Mions (69), tous les autres arrêtés imposant des mesures similaires ont été suspendus.

5. Existe-t-il une différence de régime juridique selon que la mesure de police s’applique de nuit ou en journée ?

Non. Dans son allocution du lundi 13 avril 2020, le Président de la République a approuvé les maires qui avaient pris des arrêtés imposant sur leur commune un couvre-feu mais les a dissuadés de prendre des mesures plus restrictives de liberté durant la journée. Il s’agit là d’une prise de position politique, dont il n’est pas l’objet ici de discuter la pertinence. D’un point de vue strictement juridique, que la mesure de police s’applique en journée ou de nuit, il n’y a pas de différence de régime : ce qui compte c’est que le maire puisse, sous le contrôle du juge administratif, justifier son arrêté par des circonstances locales particulières justifiant de manière impérieuse l’arrêté.

Dans un Etat de droit, la liberté est la règle, la restriction l’exception. Toute mesure de police, qu’elle s’applique de jour ou de nuit, doit à ce titre poursuivre un motif légitime et être proportionnée à cet objectif. Avant de prendre un arrêté, le maire doit ainsi toujours se demander s’il ne peut pas atteindre l’objectif recherché avec une mesure de police moins restrictive de libertés. A cet égard, la mesure de police doit être rigoureusement motivée au regard des circonstances locales particulières et limitée dans le temps et dans l’espace.

Le contrôle de proportionnalité comporte nécessairement une part de subjectivité et peut générer des incompréhensions de la part des maires qui ont pris des arrêtés, non par plaisir, mais par souci de préserver la santé de leurs administrés. D’où la nécessité d’être particulièrement rigoureux dans la motivation de l’arrêté au regard des circonstances locales qui seront analysées à la loupe par le juge. Une difficulté à motiver l’arrêté peut-être le signe d’une disproportion de la mesure envisagée.

En période d’état d’urgence sanitaire, l’exercice de pouvoir de police du maire est encore plus encadré et ne doit pas nuire à la cohérence et à l’efficacité des mesures prises par les autorités de l’Etat, ni n’introduire de la confusion dans les messages délivrés à la population par ces autorités.

6. Le maire peut-il imposer le port de masques ?

Non. Le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Ordonnance du 9 avril 2020 N° 2003905) a suspendu un arrêté du maire de Sceaux imposant le port du masque ou ou, à défaut, d’un « dispositif de protection buccal et nasal » pour tout déplacement dans l’espace publique de la commune. Non pas que le maire ne pouvait pas prendre un tel arrêté par principe, mais qu’en l’espèce les circonstances locales invoquées ne justifiaient pas, selon le juge, une telle mesure restrictive de libertés.

Le maire justifiait son arrêté par :
 sa volonté de renforcer les « mesures barrières » actuellement en vigueur, le port du masque étant d’ailleurs recommandé par l’Académie nationale de Médecine pour les sorties nécessaires en période de confinement ;
 son souci de protéger les personnes âgées, population particulièrement vulnérable face au virus, lors de la levée future du confinement.

Le juge des référés écarte ces arguments :
1° en se prévalant de telles considérations générales, dépourvues de tout retentissement local, le maire ne justifie pas que des risques sanitaires sont encourus, sur le territoire communal, du fait de l’absence de port d’un masque lors des déplacements des habitants ;
2° toutes considérations liées à la levée du confinement concernent une situation future qui n’est, pour l’heure, pas envisagée ;
3° s’agissant des personnes âgées, des mesures ont déjà été mises en place par la commune pour protéger cette population, notamment à travers un service de courses livrées à domicile ;
4° rien ne permet de retenir que la protection des personnes âgées ne pouvait pas être assurée par des mesures moins attentatoires aux libertés fondamentales.

Sur recours exercé par la commune, le juge des référés du Conseil d’Etat va plus loin et laisse très peu de latitude aux maires en la matière. En effet, le juge des référés exige que le maire puisse démontrer, non seulement que la mesure est, de manière impérieuse, rendue indispensable par des circonstances locales particulières, mais également, qu’elle ne porte pas atteinte à la cohérence et à l’efficacité des mesures prises par les autorités de l’Etat, ni n’introduise de la confusion dans les messages délivrés à la population par ces autorités. Autant dire que la latitude des maires en la matière est étroitement liée à la doctrine de l’Etat sur le port des masques, laquelle peut encore évoluer notamment dans le cadre de la mise en œuvre du déconfinement prévu à partir du 11 mai.

