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Collecte des déchets en porte à porte ou apports volontaires en points de regroupement : le maire ne peut contrer le choix de l’intercommunalité

Tribunal administratif de Poitiers, 6 février 2025 : n°2300426

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Pouvoir de police spéciale des déchets ménagers : le maire qui n’a pas transféré son pouvoir de police spéciale peut-il définir un mode de collecte des déchets sur le territoire de sa commune différent du mode de collecte défini par la communauté de communes ?

 
Non tranche ici le tribunal administratif de Poitiers en réponse à une maire qui souhaitait maintenir une collecte en porte à porte alors que la communauté de communes avait fait le choix d’une collecte en apport volontaire. UIn maire ne peut pas organiser dans sa commune un mode de collecte des déchets différent de celui déployé par la communauté de communes et ce même s’il s’est opposé au transfert de son pouvoir de police spéciale relatif aux déchets comme le prévoit l’article L.5211-9-2 du CGCT. En effet "il appartient au conseil communautaire de régler par ses délibérations les affaires de l’établissement public et, en particulier, de prendre les mesures d’organisation du service public affectant la consistance du service offert aux usagers et relatives aux modalités de sa délivrance, en particulier concernant le choix du mode de collecte et la fréquence des collectes ".
 
En 2021, une communauté de communes des Deux-Sèvres déploie sur son territoire un nouveau mode de collecte des ordures ménagères. Selon le nouveau règlement de collecte les ordures ménagères et les emballages recyclables sont collectés en « point de collecte en regroupement ». Ainsi, le ramassage des ordures ménagères ne se fait plus en porte à porte mais en point de collecte par bacs collectifs pour la collecte des ordures ménagères et les emballages recyclables, et en point d’apport volontaire pour la collecte du verre et des papiers.
 
Une maire d’une commune membre fait de la résistance : elle fixe , pour sa commune, une réglementation de collecte des déchets ménagers différente de celle de la communauté de communes en maintenant le porte à porte une fois par semaine.
 
Elle utilise à cette fin son pouvoir de police spéciale des déchets dont elle avait refusé le transfert au président de la communauté de communes, comme l’y autorise l’article L.5211-9-2 du CGCT.
 
La communauté de communes conteste l’arrêté portant règlementation de la collecte des déchets et porte l’affaire devant le tribunal administratif de Poitiers. Elle soutient que la maire a outrepassé son pouvoir de police spéciale non transféré. Le tribunal lui donne raison dans un jugement signalé par Me Eric Landot sur son blog (Le fait qu’un maire dispose des pouvoirs de police spéciale en matière de collecte de déchets ne lui confère pas la capacité de choisir entre collecte des déchets en porte à porte ou en point d’apport volontaire). 
 

Rappel du cadre juridique applicable au transfert des pouvoirs de police de collecte des déchets

 
Aux termes de l’article L.5214-16 5° du Code général des collectivités territoriales les communautés de communes exercent la compétence obligatoire concernant la collecte et le traitement des déchets ménagers.
 
Lorsqu’un groupement de collectivités est compétent en matière de collecte des déchets ménagers, les maires des communes membres de celui-ci ou membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre transfèrent au président de l’établissement public de coopération intercommunale leur pouvoir de police spéciale relatif aux déchets.

Il s’agit d’un transfert automatique sauf opposition du maire dans les six mois qui suivent la date à laquelle la compétence a été transférée et également dans les six mois qui suivent l’élection du président de l’établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales (article L.5211-9-2 III du code général des collectivités territoriales).
 
Le pouvoir de police du maire en matière de réglementation des déchets ménagers est défini à l’article L.2224-16 du CGCT :
 
« Le maire définit les règles relatives à la collecte des déchets collectés en application des articles L. 2224-13 et L. 2224-14 en fonction de leurs caractéristiques. Il impose les modalités de collecte séparée, y compris le cas échéant la présentation et le lieu de collecte, au minimum pour les déchets suivants :1° Les déchets de papier, de verre, de métal et de plastique ; 2° Les déchets de fractions minérales, de bois et de plâtre pour les déchets de construction et de démolition ; 3° Les déchets de textiles et les déchets dangereux, à compter du 1er janvier 2025. Il impose également les modalités de collecte séparée, y compris le cas échéant la présentation et le lieu de collecte, pour les biodéchets remis au service public local, conformément à l’article L. 541-21-1 du code de l’environnement ». 

