Chute d’un rejet de souche dans un parc communal : des opérations de fauchage et d’élagage périodiques régulièrement réalisées dans le parc suffisent-elles à prouver l’entretien normal de l’ouvrage public ?
Non répond le juge qui retient ici un manquement aux règles de l’art sylvicole et aux règles élémentaires de sécurité. La coupe initiale de l’arbre (un érable) avait été mal réalisée et la souche non purgée. Cette erreur a pu favoriser le développement d’un rejet sans assise suffisante. Et ce rejet n’a pas été entretenu alors qu’il présentait des risques en raison de sa fragilité structurelle. Le juge insiste également sur le fait que ce rejet de souche n’est pas isolé. En effet, le rapport de l’expert sylvicole mentionne l’existence d’autres rejets dangereux et la présence de nombreux arbres en suspension « tenus grâce à l’entremêlement des branches de leurs voisins ou quasiment déracinés maintenus en appui sur un tronc ». Le défaut d’entretien normal est caractérisé. La commune est donc jugée responsable des graves blessures d’un enfant victime de la chute de ce rejet de souche mort qui menaçait de tomber à tout moment. Peu importe ajoute le tribunal que l’enfant jouait avec des camarades sans la surveillance d’un adulte : en effet "le fait de se tenir sous un arbre dans un espace boisé ouvert au public ne révèle (...) pas un comportement imprudent ou anormal dans un parc public, que la présence d’un adulte aurait pu prévenir ou faire cesser".
Alors qu’il joue avec des camarades dans l’espace boisé d’un parc communal, un enfant âgé de 12 ans est grièvement blessé
[1] par la chute d’une branche de 300 kg. L’accident est dû à la rupture d’un rejet de souche d’un érable sycomore. Ce rejet mesure 8 mètres de hauteur et présente un diamètre de 27 cm.
La victime recherche la responsabilité de la commune pour défaut d’entretien normal des arbres du parc et réclame plus de 88 000 euros en réparation de ses préjudices.
Défaut d’entretien normal
Le juge s’appuie principalement sur le rapport d’expertise sylvicole pour examiner en détail les raisons ayant conduit à la rupture de ce rejet de souche. Le rejet de souche avait perdu toute alimentation en sève à cause du dessèchement de la souche, qui était également fortement endommagée par des parasites et des champignons destructeurs. En raison de la faible pluviométrie des saisons estivales précédant l’accident, le rejet n’a pas pu maintenir une circulation suffisante pour nourrir le bras dominant et son houppier.
Cette branche est restée en place pendant de nombreux mois, menaçant de tomber à tout moment sous l’effet d’une rafale de vent ou de la gravitation.
« C’est bien le défaut de structure de l’édifice avec un poids important en suspension sur une longue portée de tige en levier reposant sur une ancienne souche dépérie aux trois quarts par le travail de digestion des saprobiontes, qui par un travail de sape a fini, progressivement par étape, sous l’action conjuguée du vent, puisque plusieurs rafales notables se sont produites à plusieurs reprises antérieurement en amont, puis dans un délai très proche du 21 au 24 juillet 2014 et l’effet de gravitation, par causer la chute de cette partie de l’érable mort » avait constaté l’expert.
Le juge retient une erreur dans la coupe initiale de l’érable. En effet, la souche n’a pas été purgée, ce qui a favorisé le développement d’un rejet sans assise suffisante. De plus, ce rejet, dépourvu de viabilité, n’a pas été entretenu alors qu’il présentait des risques en raison de sa fragilité structurelle.
La commune souligne que des opérations de fauchage et d’élagage périodiques étaient régulièrement réalisées dans le parc. Mais, cela n’est pas suffisant, estime le juge, qui retient du rapport de l’expert :
- la présence d’une autre souche supportant un rejet exposé à un risque de dépérissement ;
- l’existence d’un sujet de 9 mètres et 90 cm de diamètre au tronc complétement rongé et incliné ;
- la présence, sur la partie en pente du parc, de nombreux arbres en suspension « tenus grâce à l’entremêlement des branches de leurs voisins ou quasiment déracinés maintenus en appui sur un tronc » ;
- des coupes sporadiques anciennes et techniquement mal réalisées produisant un risque supplémentaires de sujets dégénérés sans assise ».
