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La jurisprudence de la semaine du 28 février au 4 mars 2011

Assemblée délibérante / Associations / Elections / Fonction publique / Hygiène et sécurité au travail / Marchés publics / Responsabilités / Urbanisme / Voirie

(dernière mise à jour le 23/02/2012)

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Assemblée délibérante

 Le règlement intérieur d’un conseil municipal peut-il accorder la possibilité exceptionnelle, en cas d’urgence et à l’unanimité des conseillers présents, d’ajouter un point nouveau à l’ordre du jour en début de séance ?

Non. En effet dans les communes de 3 500 habitants et plus, le délai de convocation des membres du conseil municipal peut certes être abrégé en cas d’urgence mais sans être inférieur à un jour franc. Or la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d’une note explicative de synthèse sur chacun des points de l’ordre du jour. Le défaut d’envoi de ladite note entache d’irrégularité les délibérations prises à moins que le maire n’ait fait parvenir aux conseillers municipaux, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d’une information répondant aux exigences de l’article L. 2121-12 du CGCT. Ainsi le règlement intérieur d’une commune ne peut légalement permettre, même en cas d’urgence et d’accord de l’ensemble des conseillers présents, l’ajout d’un point à l’ordre du jour lors de l’ouverture de la séance du conseil municipal.

Cour Administrative d’Appel de Versailles, 3 mars 2011, N° 09VE03950


Associations

 L’absence de pouvoir du signataire d’une lettre de licenciement prive-t-elle automatiquement le licenciement de cause réelle et sérieuse ?

Oui. L’absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Peu importe que le licenciement soit justifié sur le fond. Si la réintégration du salarié est refusée par l’une des parties, celui-ci a droit à une indemnité pour licenciement abusif. Le montant de cette indemnité ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et se cumule avec l’indemnité de licenciement. Est ainsi sans cause réelle et sérieuse, le licenciement d’un directeur d’une maison de retraite par le directeur général, les statuts de l’association réservant cette prérogative au président de l’association. Pour apprécier si le signataire d’une lettre de licenciement a bien la qualité pour agir, le juge scrute à la loupe les statuts de l’association et les délégations éventuellement consenties. D’où l’attention toute particulière qui doit être portée à la rédaction de statuts associatifs et des délégations.

Cour de cassation, chambre sociale, 2 mars 2011, N° 08-45422


Elections

 Les dépenses engagées pour la promotion d’un ouvrage rédigé par un candidat sont-elles des dépenses électorales qui doivent être intégrées dans le compte de campagne ?

Tout est fonction de la teneur de l’ouvrage : "la publication d’un ouvrage ne saurait, en principe, être regardée comme une action de propagande du seul fait que l’auteur de ce livre est candidat à une élection". Cependant un ouvrage qui comporte des propositions de réformes que son auteur souhaiterait mettre en place, suite à son élection, dans les divers domaines de la vie politique, économique, culturelle et administrative présente un caractère électoral. Ainsi "les dépenses effectuées en vue de sa promotion doivent être regardées comme ayant été engagées en vue de l’élection, au sens des dispositions (...) de l’article L. 52-12 du code électoral".

Conseil d’État, 2 mars 2011, N° 341742

 Un conseiller municipal qui refuse de participer au fonctionnement d’un bureau de vote en tant qu’assesseur supplémentaire peut-il être déclaré démissionnaire d’office ?

Non. La procédure de démission d’office suppose que l’élu ait, sans excuse valable, refusé de remplir une des fonctions qui lui étaient dévolues par les lois. Or "si un conseiller municipal peut être amené à participer au fonctionnement d’un bureau de vote en tant qu’assesseur supplémentaire sur désignation du maire, cette fonction, qui incombe au premier chef aux électeurs du département et n’est pas inhérente à l’exercice du mandat, ne peut être regardée comme lui étant dévolue par la loi au sens de l’article L. 2121-5 du code général des collectivités territoriales".

Cour Administrative d’Appel de Versailles, 3 mars 2011, N° 10VE01999


Fonction publique

 La légalité d’une suspension de fonction est-elle remise en cause si l’administration renonce à donner des suites disciplinaires aux agissements (désinvolture et insolence) de l’agent ?

Non. Une mesure provisoire de suspension destinée à écarter temporairement un agent du service, dans l’attente d’éventuelles suites disciplinaires ou pénales peut être légalement prise dès lors que l’administration est en mesure de faire état de griefs de nature à révéler une faute grave de l’intéressé.

Si l’administration dispose d’un délai de 4 mois pour statuer sur le cas d’un fonctionnaire suspendu, rien ne l’oblige pour autant à engager des poursuites disciplinaires dans ce délai contre l’agent. L’absence de sanctions disciplinaires est sans influence sur la légalité de la suspension dès lors que le comportement de l’intéressé, compte tenu de ses répercussions sur le fonctionnement du service, justifiait une telle mesure.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 1er mars 2011, N° 10BX00414


 Un agent peut-il faire reconnaître l’imputabilité au service des conséquences d’une vaccination contre l’hépatite B si la vaccination n’était pas, pour lui, obligatoire ?

L’imputabilité au service des conséquences d’une vaccination peut-être reconnue quand bien même la vaccination n’était pas obligatoire pour l’agent concerné. Il suffit que la vaccination ait été pratiquée dans le cadre du service.

Conseil d’Etat, 4 mars 2011, N° 313369


 Les ayants cause d’un fonctionnaire disparu peuvent-ils se voir reconnaître le bénéfice des droits à pension sans aucune preuve du décès de l’agent ?