Et l’article R.2224-26 du CGCT précise que le détenteur du pouvoir de police spéciale en matière de déchets fixe, après avis de l’organe délibérant, « les modalités de collecte des différentes catégories de déchets ».
 
En l’espèce, la maire a refusé, dans les délais prévus, de transférer son pouvoir de police spéciale à la communauté de communes compétente en matière de collecte et traitement des déchets ménagers. Usant de son pouvoir de police spéciale non transféré la maire a organisé sur sa commune un mode de collecte des déchets ménagers en contradiction avec la réglementation de collecte fixée par la communauté de communes.
 

Le maire peut-il prononcer une astreinte journalière pour contraindre un particulier à évacuer des objets hétéroclites et usagés entreposés sur son terrain même s’ils ne sont pas visibles depuis la voie publique et si l’intéressé prétend ne pas vouloir s’en défaire ?

Oui : l’exercice des pouvoirs de la police spéciale des déchets

(article L.5413-3 du code de l’environnement) n’est pas conditionné par la visibilité des déchets depuis la voie publique. Les objets hétéroclites usagés en question ( le fameux "ça-peut-toujours-servir") sont bien des déchets au sens de la loi confirme le Conseil d’Etat. En effet "un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement (...) est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu". Pour fonder son appréciation le juge prend en compte "le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable". Et le Conseil d’Etat d’ajouter : "Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain". Ainsi "lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet".

 
 


Le conseil communautaire seul compétent pour prendre les mesures d’organisation du service public de collecte

Le tribunal relève qu’il résulte de la décision de la maire la coexistence sur le même territoire intercommunal de deux modes de collecte différents :
  •  une collecte assurée en porte à porte sur la commune conformément à l’arrêté pris par la maire au titre de son pouvoir de police non transféré ;
  •  une collecte en points de regroupement (ou points d’apport volontaire ) grâce aux bacs de regroupement disposés sur l’ensemble du territoire selon le règlement de la communauté de communes.
Ce qui est contraire à la répartition des règles de compétences. En effet : 
 
 il appartient au conseil communautaire de régler par ses délibérations les affaires de l’établissement public et, en particulier, de prendre les mesures d’organisation du service public affectant la consistance du service offert aux usagers et relatives aux modalités de sa délivrance, en particulier concernant le choix du mode de collecte et la fréquence des collectes ».
La définition du mode de collecte des déchets relève des missions de service public dévolues à la communauté de communes. Par conséquent, le règlement de collecte de la commune empiète irrégulièrement sur le règlement intercommunal.
 

L’apport volontaire possible sous conditions par dérogation au principe du porte à porte

 
A l’appui de son règlement la commune s’appuyait sur les dispositions de l’article R.2224-24 du CGCT qui pose le principe de la collecte en porte à porte : les ordures ménagères sont collectées au moins une fois par semaine en porte à porte dans les zones agglomérées groupant plus de 2000 habitants. 
 
C’est oublier, répond le juge, que le ramassage en porte à porte peut être remplacé par une collecte par apport volontaire (article R.2224-24 IV du CGCT). Sous réserves cependant d’offrir un niveau de qualité de service à la personne et un niveau de protection de la salubrité publique et de l’environnement équivalents à ceux de la collecte en porte à porte.
 
Or, en l’espèce, la commune n’a pas contesté le principe de collecte par regroupement en invoquant la baisse des niveaux de protection de la salubrité et de la qualité de service relève le tribunal.
 
Et le juge de conclure qu’il n’appartenait pas à la maire au titre de son pouvoir de police spéciale, même non transféré, de réglementer le mode de collecte des déchets ménagers.
 
Les dispositions du règlement communal fixant les modes de collecte des ordures ménagères et du tri sélectif sont donc entachées d’incompétence. Le règlement est annulé en tant seulement qu’il prévoit que les ordures ménagères résiduelles et les emballages ménagers recyclables sont collectés une fois par semaine en porte-à-porte.