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Dommages causés à des propriétaires par des racines d’arbres centenaires situés dans un parc communal : la commune responsable ?

Cour administrative d’appel de Toulouse, 21 février 2023 : n°21TL03343

Une commune est-elle responsable des dommages causés au dallage d’une piscine par les racines d’arbres centenaires implantés dans un parc communal ?

Non tranche la cour administrative d’appel de Toulouse car le propriétaire s’est exposé en connaissance de cause au risque : en effet, à la date à laquelle il a exécuté les travaux de dallage sur sa propriété, le requérant ne pouvait ignorer les inconvénients résultant de la proximité des platanes et notamment le risque présenté par leur développement racinaire.
Par conséquent, le dommage, qui présente le caractère d’un dommage non accidentel, ne peut être qualifié d’anormal en raison de l’antériorité de l’ouvrage public. La responsabilité sans faute de la commune est écartée.

Des racines de platanes centenaires implantés dans un parc municipal jouxtant une maison d’habitation se sont infiltrées dans le terrain du requérant et ont dégradé le dallage de la piscine.

Le propriétaire demande au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à lui verser une somme d’un peu plus de 12000 euros en réparation du préjudice subi.

Le tribunal fait droit à la demande. Tel n’est pas l’avis de la cour administrative d’appel de Toulouse laquelle accueille l’appel de la commune et annule le jugement.

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La connaissance du risque exonère la commune

S’appuyant sur le rapport d’expertise de l’assureur du propriétaire, le juge constate que les dégradations affectant le dallage de la piscine ont bien été causées par l’introduction sur le terrain du requérant de racines des platanes dans le parc communal lequel jouxte la propriété. Le propriétaire, en sa qualité de tiers à l’ouvrage public, est donc fondé à rechercher la responsabilité sans faute de la commune.

Mais, la cour administrative d’appel retient l’argument en défense de la commune : l’antériorité du parc communal sur l’édification de la maison et l’implantation de la piscine. En effet la présence de ces arbres adultes de haute tige, à proximité immédiate de la maison aurait dû alerter les propriétaires sur les risques inhérents à cette proximité.

« Lorsqu’il est soutenu qu’une partie s’est exposée en connaissance de cause au risque dont la réalisation a causé les dommages dont elle demande réparation au titre de la présence d’un ouvrage public, il appartient au juge d’apprécier s’il résulte de l’instruction, d’une part, que des éléments révélant l’existence d’un tel risque existaient à la date à laquelle cette partie est réputée s’y être exposée et, d’autre part, que la partie en cause avait connaissance de ces éléments et était à cette date en mesure d’en déduire qu’elle s’exposait à un tel risque, du fait de la présence d’un ouvrage public, que ce risque ait été d’ores et déjà constitué ou raisonnablement prévisible ».

Le juge d’appel souligne ainsi qu’à la date des travaux de dallage effectués sur sa propriété, le propriétaire ne pouvait ignorer les inconvénients résultant de la proximité des platanes et notamment le risque présenté par leur développement racinaire.

Et le juge de conclure que le dommage, « qui a le caractère d’un dommage non accidentel, ne peut être qualifié d’anormal en raison de l’antériorité de l’ouvrage public ».

Par conséquent, il ne peut être indemnisé sur le fondement du régime de responsabilité sans faute pour dommages non accidentels subis par les tiers du fait de la présence d’un ouvrage public [1].

En revanche, dans une autre affaire, une commune a été déclarée entièrement responsable des désordres causés à une propriété par la présence de drageons et de rejets de faux-acacias en provenance du domaine public à la suite de l’abattage de ces arbres et en raison de la dégradation du mur de clôture du fait du développement d’un frêne implanté sur le domaine public. Il n’était pas établi que la société requérante aurait eu connaissance, à la date d’acquisition de sa propriété, des risques auxquels elle était exposée à raison du développement de rejets et drageons de faux acacias sur son terrain en provenance des souches persistant après l’abattage [2].

La connaissance des risques a également été écartée s’agissant de dommages causés par le développement du système racinaire d’un cèdre de fort diamètre implanté à proximité de la maison des requérants (fissurations importantes sur les bordures de clôture et au niveau des dalles en béton couvrant la cour, affaissement de certaines dalles…). Le cèdre existait déjà à la date à laquelle les requérants ont acquis leur pavillon, mais l’apparition des premiers désordres est survenue bien des années plus tard [3].

Cour administrative d’appel de Toulouse, 21 février 2023 : n°21TL03343

[1Sur la distinction dommage permanent/dommage accidentel de travaux publics le Conseil d’État a apporté des précisions (CE, 10 avril 2019 : n°411961 ; CE, 8 février 2022 : n°453105) : « Le maître de l’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. (…). Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage n’est pas inhérent à l’existence même de l’ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel ».

[2CE, 18 mars 2019 : n°411462

[3TA Versailles, 7 février 2020 : n°1504719