Oui mais à titre provisoire et uniquement si la disparition remonte à plus d’un an. Il résulte en effet des dispositions de l’article L. 57 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), qui dérogent, pour le droit à pension, aux articles 112 et suivants du code civil, que la disparition, depuis plus d’un an, d’un fonctionnaire civil ou militaire a pour effet de suspendre ses droits propres à pension et d’ouvrir, le cas échéant, à ses ayants cause la possibilité de se voir reconnaître à titre provisoire le bénéfice des droits à pension qu’ils détiendraient s’il était décédé.

Conseil d’État. 4 mars 2011, N° 328870


Hygiène et sécurité au travail

 L’illettrisme d’un salarié dispense-t-elle l’employeur d’assurer une formation pratique à la sécurité ?

Non. Au contraire cela doit conduire l’employeur à dispenser une formation pratique et appropriée permettant au salarié de bien intégrer les règles de sécurité relatives aux produits et équipements qu’il est appelé à utiliser. Engage ainsi sa responsabilité l’employeur qui n’a pas dispensé, sur les lieux du travail, une formation pratique et appropriée, telle qu’exigée par l’article R. 231-36 du code du travail, à un salarié illettré, sur le produit qu’il utilisait, et ne l’a informé ni de sa dangerosité en raison du caractère très inflammable de la colle, illustré par un pictogramme apposé sur le produit, ni de l’inadéquation de l’utilisation d’un chalumeau à proximité.

Cour de cassation, chambre criminelle, mardi 1 mars 2011
N° 10-83573


Marchés publics

 Les dispositions du I de l’article 52 du code des marchés publics, qui régissent la sélection des candidatures, permettent-elles au pouvoir adjudicateur de demander aux candidats de compléter la teneur de leur offre ?

Non : elles permettent seulement au pouvoir adjudicateur (qui constate que des pièces dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes) de demander à tous les candidats concernés, avant l’examen des candidatures, de compléter leur dossier de candidature. Le pouvoir adjudicateur ne peut en profiter pour demander aux candidats de compléter la teneur de leur offre.

Conseil d’État, 4 mars 2011, N° 344197


Responsabilités

 L’auteur d’une plainte avec constitution de partie civile (ici pour harcèlement moral), que les juridictions d’instruction estimerait abusive, s’expose-t-il au paiement d’une amende civile ?

Oui : l’article 212-2 du code de procédure pénale donne à la chambre de l’instruction la faculté de prononcer, sur réquisitions du procureur général, une amende civile à l’encontre d’une partie civile dont elle estime la constitution abusive. Est ainsi justifiée l’amende de 1000 euros infligée à un agent qui a tenté de dissimuler ses propres fautes (insuffisance professionnelle, mauvaise volonté manifeste, comportement négatif caractérisé par une entrave permanente au fonctionnement de l’administration) par un recours à la justice pénale sous couvert de harcèlement moral à l’encontre de son employeur.

Cour de cassation, chambre criminelle, 1 mars 2011, N° 10-84979

 Un usage disproportionné de la force au cours d’une interpellation peut-il constituer une faute personnelle de nature à engager la responsabilité civile du fonctionnaire de police ?

Oui si le policier a commis des violences présentant un caractère de brutalité sans rapport avec les nécessités de l’exercice de ses fonctions. Commet ainsi une faute personnelle de nature à engager sa responsabilité civile personnelle le fonctionnaire de police qui, au cours d’une interpellation, porte des coups particulièrement violents et totalement disproportionnés à la nécessité de l’arrestation d’un suspect [2]. Peu importe que l’agent n’ait pas agi avec malveillance, partialité ou dans un intérêt personnel.

Cour de cassation, chambre criminelle, 2 mars 2011, N° 10-81363

 Une commune peut-elle être déclarée civilement responsable des agissements de harcèlement moral commis par l’ancien maire sur un agent ?

Oui dès lors que les faits ont été commis dans l’exercice des fonctions de l’élu. Ainsi, à supposer même qu’ils puissent être qualifiés de faute personnelle, ils ne sont pas dépourvus de tout lien avec le service. A charge pour la collectivité de se retourner contre l’élu fautif en lui demandant le remboursement des sommes versées à la victime.

Tribunal administratif de Montpellier, 3 mars 2011, n°0901346


Voirie

 Un particulier qui rencontre des difficultés pour accéder à sa propriété en raison de travaux de réfection de la chaussée et des trottoirs peut-il saisir le juge des référés en invoquant une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de propriété ?

Uniquement s’il est privé de tout accès. Tel n’est pas le cas si les travaux n’engendrent qu’une simple gêne dans l’exercice de ce droit d’accès en rendant impossible le passage de certains types de véhicules.

Conseil d’État, 3 mars 2011, N° 347061


Urbanisme

 Une délégation accordée au maire en début de mandat pour l’exercice du droit de préemption suffit-elle si le conseil municipal n’a pas fixé de conditions particulières à l’exercice de cette délégation ?

Oui : un conseil municipal qui a, par une délibération prise sur le fondement des dispositions de l’article L. 2122-22 15°du code général des collectivités territoriales, délégué au maire le pouvoir d’exercer au nom de la commune le droit de préemption urbain n’est pas tenu de fixer des conditions particulières à cette délégation. Cette délibération étant suffisamment précise ne nécessite pas de nouvelle délibération du conseil municipal pour permettre à son maire d’exercer le droit de préemption au nom de la commune. En l’absence de toute délibération ultérieure rapportant cette délégation, le conseil municipal doit être regardé comme s’étant dessaisi de sa compétence.

Conseil d’État, 2 mars 2011, N° 315880

[1Photo : © Treenabeena

[2lui occasionnant ainsi deux fractures au visage et quatre fractures de côtes.