Un piéton, circulant de nuit sur une voie semi-piétonne, chute en raison du relèvement inopiné d’une borne rétractable.
La victime recherche la responsabilité de la commune sur le fondement du défaut d’entretien normal et sollicite près de 10 000 euros en réparation de son préjudice.
Défaut d’entretien normal caractérisé
Le tribunal relève que les bornes escamotables, filtrant l’accès et la sortie des véhicules des voies publiques, en constituent des accessoires. La victime a bien la qualité d’usager de la voie semi-piétonne sur laquelle est située la borne.
Le témoignage circonstancié des amies de la victime
Les témoignages des amies qui accompagnaient la victime permettent bien d’établir l’existence d’un lien de causalité entre la chute et l’ouvrage public. Le juge précise que :
- ces attestations sont suffisamment précises et circonstanciées ;
- leur sincérité ne peut être mise en cause par leurs liens d’amitié.
Un dispositif de signalisation et de protection inapproprié au danger
Le tribunal s’appuie sur les photos versées au dossier pour considérer que le défaut d’entretien normal est caractérisé : bien que se situant au centre d’une voie piétonne, la borne n’était pas dotée d’un dispositif d’éclairage.
La signalisation de la borne n’est pas jugée suffisante pour attirer l’attention des piétons : l’unique feu clignotant est destiné aux véhicules et le marquage au sol n’est pas visible de nuit.
Ainsi :
le dispositif de signalisation et de protection mis en place n’étaient pas appropriés à la nature du danger que représentait cette borne, située sur une zone piétonne ».
Dans un autre accident similaire, il a été jugé qu’en l’absence de signalisation sonore ou visuelle adéquate, une commune devait être tenue responsable de l’accident d’un piéton causé par le relèvement d’une borne escamotable. La signalisation, constituée de grands carrés blancs peints à la base de la borne, n’a pas été jugée adéquate, le relèvement de la borne pouvant échapper à la vigilance d’un piéton empruntant ce passage. Surtout si la borne est située dans l’alingement du trottoir, à proximité immédiate d’un passage pour piétons (CAA Versailles, 01 janvier 2009 : n° 08VE01217).
Pas de faute de la victime selon le tribunal
La commune soutenait que la victime aurait dû éviter de marcher sur la borne escamotable alors que le feu clignotait.
Mais, le juge écarte l’argument.
Certes, « il appartient aux piétons de prendre les précautions nécessaires contre les risques que laissent normalement prévoir les signes visibles de l’existence de l’obstacle sur la voie publique » rappelle le tribunal administratif.
Toutefois, la présence de cette borne n’était pas spécifiquement signalée et cet obstacle n’était pas équipé d’un dispositif d’éclairage nocturne.
L’argument de la collectivité selon lequel la victime aurait pu contourner le plot qui était abaissé n’est pas jugé opérant, la chute étant survenue de nuit.
S’il appartient aux piétons de prendre les précautions nécessaires contre les risques que laissent normalement prévoir les signes visibles de l’existence de l’obstacle sur la voie publique, ainsi qu’il a été dit au point précédent, il ne résulte pas de l’instruction que la présence de la borne faisait l’objet d’une signalisation particulière et qu’elle était dotée d’un dispositif d’éclairage, notamment la nuit. Par ailleurs, la circonstance que la requérante n’ait pas contourné la borne escamotable, qui était abaissée, et alors que celle-ci se situe au milieu d’une voie piétonne, n’est pas de nature à révéler l’existence d’une faute de sa part, la chute étant survenue à une période de l’année où il faisait nuit. Ainsi, aucune faute susceptible d’exonérer la responsabilité de la commune de Nice ne peut être retenue à l’encontre de Mme D."
Aucune faute de la victime ne peut donc être retenue selon le tribunal. La commune est condamnée à lui verser près de 9000 euros en réparation de son préjudice.
En revanche, dans un autre sinistre, une faute de la victime a été retenue car la borne était située en dehors d’un passage piéton, la voie étant ouverte à la circulation lorsque cette borne était abaissée. Ainsi, en cheminant sur la chaussée en dehors du passage piéton, la victime a commis une faute de nature à exonérer la commune de de sa responsabilité à hauteur de 50%. Pour attribuer une part de responsabilité à la commune, le tribunal souligne l’absence de suivi de la fiche technique de la borne escamotable, recommandant le remplacement de certains éléments (notamment le vérin à gaz) tous les trois ans ainsi qu’une opération de maintenance préventive annuelle de 2 heures (TA Nice, 12 Mars 2024 : n° 2202507).
Par ailleurs la commune demandait à ce que la société ayant en charge l’entretien des bornes escamotables de circulation la garantisse de toute condamnation. L’appel en garantie est rejeté : « en se bornant à faire valoir que la société (...) est titulaire d’un marché relatif à maintenance et l’entretien des bornes escamotables, la commune (...) ne précise pas la consistance de la faute que cette société aurait commise dans l’exécution de ses prestations ». Un appel ayant été formé, le jugement peut être infirmé.
5 points-clés de prévention à retenir :
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Signalisation adéquate : Il est crucial d’installer une signalisation visible et compréhensible pour tous les usagers.
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Éclairage efficace : Un éclairage approprié doit être mis en place pour assurer la visibilité des bornes la nuit.
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Information des usagers : Les piétons doivent être informés des risques potentiels liés à l’utilisation des voies semi-piétonnes et des dispositifs de régulation de la circulation.
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Maintenance régulière : Un entretien régulier et suivi des équipements urbains est essentiel pour prévenir les dysfonctionnements et les accidents.
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Suivi des recommandations techniques : Les recommandations des fabricants, telles que les intervalles de maintenance et les mises à jour des équipements, doivent être suivies scrupuleusement.
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* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 intelligence (disponible sur abonnement)