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Harcèlement moral : faute personnelle du maire, responsabilité de la collectivité ?

Tribunal administratif de Montpellier, 3 mars 2011, n°0901346

Une commune peut-elle être déclarée civilement responsable des agissements de harcèlement moral commis par l’ancien maire sur un agent ?

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Oui dès lors que les faits ont été commis dans l’exercice des fonctions de l’élu. Ainsi, à supposer même qu’ils puissent être qualifiés de faute personnelle, ils ne sont pas dépourvus de tout lien avec le service. A charge pour la collectivité de se retourner contre l’élu fautif en lui demandant le remboursement des sommes versées à la victime

Un manquement au devoir de réserve qui se paye cher

Un agent territorial d’une commune de l’Aude (300 habitants) invoque des faits de harcèlement moral par le nouvel élu issu des élections de mars 2001. Il faut dire que pendant la campagne, l’agent a imprudemment apporté son soutien à une liste concurrente.

Mauvaise pioche. Les ennuis commencent dès l’entrée en fonction du nouveau maire : réflexions désobligeantes, brimades, suppression du régime indemnitaire, divulgations d’informations médicales , non délivrance d’un matériel de sécurité, affectation à des missions ingrates...

Les arrêts de travail, consécutifs aux troubles psychologiques, se succèdent. Pour l’agent aucun doute : le nouveau maire cherche à l’écœurer pour le pousser à la démission.

"On va tout faire pour qu’il parte"

Mais en mars 2008, nouveau changement de donne : une nouvelle majorité est issue des urnes. Les langues se délient. Des agents et des élus révèlent ainsi des confidences de l’ancien maire sans équivoque : "si jusqu’à présent, il a fait semblant d’être malade, maintenant il va l’être pour de bon, on va tout faire pour qu’il parte".

Le nouvel élu, non seulement ne conteste pas les faits, mais renforce la thèse soutenue par l’agent en lui apportant son soutien.

La demande indemnitaire présentée par celui-ci s’en trouve renforcée. Sauf que celle-ci est dirigée contre la collectivité...

Faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service

La commune se défend en considérant que les agissements de l’ancien maire révèlent une intention malveillante et sont donc constitutifs d’une faute personnelle. Toute responsabilité de la commune est donc exclue et il appartient à l’agent de rechercher la responsabilité personnelle de l’ancien maire devant les juridictions judiciaires.

Le tribunal administratif de Montpellier rejette l’argument et condamne la commune à verser à l’agent 10 000 euros de dommages-intérêts.

En effet :

"la victime non fautive d’un préjudice causé par l’agent [2] d’une personne publique peut, dès lors que le comportement de cet agent n’est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette personne à réparer intégralement ce préjudice quand bien même le préjudice serait entièrement imputable à la faute personnelle commise par l’agent, laquelle par sa gravité devait être regardée comme détachable du service".

Action récursoire de la commune contre l’élu fautif

A charge pour la collectivité, comme l’y invite le tribunal, d’exercer une action récursoire contre l’élu pour obtenir le remboursement des 10 000 euros versés au fonctionnaire.

C’est l’application classique des règles de responsabilité de l’administration qui donnent à la victime d’une faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service un droit d’option. Dans une telle hypothèse, la victime peut en effet, à son choix, actionner la responsabilité de la collectivité devant les juridictions administratives ou celle de l’agent fautif devant les juridictions judiciaires.

Tribunal administratif de Montpellier, 3 mars 2011, n°0901346

[1Photo : © Elena Elisseeva

[2Ici l’élu