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Prise illégale d’intérêts dans les marchés publics : attention aux liens d’amitié avec les candidats y compris... sur les réseaux sociaux

Dernière mise à jour le 14/04/2016

Une relation amicale entretenue par un agent public (ou un élu) avec un candidat à un marché public peut-elle caractériser une prise illégale d’intérêts en l’absence de toute rupture d’égalité de traitement entre les candidats ?

Oui : une relation amicale peut suffire à éveiller des soupçons de partialité de la décision et doit conduire le fonctionnaire (ou l’élu) intéressé à s’abstenir de toute participation à la procédure de marché public, y compris dans la phase préparatoire. Peu importe que l’égalité de traitement entre les candidats ait été respectée et que l’entreprise attributaire n’ait pas été avantagée.

En l’espèce un collaborateur de cabinet d’un maire est reconnu coupable de prise illégale d’intérêts pour avoir rédigé le rapport d’analyse des offres alors qu’il entretenait une relation amicale et professionnelle de longue date avec le gérant de la société attributaire, comme le révélaient notamment leur compte Facebook et leurs échanges téléphoniques réguliers. Pour sa défense, le prévenu objectait qu’un conflit d’intérêts potentiel ne pouvait suffire à caractériser l’infraction dès lors qu’il n’a communiqué aucune information privilégiée au chef d’entreprise et qu’aucune rupture d’égalité de traitement entre les candidats n’a été constatée.

La Cour de cassation écarte l’argument et confirme sa condamnation à un an d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende : la simple participation de l’intéressé à la préparation de la décision d’attribution du marché public litigieux par la rédaction du rapport d’analyse des offres destiné à éclairer la commission d’appel d’offres (CAO) alors qu’il entretient dans le même temps une relation amicale et professionnelle avec le gérant de cette société suffit à caractériser le délit.

Même si elle ne s’y réfère pas expressément la Cour de cassation est dans la droite ligne de la définition du conflit d’intérêts donnée par la loi n° 2013-707 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et reprise par la loi déontologie des fonctionnaires (non encore promulguée au jour de la rédaction de cet article) : il n’est en effet pas exigé la preuve d’une influence effective d’un intérêt privé sur la décision publique, une apparence de situation de conflit d’intérêts suffisant.

Cour de cassation, chambre criminelle, 13 janvier 2016, N° 14-88382