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Sasha Freemind sur Unsplash

Absence d’hospitalisation d’office d’une personne signalée comme étant atteinte de schizophrénie et responsabilité de la commune

Tribunal administratif de Toulouse, 4 juillet 2023 : n°2003150

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Décès d’une personne atteinte de schizophrénie : l’absence d’hospitalisation d’office malgré un signalement peut-elle être de nature à engager la responsabilité de la commune ?

 
Potentiellement oui mais encore faut-il, rappelle le tribunal administratif de Toulouse, que la mesure ait été justifiée par un danger imminent attesté par un avis médical. En effet, si l’article L.3213-2 du code de la santé publique autorise le maire à prendre une mesure d’hospitalisation d’office en urgence, c’est à la condition qu’il existe un danger imminent pour la sûreté des personnes attesté par un avis médical. La carence fautive du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police n’est pas ici jugée établie en l’absence de certificat médical. En outre des infirmières s’étaient rendues au domicile de la personne sans relever d’éléments susceptibles d’orienter vers une hospitalisation sous contrainte en l’absence de gravité, dangerosité et de rupture de contact.

 

Une personne est diagnostiquée schizophrène en 2003. Elle est suivie par le centre médico psychologique, unité ambulatoire du pôle de psychiatrie d’un centre hospitalier, pour un traitement d’accompagnement de la schizophrénie et la régulation de troubles bipolaires. Elle est hospitalisée à plusieurs reprises au cours de l’année 2016.

 

Le 11 octobre 2016, ses voisins signalent à la police municipale son état de santé dégradé. Une procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers est alors envisagée. Mais la procédure n’est finalement pas exécutée, à la suite du déplacement au domicile de l’intéressée d’infirmières du centre médico-psychologique les 12 et 14 octobre 2016 qui souligne l’absence de gravité, dangerosité et de rupture de contact, nécessaires à une hospitalisation.

 

Quelques jours plus tard, le 17 octobre 2016, la patiente est retrouvée morte à son domicile.

 

La mère de la défunte recherche alors la responsabilité du centre médico psychologique pour adultes et de la commune, estimant que les fautes commises dans la prise en charge de sa fille ont compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’empêcher une aggravation. Elle réclame une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Une compétence du maire

Le juge rappelle que le maire dispose d’une compétence de police administrative pour prendre en urgence des mesures adaptées provisoires à l’égard des personnes atteintes de troubles mentaux en cas de danger imminent.

En effet, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical motivé, l’article L.3213-2 du code de la santé publique (CSP) autorise le maire en vertu de ses pouvoirs de police, à prendre des mesures provisoires à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes.

Il s’agit d’une procédure d’urgence. La décision d’hospitalisation est prise à titre provisoire et il appartient ensuite au préfet (qui est informé de cette mesure dans les vingt-quatre heures) de statuer sans délai et de prononcer s’il y a lieu un arrêté en admission en soins psychiatriques :

« En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l’article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l’Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d’une durée de quarante-huit heures ».

En outre, il résulte de l’article L2212-2 6° du code général des collectivités territoriales que la police municipale comprend notamment « le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l’état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ».

 

S’agissant d’une mesure de police individuelle restrictive de liberté, la décision d’hospitalisation sans consentement est soumise aux exigences de motivation conformément aux dispositions de l’article L.211-2,1° du code des relations entre le public et l’administration. Il en résulte que si le maire peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un avis médical, c’est à la condition de s’en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision (Cour cassation, chambre civile 1, 29 septembre 2021, n°20-14611).

 

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Pas de responsabilité de la commune

Une faute simple suffit pour engager la responsabilité de la commune [1].

La maman de la défunte reproche au maire de s’être abstenu d’ordonner l’hospitalisation provisoire de sa fille souffrant de troubles mentaux. Elle soutient qu’une procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers avait été envisagée et que le maire lui avait demandé de lui adresser une demande d’hospitalisation. En défense, la commune objecte qu’aucune mesure provisoire d’hospitalisation d’office n’avait pu être mise en place dès lors que le danger imminent n’avait pu être constaté. Or l’intervention du maire doit être justifiée par un danger imminent attesté par un avis médical.

 

Le tribunal administratif écarte toute responsabilité de la commune en s’appuyant sur :
 l’absence d’avis médical ;
 une lettre du centre hospitalier relatant que dans les jours précédents le décès, des infirmières s’étaient rendues au domicile de la personne sans relever d’éléments susceptibles d’orienter vers une hospitalisation sous contrainte en l’absence de gravité, dangerosité et de rupture de contact, nécessaires à une hospitalisation.

 
 

Le juge estime que le danger imminent n’a pu être constaté. Par conséquent, la carence alléguée du maire à ordonner une hospitalisation provisoire n’est pas établie.

 

La responsabilité du centre hospitalier est également écartée en l’absence de faute dans la prise en charge. La nécessité d’une hospitalisation sous contrainte en psychiatrie n’a été relevée ni par le service des urgences, ni par le cadre du centre médico psychologique lequel s’était rendu au domicile de l’intéressée le lendemain de son admission aux urgences, ni par les infirmières lors des visites à domicile quelques jours avant le décès. Et « la requérante n’établit pas qu’elle aurait communiqué deux certificats médicaux attestant que les conditions d’une hospitalisation sous contrainte seraient remplies. »

 
* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 intelligence (disponible sur abonnement)

[1CE, 14 avril 1999 : n°194462