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Accident mortel sur un viaduc référencé pour l’escalade : la commune responsable ?

Tribunal administratif d’Orléans, 24 avril 2025 : n°2203286

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La commune est-elle responsable de la chute mortelle d’un grimpeur lors d’une descente en rappel d’un viaduc référencé par plusieurs sites d’escalade ?

 
Non tranche ici le tribunal administratif d’Orléans qui considère que l’accident n’est ni imputable à un défaut d’entretien normal du viaduc, ni à une carence du maire dans l’usage de ses pouvoirs de police. Il ressort de la signalisation mise en place sur le site que le viaduc n’était pas affecté de manière générale à la pratique de l’escalade, et que cette activité était seulement autorisée dans le cadre d’organismes conventionnés. De nombreux panneaux installés sur le site rappelaient cette réglementation, laquelle ne pouvait échapper à l’attention d’un usager normalement attentif. « Peu important à cet égard que plusieurs sites internet référencent ce viaduc comme un ouvrage destiné à l’escalade ».
Le juge retient une imprudence fautive et une utilisation non-conforme de l’ouvrage comme causes exclusives de l’accident mortel. Le grimpeur, alpiniste aguerri, ne pouvait méconnaître le grave danger auquel il s’exposait en franchissant le garde-corps positionné sur la partie supérieure de l’ouvrage d’art et en fixant sa corde à un bloc de pierre scellé sur la corniche pour effectuer la descente en rappel. Le juge déboute les proches de la victime de leur requête indemnitaire.
 

Un alpiniste expérimenté fait une chute mortelle alors qu’il effectuait une descente en rappel depuis la partie supérieure d’un viaduc. La victime avait fixé sa corde à un bloc de pierre scellé sur le rebord de cet ouvrage d’art ferroviaire. Ce bloc s’est détaché sous son poids, entraînant irrémédiablement sa chute mortelle.

 
Les parents, la sœur et le frère de la victime recherchent la responsabilité de la commune en invoquant d’une part une carence fautive du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police (articles L.2212-1 et L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales) et d’autre part un défaut d’entretien normal du viaduc. Ils réclament une somme de plus de 800 000 euros en réparation des préjudices subis.

Les requérants font valoir une insuffisance de la signalisation interdisant la pratique de l’escalade, en soulignant notamment le manque de visibilité des panneaux en place. Ils reprochent également l’absence de toute signalisation spécifique relative au danger lié au risque de chute de pierres. En outre, ils relèvent que le site ne faisait l’objet d’aucune mesure de police administrative, alors même que l’ouvrage était référencé sur plusieurs sites internet comme étant un lieu dédié à la pratique de l’escalade. 
 

Une signalisation adaptée

 
Contrairement à ce que soutiennent les proches de la victime, l’accident n’est ni imputable à un défaut d’entretien normal du viaduc, ni à une carence du maire dans l’usage de ses pouvoirs de police, retient le tribunal qui relève que le site n’était pas affecté de manière générale à la pratique de l’escalade.
 
Le juge administratif s’appuie sur les photographies consignées dans le constat d’huissier lesquelles révèlent la présence :
  • d’un premier panneau de signalisation sur la première pile sur la partie basse du viaduc portant la mention « escalade interdite sauf organismes conventionnés » ; 
  •  d’une signalisation fléchée indiquant l’existence d’un mur d’escalade sur la droite ; 
  •  d’un panneau de signalisation fléchée, sur l’autre façade de la même pile, mais qui n’indiquait pas précisément l’interdiction de l’escalade à cet endroit ; 
  •  d’un second panneau d’interdiction de l’escalade au niveau Nord-Ouest du viaduc qui n’était pas visible depuis la voie publique ou par les usagers.
 
Il en ressort que l’ouvrage « n’était pas affecté de manière générale à la pratique de l’escalade, celle-ci étant seulement autorisée dans le cadre d’organismes conventionnés ».
 
Les requérants invoquaient également une carence en matière de signalisation et de sécurisation au niveau de la partie supérieure de cette ancienne voie de chemin de fer réhabilitée et aménagée pour la promenade des piétons et pour les cyclistes.

Tel n’est pas l’avis du juge.

Il est certes établi qu’aucun panneau ne signalait, sur cette portion de l’ouvrage, les risques de chutes de pierres ni l’interdiction de l’escalade. Néanmoins, l’utilisation normale de cette voie de promenade était, selon le juge, suffisamment sécurisée par la présence d’un garde-corps d’une hauteur de 110 cm.


Usage anormal du viaduc et grave faute d’imprudence de la victime


D’une part, le juge déduit de la configuration des lieux que le grimpeur, dont le véhicule était stationné à proximité immédiate du pilier supportant le panneau interdisant la pratique de l’escalade, ne pouvait ignorer l’existence de cette signalisation. 
 
Un usager normalement attentif et stationnant à cet endroit ne pouvait ignorer l’existence de ce panneau d’interdiction, peu important à cet égard que plusieurs sites internet référencent ce viaduc comme un ouvrage destiné à l’escalade ».

D’autre part, la victime a fait un usage anormal de l’ouvrage. En effet, il ressort des faits que le grimpeur a délibérément enjambé le garde-corps longeant la voie de promenade afin de fixer sa corde sur un bloc de pierre scellé sur la corniche, au lieu d’utiliser les points d’ancrage spécifiquement aménagés à d’autres emplacements de l’ouvrage pour la pratique encadrée de l’escalade. 
 
« Le bloc de pierre dont il s’agit, qui s’est descellé sous le poids de la victime, n’était pas directement accessible à un usager utilisant normalement l’ouvrage public et n’avait pas pour fonction de supporter le poids d’une personne descendant en rappel ».
 
Une signalisation spécifique du danger concernant cette partie du viaduc n’était pas nécessaire car cette partie n’était pas accessible et ne présentait intrinsèquement aucun risque.
 
L’usage anormal d’un ouvrage public constitue une cause d’exonération, partielle ou totale, pour les collectivités. Retrouvez ici des exemples concrets.

En outre, le juge souligne que la victime exerçait les fonctions de policier, était sapeur-pompier volontaire et alpiniste expérimenté, pratiquant régulièrement l’escalade. En franchissant le garde-corps pour effectuer une descente en rappel de plus de huit mètres, sans encadrement professionnel ni assurance par un tiers, le grimpeur s’est exposé à un danger manifeste. Compte tenu de sa formation, de son expérience et de sa connaissance des risques inhérents à ce type de pratique, il ne pouvait ignorer le danger.

La chute mortelle est uniquement imputable à son imprudence fautive et à l’utilisation non-conforme de l’ouvrage conclut le juge.

Enfin, le fait que la signalisation ait été renforcée ultérieurement est sans conséquence.
 
Le juge déboute donc les proches de la victime de leur requête indemnitaire tant sur le fondement du défaut d’entretien normal que sur le fondement d’une faute du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police.