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La voirie et les foudres du climat

Après les dégâts causés à la voirie par les rigueurs de l’hiver, voici ceux qu’a pu engendrer la tempête Xyntia : excavations, arbres tombés sur la chaussée, panneaux de signalisation arrachés… Comment limiter de manière simple et efficace le risque de recherche en responsabilité en cas d’accident ?


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Compte-tenu de la priorité à l’aide aux sinistrés, et du fort impact budgétaire des réfections rendues nécessaires, les collectivités locales peuvent être contraintes de différer la réalisation des travaux.

Pour autant une mesure simple, et peu coûteuse, peut limiter le risque de recherche en responsabilité en cas d’accident : placer des panneaux , bien lestés pour éviter qu’ils ne se renversent trop facilement, informant les usagers des nids de poule et autres déformations de la chaussée causés par les derniers événements climatiques.

Le maire sur les routes communales (et même pour les routes départementales et nationales en agglomération) peut également prendre des arrêtés motivés limitant provisoirement la vitesse dans l’attente de la réalisation des travaux.

La jurisprudence est constante et bien établie sur ce point. Ainsi :

  l’Etat n’est pas responsable de l’accident provoqué par des excavations importantes qui se sont produites sur une route nationale à la suite de chutes de pluies violentes dès lors que le service des ponts et chaussées a, " dès qu’il fut averti de la dégradation de la chaussée, fait disposer avant la section de route incriminée deux panneaux réglementaires dont l’un indiquait " chaussée déformée " et dont l’autre interdisait aux véhicules de circuler à une vitesse excédant 30 kilomètres à l’heure " (Conseil d’Etat, 7 mars 1969, N° 71736) ;

  un département n’est pas responsable de l’accident causé à un cycliste par la présence sur la chaussée d’une excavation longue de 90 cm et profonde de 10 cm, dès lors qu’un panneau A 14 annonçait avant le lieu de l’accident "trous en formation sur 5 km" et qu’ainsi le mauvais état de la chaussée était suffisamment signalé (Conseil d’Etat, 19 octobre 1988, N° 80783) ;

 une commune n’est pas responsable de l’accident survenu à un piéton, victime d’une chute sur un trottoir dès lors que l’excavation était signalée par la pose de piquets de fer reliés entre eux par des bandes de signalisation en plastique. (Cour administrative d’appel de Douai, 12 juillet 2001, N° 99DA01127).

Inversement, engage sa responsabilité :

 la commune qui s’abstient de mettre en place un panneau provisoire d’urgence signalant la présence d’une excavation dangereuse sur une route départementale en agglomération (Cour administrative d’appel de Bordeaux , 23 novembre 1992, N° 91BX00010).

  la commune qui n’a ni signalé, ni protégé une excavation sur un trottoir ayant provoqué la chute d’un piéton (Cour Administrative d’Appel de Marseille , 13 novembre 2008, N° 06MA03121 ; Conseil d’État, 21 novembre 2006, N° 277508).

  le département qui n’a pas signalé une excavation relativement importante et entièrement recouverte d’eau de sorte qu’elle échappait à la visibilité des usagers circulant sur la route, et notamment d’un cycliste qui a, ainsi, été victime d’une chute (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 5 février 2001, N°897BX31235).

Dans un premier temps la priorité doit être donnée aux excavations d’une profondeur supérieure ou égale à 5 centimètres. En deçà il est en effet très rare que les juridictions administratives retiennent un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. Pour autant cette " règle des 5 centimètres " n’est pas absolue et il ne faut pas négliger des excavations qui pour être moins profondes, n’en sont pas moins dangereuses. Une collectivité a ainsi engagé sa responsabilité pour ne pas avoir signalé la présence d’une rainure de 3 centimètres de profondeur mais qui mesurait 15 mètres de long et 18 centimètre de large (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 16 avril 1991, N° 89BX01950).

Quant aux obstacles (ex : branches) tombés sur la chaussée, il faut signaler leur présence, voire interdire provisoirement la circulation sur la voie (là encore par arrêté motivé), s’il n’est pas possible de les enlever immédiatement. Plus le délai de réaction est long , plus le risque de recherche en responsabilité est important. Ainsi une commune ne peut être tenue responsable de l’accident provoqué à 3 heures du matin par des dégradations commises de nuit sur la chaussée dès lors que les services de la ville n’ont pas eu le temps matériel d’intervenir Voirie : à l’impossible nul n’est tenu. En revanche une commune a pu être déclarée responsable de l’accident causé par l’absence d’un panneau stop qui avait été vandalisé dès lors que la commune avait eu 48 heures pour remplacer le panneau ou pour mettre en place une signalisation provisoire Stop vandalisé : la commune responsable ?. La solution serait identique pour des dommages causés à la signalisation par la tempête ou par des obstacles transportés par le vent sur la chaussée. D’où l’intérêt de vérifier régulièrement l’état de la voirie et des panneaux de signalisation.

[1Photo : © Julien Grondin