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Désordres causés à une propriété par des racines d’arbres

Tribunal administratif de Bordeaux, 4 Février 2025 : n° 2300815

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Une commune peut-elle être tenue responsable des dommages causés à une propriété par les racines de souches d’arbres implantés sur la voirie et non retirées lors de travaux effectués par une métropole ?

 
Oui répond le tribunal administratif de Bordeaux qui retient la responsabilité sans faute de la commune en charge de l’entretien des espaces verts. Certes, la métropole est maître d’ouvrage de la voirie. Et lors des travaux d’agrandissement de la chaussée réalisés en 1999 par cette intercommunalité, les souches des arbres abattus n’ont pas été enlevées en méconnaissance des règles de l’art. Mais, la commune, en tant que responsable de l’entretien des espaces verts et du mobilier urbain au titre d’une convention conclue en 2016 avec la structure intercommunale, aurait dû procéder à l’arrachage de ces souches et à la taille des rejets. Sa responsabilité peut être recherchée au même titre que celle de la métropole. Et le juge accueille l’appel en garantie. Ainsi la commune est condamnée à garantir intégralement la métropole. En effet, à la date d’apparition des dommages la commune était bien seule responsable des plantations, de l’entretien, de la taille, de l’élagage des arbres, et de leur abattage si nécessaire.
 
Des racines provenant de souches d’arbres implantés sur une voie publique d’une commune de Gironde dégradent la clôture et le portillon délimitant la parcelle d’un couple de riverains.

Les propriétaires signalent en vain ces problèmes à la commune par plusieurs courriers en 2018 et 2019. Ils recherchent la responsabilité solidaire de la métropole, compétente en matière de voirie, et de la commune, chargée par convention de l’entretien des espaces verts, sur le fondement de la responsabilité sans faute. Ils réclament 32 700 euros au titre des travaux de reprise de leur propriété et 5000 euros au titre du préjudice de jouissance.
 

Responsabilité solidaire de la commune et de la métropole


Le maître d’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement.
 
La poussée racinaire provient de souches situées au droit de la propriété des requérants. Et ces souches sont présentes sur la bande végétalisée qui constitue un accessoire de la voirie.

La commune soutient que seule la responsabilité de la métropole peut être recherchée car le dommage trouve son origine dans des travaux d’élargissement de la chaussée conduit par la structure intercommunale en 1999, et au cours desquels des arbres ont été abattus sans que les souches au droit de la propriété ne soient arrachées.

Tel n’est pas l’avis du juge qui retient la responsabilité solidaire de la collectivité et de la structure intercommunale : certes la métropole est bien le maître d’ouvrage de la voirie, mais, la commune est responsable de l’entretien des espaces verts et du mobilier urbain au titre d’une convention conclue en 2016 avec la structure intercommunale.
 
L’argument tenant à l’absence de neutralisation des racines des arbres lors des travaux réalisés en 1999 ne peut donc pas être opposé retient le juge.
 

Attention aux possibles pertes d’exploitation 

La cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai, 23 janvier 2025 : n°23DA00884) condamne un département à indemniser les exploitants d’une boulangerie en raison des désordres causés à l’immeuble occupé en vertu d’un bail commercial. Les désordres (d’importantes fissures) sont consécutifs à un phénomène de dessiccation des sols directement lié à la présence d’un peuplier d’Italie implanté, à proximité, sur le parking d’un collège. La présence des racines de cet arbre sous les fondations de l’immeuble avait été constatée au cours de l’expertise. Le montant total des pertes d’exploitation imputable au dommage de travaux publics a été évalué à 89 319,28 euros (le juge déduit ensuite de cette somme celle de 65 000 euros versée à titre provisionnel, soit une somme restant à verser s’élevant à 24 319,28 euros).
 

Condamnation de la commune à garantir la métropole...


A la date d’apparition du dommage, la commune était responsable des plantations, de l’entretien, de la taille, de l’élagage des arbres, et de leur abattage si nécessaire.
 
 La taille régulière des rejets issus des souches et l’enlèvement de souches d’arbres et d’arbustes, qui aurait permis d’éviter le dommage, certes laissées en méconnaissance des règles de l’art par les auteurs de leur abattage en 1999, incombe ainsi à la commune ».

La commune est condamnée à garantir intégralement la métropole.

Le juge condamne la collectivité à une somme de 4785 euros correspondant à la reprise de la clôture et à la réfection du portillon. Le préjudice de jouissance n’est pas établi.
 

… et à procéder à l’enlèvement des souches


Le juge dispose d’un pouvoir d’injonction dans le contentieux des dommages de travaux publics.
Pour user de ce pouvoir d’injonction, le juge doit constater une abstention fautive de la personne publique et la persistance du comportement fautif et du préjudice subi à la date à laquelle il se prononce.
 
 Lorsqu’il met à la charge de la personne publique la réparation d’un préjudice grave et spécial imputable à la présence ou au fonctionnement d’un ouvrage public, il ne peut user d’un tel pouvoir d’injonction que si le requérant fait également état, à l’appui de ses conclusions à fin d’injonction, de ce que la poursuite de ce préjudice, ainsi réparé sur le terrain de la responsabilité sans faute du maître de l’ouvrage, trouve sa cause au moins pour partie dans une faute du propriétaire de l’ouvrage ».

Le tribunal constate qu’à la date du jugement le dommage subi par les requérants perdure. En charge de l’entretien des espaces verts, l’abstention de la commune est fautive.

Le juge fait droit à la demande des requérants et enjoint à la commune de procéder à la taille des rejets, à l’arrache des souches ou à toute autre méthode de nature à mettre fin au dommage, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
 
 

La connaissance du risque par la victime peut exonérer la collectivité 

Le juge en a jugé ainsi concernant des désordres subis par les canalisations alimentant une maison à raison du développement racinaire d’un cèdre implanté sur la voie publique à proximité de la parcelle des requérants. Une fissuration du mur de clôture avait été également constatée. L’arbre incriminé était déjà planté lors de la construction de la maison des époux. Par conséquent, ces derniers pouvaient avoir raisonnablement connaissance, à la date à laquelle ils ont fait édifier la maison, de l’existence d’un risque résultant de la proximité de l’arbre, notamment du risque de développement racinaire. Le juge retient la faute de la victime à hauteur de 30 % (TA Montpellier, 8 Janvier 2025 : n° 2204551). 
La connaissance du risque a également été retenue pour exonérer totalement une commune en raison des dommages causés à des propriétaires par des racines d’arbres centenaires situés dans un parc communal. Le juge retient l’antériorité du parc communal sur l’édification de la maison et l’implantation de la piscine. En effet la présence de ces arbres adultes de haute tige, à proximité immédiate de la maison aurait dû alerter les propriétaires sur les risques inhérents à cette proximité (Dommages causés à des propriétaires par des racines d’arbres centenaires situés dans un parc communal : la commune responsable ?).