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Nids d’oiseaux dans les combles d’un immeuble ayant favorisé la reprise de feu : la responsabilité du SDIS exonérée pour moitié

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 26 septembre 2023 : n°21BX04263

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La responsabilité d’un SDIS après un contrôle défaillant des combles peut-elle être atténuée par la propre négligence des propriétaires dans l’entretien de leur immeuble, la présence de nids d’oiseaux sous la toiture ayant favorisé la reprise du feu ?

Oui, si le SDIS a commis une faute à l’origine de la reprise du feu en s’abstenant de vérifier les combles, dans lesquels s’est déclaré un nouvel incendie environ deux heures après le départ des sapeurs-pompiers, le défaut d’entretien de l’immeuble a lui même contribué au sinistre justifiant un partage de responsabilité à hauteur de 50 %. En effet la présence dans ces combles de nids d’oiseaux qui se sont enflammés « a substantiellement concouru à la reprise de feu ».

 

 

Aux alentours de 8h du matin un incendie se déclare à proximité immédiate d’une maison d’habitation. Deux agents municipaux de passage parviennent à maîtriser rapidement l’incendie avant l’arrivée du SDIS.

Une fois sur place, les sapeurs-pompiers accomplissent certaines diligences mais ne procèdent pas à l’examen des combles de l’immeuble.

 

Un nouvel incendie se déclare environ deux heures après leur départ précisément dans les combles.

Les victimes et leur assureur recherchent la responsabilité du SDIS estimant que les pompiers ont commis une faute ayant permis la reprise du feu. Ils réclament un peu plus de 25 000 euros.

 

En défense, le SDIS soutient qu’il n’a commis aucune faute dès lors que la reprise de feu était imprévisible : ni la dépose des tuiles, ni l’examen des combles n’auraient permis de l’éviter.

 

La cour administrative d’appel de Bordeaux retient la responsabilité pour faute du SDIS mais estime que la faute commise par les occupants de l’immeuble (défaut d’entretien des combles) est de nature à exonérer le SDIS de sa responsabilité à hauteur de 50 %.

Faute du SDIS...

Pour retenir la responsabilité du SDIS, le juge administratif s’appuie sur le rapport de l’expert judiciaire.

Selon ce rapport, l’incendie ayant endommagé la maison du couple résulte « du développement d’un foyer qui a couvé sous la charpente ». Il s’agit d’une reprise de feu rendue possible par « l’infiltration de fumées chaudes issues de la combustion d’un sapin situé à proximité immédiate de la toiture dans les combles perdus de l’immeuble, à la faveur de la déformation, sous l’effet de la chaleur, des plaques de PVC situées sous l’avant-toit ».

 

En procédant à la dépose des plaques de PVC, les pompiers auraient dû relever la forte exposition à la chaleur et la déformation de ces plaques (déformation ayant permis à cette chaleur de se propager dans les combles de l’immeuble).

 

De plus, les agents du SDIS se sont abstenus, avant de quitter les lieux, de procéder à deux opérations importantes qui auraient « probablement » empêché la reprise du feu selon le rapport :
 la reconnaissance des combles accessibles depuis l’appartement [1] ;

 et la dépose des tuiles dans l’axe de l’avant-toit sinistré.

Par conséquent, le SDIS a commis une faute [2] de nature à engager sa responsabilité :

« en s’abstenant de procéder à l’examen des combles qu’il leur appartenait d’effectuer pour l’accomplissement de la mission de prévention, de protection et de lutte contre les incendies confiée au SDIS en application des dispositions des articles L.1424-2 et L. 1424-8 du code général des collectivités territoriales, les sapeurs-pompiers de ce service ont commis une faute à l’origine du dommage ».
 
Une commune peut être tenue d’indemniser les habitants d’une maison sinistrée par un incendie après une reprise de feu imputable au service départemental d’incendie et de secours. En effet, en application des dispositions de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, le soin de prévenir et de combattre les incendies relève du pouvoir de police du maire. Les communes sont par ailleurs civilement responsables des dommages qui résultent de l’exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l’agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage. A défaut, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage (Cour administrative d’appel de Douai, 11 décembre 2013, N° 12DA01301)

...et des propriétaires

Cependant, la reprise de feu a également été rendue possible par « la présence, dans ces combles et sous les tuiles, d’anciens nids d’oiseaux qui se sont enflammés ».

 

Une réfection de la toiture de l’immeuble a eu lieu trois ans avant l’incendie. Lors de cette réfection, un dispositif ne permettant plus l’accès des oiseaux a été installé.

 

Le juge en conclut que la présence des nids d’oiseaux était donc nécessairement antérieure à la réfection de la toiture et que cette présence a contribué à la reprise de feu.

 

Ce défaut d’entretien des combles imputable aux occupants de l’immeuble caractérise une faute exonérant le SDIS de sa responsabilité à hauteur de 50 %.

 

Compte tenu du partage, le SDIS est condamné à verser à l’assureur des requérants une indemnité de 12897,27 euros.

[1Les pompiers s’étaient introduits dans l’une des habitations mitoyennes en cassant une vitre, ils étaient en mesure de procéder à l’examen de ces combles, l’accès étant rendu aisé par la présence d’une trappe vitrée équipée d’une poignée.

[2Une faute simple suffit à engager la responsabilité du SDIS CE, 29 avril 1998 : n°164012