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Maison d’habitation fragilisée par les inondations : pouvoirs de police du maire sous conditions

Conseil d’État, 2 janvier 2024, n° 460272

Le maire peut-il mettre en demeure des propriétaires de réaliser des travaux de réparation sur leur maison fragilisée par des crues ?

 
Potentiellement oui mais encore faut-il que la commune puisse démontrer l’existence d’un danger grave et imminent pour la sécurité publique. En effet lorsque la cause du sinistre est externe à l’immeuble (comme c’est le cas lors d’une catastrophe naturelle) le maire ne peut pas faire usage de la procédure de péril prévue par le code de la construction et de l’habitation mais il doit mettre en œuvre son pouvoir de police générale qu’il tient du code général des collectivités territoriales, lequel suppose la caractérisation d’un danger grave et imminent. Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce, dès lors que l’arrêté municipal ne décrivait pas l’état de l’immeuble de nature à justifier une telle mesure. 
 
 
En juin 2018, un maire met en demeure des propriétaires d’une maison d’habitation fragilisée par des crues survenues quatre ans plus tôt, d’effectuer dans un délai de trois mois " les travaux pris en charge par leur assurance " sur le fondement des articles L2212-2 et L2212-4 du code général des collectivités territoriales. En effet selon le 1er alinéa de ce dernier article :
 
 
En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances."
Les propriétaires contestent l’arrêté municipal et obtiennent gain de cause, devant le tribunal administratif, ce que confirment la cour administrative d’appel de Marseille puis le Conseil d’Etat.
 
En effet l’arrêté litigieux, approuve le Conseil d’Etat, ne permettait pas d’établir l’existence d’un danger grave et imminent de nature à justifier l’injonction prononcée, faute de décrire l’état de l’immeuble en cause :
 
en estimant que l’arrêté en litige ne permettait pas d’établir l’existence d’un danger grave et imminent de nature à justifier l’injonction prononcée, au motif que, faute de décrire l’état de l’immeuble en cause, cet arrêté ne précisait ni même ne mentionnait l’existence d’un danger pour la sécurité publique, la cour administrative d’appel a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation".
 
Le maire ne peut faire usage de son pouvoir de police spéciale relatif aux immeubles menaçant ruine (laquelle inclut la sécurité des habitants de l’immeuble) en engageant la procédure de péril prévue par le code de la construction et de l’habitation (articles L511-1 et suivants), que si la cause du sinistre, est interne à l’immeuble (exemple : défaut d’entretien). En revanche si, comme en l’espèce, la cause du danger est extérieure à l’immeuble (inondation, éboulement de terrain...), alors le maire ne peut faire usage que de son pouvoir de police générale qui suppose la caractérisation d’un danger grave et imminent. Lorsque la commune a exécuté d’office les travaux à la place du propriétaire défaillant dans le cadre d’une procédure de péril (code de la construction et de l’habitation), il a été jugé qu’elle pouvait se retourner contre l’assureur multirisque habitation de l’intéressé. Mais pour les seuls travaux commandés par la nécessité d’assurer la sécurité des immeubles et du domaine public et sous réserve que le contrat d’assurance ne contienne pas d’exclusion spécifique (Cass civ, 2è 10 novembre 2005, n° 04-12496).
 
Lorsqu’un danger est identifié, une carence dans l’exercice du pouvoir de police peut conduire à engager la responsabilité de la commune, voire la responsabilité pénale du maire. Un maire a ainsi été condamné pour blessures involontaires après l’effondrement d’un mur d’un bâtiment désaffecté, connu pour être en très mauvais état, sur une véranda mitoyenne où se tenait une fête familiale, blessant plusieurs personnes dont un enfant grièvement. Le maire a été reconnu coupable de blessures involontaires, faute pour lui d’avoir pris un arrêté de péril alors qu’il avait été alerté du mauvais état de l’immeuble. Les négligences des propriétaires qui n’ont pas correctement entretenu leur bien n’exonèrent pas l’élu de ses propres responsabilités : en n’engageant pas de procédure de péril, l’élu a en effet commis une faute qui exposait les riverains à un danger qu’il ne pouvait ignorer (Tribunal correctionnel de Valenciennes, 15 avril 2015, n° 875/2014).