7. La police municipale peut-elle sanctionner les contrevenants aux règles du confinement ?

Oui mais uniquement s’agissant des contraventions. La violation des règles de confinement est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe (135 euros). Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale.

Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Le décret du 28 mars 2020 institue désormais une forfaitisation de la contravention de la 5e classe réprimant la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence sanitaire : les montants de l’amende forfaitaire et de l’amende forfaitaire majorée s’élèvent respectivement à 200 et 450 euros.

Si les violations aux règles du confinement sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits deviennent délictuels et sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général, et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule.

L’article 2 4° de loi du 23 mars 2020 donne compétence aux agents de police municipale et aux gardes-champêtres le pouvoir de verbaliser les contrevenants (uniquement pour les contraventions et non pour les délits) aux règles du confinement lorsqu’elles sont commises sur le territoire communal ou sur le territoire pour lequel ils sont assermentés. Les policiers municipaux et les gardes champêtres sont bien entendu également compétents pour verbaliser les contrevenants aux arrêtés municipaux qui renforcent localement le dispositif national. L’amende encoure est alors de 38 euros. Ils ne sont en revanche pas compétents pour verbaliser les délits que ce soit une violation à trois reprises des mesures de confinement ou le fait de ne pas respecter les réquisitions prévues aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique (passible de six mois d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende).

8. Le maire doit-il consulter le conseil municipal avant de prendre une mesure de police restrictive des libertés ?

Non. Le pouvoir de police est un pouvoir propre du maire sur lequel le conseil municipal n’a pas à interférer. Cela n’interdit pas au maire d’informer les conseillers municipaux mais une délibération du conseil municipal portant sur l’exercice des pouvoirs de police serait illégale. Il est en revanche fortement recommandé aux maires d’agir en étroite concertation avec les services de la préfecture.

9. Le maire sortant dont le mandat est prolongé dans l’attente de l’installation des nouvelles équipes doit-il informer les nouveaux élus des mesures de police prises ?

Non. Rien n’interdit de le faire mais ce n’est pas une obligation. Les candidats élus au premier tour dont l’entrée en fonction est différée doivent être destinataires de la copie de l’ensemble des décisions prises sur le fondement de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et, le cas échéant, de tout acte de même nature pris par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou son remplaçant, et ce jusqu’à leur installation (article 19 XIV de la loi d’urgence de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19). Ce devoir d’information concerne les seules décisions prises par le maire en application d’une délégation consentie par le conseil municipal. A contrario donc, le maire n’est pas tenu d’informer les élus dont la prise de fonction est différée, des décisions prises en vertu des pouvoirs qui lui sont propres, comme c’est le cas s’agissant de l’exercice des pouvoirs de police.

10. Le maire est-il compétent pour décider la réouverture des marchés alimentaires ?

Non. Il résulte de l’article 8 III du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 que la tenue des marchés, couverts ou non et quel qu’en soit l’objet, est interdite. Mais toujours selon ce décret, le représentant de l’Etat dans le département peut, après avis du maire, accorder une autorisation d’ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d’approvisionnement de la population si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place sont propres à garantir le respect des mesures de distanciation sociale et de l’interdiction des rassemblements de manière simultanée de plus de 100 personnes.

En pratique, comme le relèvent Juliette Dreyfus-Gélin et Yvon Goutal (Retour sur l’interdiction de tenue des marchés alimentaires et sur ses dérogations, La Gazette des communes, 1er avril 2020), « l’avis des maires est devenu une véritable demande de dérogation, qui doit démontrer, de manière très concrète, le respect des deux conditions précitées : outre la justification de l’insuffisance de l’offre d’approvisionnement dans le secteur (commerces classiques et supermarchés ouverts à proximité ; état des transports collectifs), doivent être décrites les mesures barrières envisagées (disposition des lieux, circulation, distance minimale de deux mètres entre les étals, marquage au sol), les conditions de contrôle par la municipalité et la liste nominative des exposants ainsi que leurs adresses (en toute logique, seront privilégiés les vendeurs de produits alimentaires locaux en circuit court, dont les produits ne sont pas couverts par ailleurs par l’offre d’approvisionnement) ».

[1Photo par visuals sur Unsplash