Le manquement aux règles de l’art sylvicoles et aux règles de élémentaires de sécurité dans un parc d’agrément est ainsi caractérisé. Et le juge de conclure que la commune n’apporte pas la preuve de l’entretien normal du parc. Sa responsabilité dans l’accident est donc engagée.
Chute d’une branche dans un parc municipal : la commune est-elle de plein droit responsable ?
Non dès lors que l’arbre ne présentait pas de signe extérieur rendant prévisible la rupture de la branche. Un champignon parasite, le « massaria platini », avait certes fragilisé la branche du platane jusqu’à ce qu’elle cède sous sous propre poids. Mais, l’infection n’était apparente que sur une petite zone supérieure de la branche principale. À part cette infection, l’arbre semblait sain dans son ensemble. De plus, moins d’un an avant l’accident, les services municipaux avaient inspecté l’arbre sans détecter de signes de dépérissement ou de mort. La responsabilité de la collectivité peut être engagée si la chute résulte d’un défaut d’entretien normal et était prévisible, par exemple si l’arbre présentait une inclinaison marquée, un enracinement défectueux ou des signes extérieurs de dépérissement. Les services municipaux doivent donc surveiller et réagir promptement aux indices de fragilité des arbres, surtout dans les régions où le climat favorise le développement de champignons pathogènes (Cour administrative d’appel de Paris, 23 mai 2024 : n° 23PA02759)
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Les services compétents doivent être attentifs et réactifs aux signes de fragilité des arbres particulièrement si le climat de la région est propice au développement de champignons pathogènes (
Tribunal administratif de Montpellier, 21 décembre 2012, N° 1104916). La responsabilité de l’administration pourra être engagée si des signes extérieurs de dépérissement de l’arbre ou de la branche pouvaient alerter les services compétents, notamment en présence de lésions graves et apparentes (CE, 25 novembre 1987 : n°83315).
Pas de faute de l’enfant qui jouait avec ses camarades dans le parc
Pour s’exonérer partiellement de sa responsabilité, la commune invoquait un défaut de surveillance de l’enfant qui n’était pas accompagné d’adultes. L’argument est écarté par le juge :
« Le fait de se tenir sous un arbre dans un espace boisé ouvert au public ne révèle toutefois pas un comportement imprudent ou anormal dans un parc public, que la présence d’un adulte aurait pu prévenir ou faire cesser » répond le juge.
En outre il ne résulte pas de l’instruction que l’enfant "ait délibérément cherché à provoquer la chute de ce rejet dans la cadre d’un jeu collectif, ni que l’accident se soit produit dans un espace du parc (...) qui n’était pas ouvert au public, ni que le parc ait été fermé au public en raison de l’intensité du vent".
Cette dernière observation du tribunal rappelle la nécessité d’être réactif pour ordonner la fermeture des parcs en cas d’alerte annonçant des vents violents. Il a cependant été jugé qu’une alerte de vigilance de niveau jaune ne constituait que le premier degré d’alerte et que le risque n’était pas suffisant pour contraindre le maire à interdire l’accès aux parcs de la ville en l’absence de constations de conditions climatiques particulières sur la commune avant que le niveau d’alerte ne soit rehaussé (
Cour administrative d’appel de Bordeaux 19 janvier 2016 N° 14BX00336).
L’enfant était accompagné d’autres enfants le jour de l’accident. Cependant, le juge estime qu’il n’a pas intentionnellement provoqué la chute de la branche dans le cadre d’un jeu collectif. Ainsi, la commune n’est pas fondée à soutenir que la victime, ou la personne qui en était responsable à l’époque de l’accident, a commis une faute de nature à l’exonérer partiellement de sa responsabilité.
La commune est condamnée à verser à la victime une somme de 22 997 euros et à rembourser à la Cpam une somme d’un peu plus de 7000 euros.
Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé