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Pas de rodéo improvisé sur une borne mobile

Cour administrative d’appel de Versailles, 30 janvier 2025 : n°22VE01561

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Un très jeune enfant se blesse en jouant avec une borne escamotable : la commune engage-t-elle sa responsabilité malgré le défaut de surveillance des parents ?

 
Non, juge la cour administrative d’appel de Versailles, qui retient un usage anormal de l’ouvrage public : une borne escamotable n’est pas conçue pour s’assoir dessus et encore moins pour l’utiliser comme structure de jeu. La jeune victime s’est en effet blessée alors qu’elle s’amusait des mouvements de montée et descente inopinés de la borne, sans que ses parents n’interviennent pour le mettre en sécurité. Ce défaut de surveillance exonère la commune de toute responsabilité. Un rappel de bon sens bienvenu à l’heure où il est tentant de rechercher la responsabilité des collectivités territoriales pour tenter de s’exonérer de ses propres responsabilités ! 
 
Un enfant de 5 ans et demi se blesse aux mains en jouant avec la borne escamotable sur laquelle il était assis.
 
Lorsque cette borne automatique s’est déclenchée, l’enfant, afin de maintenir son équilibre, s’est accroché au disque supérieur de l’ouvrage lequel a poursuivi sa descente jusqu’à rétractation complète. Et les doigts de l’enfant sont restés coincés entre ce disque et la partie métallique fixe de la borne.
 
Les parents de la jeune victime recherchent la responsabilité de la commune, du concessionnaire et des constructeurs en invoquant un vice de construction et un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. Ils réclament près de 60 000 euros en réparation des préjudices subis. La cour administrative d’appel de Versailles confirme, douze ans après l’accident, le rejet de leur demande :
 
 
la borne escamotable présente, de par sa nature même, un caractère dangereux du fait de sa possible mise en mouvement.
 
Ces bornes qui permettent de contrôler et filtrer la circulation tout en préservant le droit des riverains connaissent parfois des dysfonctionnements. Ces bornes peuvent alors entraîner des dommages aux usagers de la voie publique. Une commune a par exemple été jugée responsable de la chute d’un piéton causée par le relèvement inopiné d’une borne. La présence d’un feu clignotant destiné aux automobilistes et d’une signalisation au sol, non visible la nuit, n’a pas été jugée suffisante. S’il appartient aux piétons de prendre les précautions nécessaires contre les risques que laissent normalement prévoir les signes visibles de l’existence de l’obstacle sur la voie publique, il ne peut leur être reproché de ne pas avoir deviné la présence d’un danger qui n’est pas suffisamment signalé de nuit. La signalisation devant être adaptée et visible y compris la nuit, aucune faute ne peut être opposée à la victime qui se trouvait dans une zone piétonne, estime le tribunal (Eclairage et sécurité : les bornes escamotables sous les projecteurs) [1].
 
L’usage anormal de la borne est bien caractérisé. En effet, l’enfant, assis sur la borne sous la surveillance de ses parents, s’amusait des mouvements de montée et descente inopinés relève le juge. 
 
L’usage anormal d’un ouvrage public constitue une cause d’exonération, partielle ou totale, de la collectivité. Tel est le cas lorsque l’usager (souvent un mineur qui a échappé à la surveillance de ses parents) fait un usage de l’ouvrage non conforme à sa destination. Illustrations dans notre dossier "L’utilisation anormale d’un ouvrage public comme cause d’exonération des collectivités territoriales".
 
Et ce jeu a duré plusieurs minutes selon l’attestation d’un témoin, sans que les parents n’interviennent pour y mettre fin. 
 
Certes la victime n’avait pas de discernement compte tenu de son jeune âge. Mais il appartenait précisément aux parents de réagir pour éviter que leur enfant ne se mette en danger souligne la cour administrative d’appel. Le défaut de surveillance des parents étant établi, leur imprudence exonère totalement la commune de toute responsabilité : 
 
en s’abstenant d’intervenir pour faire cesser ce jeu dangereux, les parents de la victime ont commis une imprudence qui doit être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme étant de nature à exonérer totalement la commune (...) de sa responsabilité.
 

Un rappel de bon sens bienvenu à l’heure où il est tentant de rechercher la responsabilité des collectivités territoriales pour tenter de s’exonérer de ses propres responsabilités ! 

 
 
 

[1Dans cette affaire, le dossier de la requête de la commune a été transmis au Conseil d’État car le jugement du 12 mars 2024 du tribunal administratif de Nice a été rendu en premier et dernier ressort (CAA Marseille, 29 mai 2024 : n°24MA01160) : le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les actions indemnitaires lorsque le montant des indemnités demandées dans le mémoire introductif d’instance, à l’exclusion des demandes d’intérêts et de celles qui sont présentées en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, est inférieur ou égal à 10 000 euros. Or, les conclusions présentées par la victime devant le TA de Nice tendaient au paiement par la commune de la somme de 9 740,15 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa chute.