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Conflit d’intérêts détecté en cours d’examen des offres : un motif d’intérêt général justifiant l’abandon de la procédure

Cour administrative d’appel de Marseille, 19 juin 2023, n° 21MA02899

Une collectivité peut-elle déclarer sans suite une procédure de marché public si une situation de conflit d’intérêts est détectée en cours d’examen des offres ?

Oui et ce sans dédommagement pour les candidats. En effet, souligne la cour administrative d’appel, « un candidat à l’attribution d’un contrat public ne peut prétendre à une indemnisation de son manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général. Constitue, notamment, un tel motif d’intérêt général, l’existence d’une irrégularité dans la procédure de passation, de nature à compromettre la validité du contrat finalement conclu. » L’existence même d’un conflit d’intérêts qui n’avait pas été détecté lors du lancement de la procédure, ne suffit pas à établir l’existence d’une faute de la collectivité de nature à engager sa responsabilité, la collectivité ayant pris soin de faire signer signer à l’intéressée une déclaration d’intérêts. C’est donc à bon droit qu’une région refuse de dédommager un candidat à un marché public qui a été abandonné consécutivement à la détection d’un conflit d’intérêts concernant un membre du jury.

 

Une région lance une procédure d’attribution, suivant la procédure de dialogue compétitif, d’un marché public global de performance portant sur la conception, la construction, l’exploitation et la maintenance d’une cité scolaire. Un jury est chargé d’examiner les prestations des candidats, de les auditionner et de formuler un avis motivé sur la base duquel le marché serait attribué. Trois groupements sont admis à participer à ce dialogue compétitif.

 

En cours de procédure, un risque de conflit d’intérêts est identifié entre un membre de ce jury et une société candidate.

 

En effet une membre du jury est déléguée générale salariée d’une association dont la présidente exerce par ailleurs les fonctions de chef de projet " bâtiment et développement durable " au sein d’une société membre de l’un des groupements qui s’est porté candidat.

 

La région décide en conséquence de déclarer sans suite la procédure de passation ainsi engagée.

Une société appartenant à l’un des groupements qui s’était porté candidat demande un dédommagement de plus d’un million d’euros correspondant au manque à gagner qu’elle estime avoir subi du fait de cette déclaration sans suite.

 

Le tribunal administratif rejette la demande, ce que confirme la cour administrative d’appel :

« Un candidat à l’attribution d’un contrat public ne peut prétendre à une indemnisation de son manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général. Constitue, notamment, un tel motif d’intérêt général, l’existence d’une irrégularité dans la procédure de passation, de nature à compromettre la validité du contrat finalement conclu. »

Or la participation de l’intéressée était susceptible d’entacher d’irrégularité la procédure de passation du marché.

 

Invoquant ce motif d’intérêt général, la région pouvait, en application des dispositions de l’article 98 du décret du 25 mars 2016, décider de déclarer la procédure sans suite en relançant une nouvelle procédure d’attribution.

 
 

La cour administrative d’appel souligne que la région a été diligente :
 il n’est pas établi que la région aurait eu connaissance de la situation de conflit d’intérêts dès le stade de l’examen des candidatures , alors même qu’à ce stade, si elle siégeait au conseil d’administration de l’association, l’intéressée n’en était pas encore devenue la présidente ;

 en faisant signer à l’intéressée une déclaration d’intérêts, la région a pris des mesures suffisantes pour garantir l’impartialité de la procédure.

 

Et les juges de conclure que la société requérante « n’établit donc pas, en tout état de cause, que la région aurait commis une faute en ne garantissant pas l’impartialité de la procédure au moment de cet examen, une telle faute ne pouvant résulter de l’existence même du conflit d’intérêts. »