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Marchés publics : lutte contre les conflits d’intérêts et libre accès des candidats à la commande publique

Conseil d’État, 9 mai 2012, N° 355756

La circonstance qu’une conseillère municipale entretienne des liens étroits avec une entreprise candidate à un marché public justifie-il le rejet, par principe, de l’offre de cette société ?

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Non dès lors que l’élue intéressée ne siège pas à la commission d’appel d’offres et n’exerce aucune influence ni dans la définition des besoins de la collectivité, ni dans le choix du candidat. Porte ainsi atteinte au principe de libre accès des candidats à la commande publique, une commune qui rejette par principe, et sans examen, l’offre d’une entreprise au motif que la conseillère municipale déléguée à l’urbanisme est la sœur du président de cette société dont elle est par ailleurs actionnaire.
 

Une commune francilienne (70 000 habitants) lance une procédure d’appels d’offres ouvert pour la passation d’un marché de travaux portant sur l’amélioration de son réseau d’eau potable. Elle rejette, sans examen, l’offre d’une société en raison des liens entretenus par une conseillère municipale déléguée aux permis de construire avec ladite entreprise.

 

Il se trouve en effet que l’élue est non seulement actionnaire de la société, mais également sœur du président du conseil d’administration ; ce qui peut être gênant au regard des dispositions de l’article 432-12 du code pénal réprimant la prise illégale d’intérêts.

 

L’entreprise écartée refusant d’être sacrifiée sur l’autel de la lutte contre les conflits d’intérêts, demande en référé l’annulation de la procédure. Le juge des référés lui donne raison, ce qu’approuve le Conseil d’Etat dans un arrêt publié au recueil Lebon.

 

En effet l’élue intéressée n’a fait que participer à la délibération du conseil municipal autorisant le lancement de la procédure de passation du marché.

 

Or "à ce stade de la délibération, la procédure n’avait pas encore été organisée et les soumissionnaires n’étaient pas connus".

 

Par la suite, l’élue n’a ni siégé à la commission d’appel d’offres, ni pris part dans le choix de l’entreprise attributaire.

 
Ainsi "s’agissant de travaux habituels dont l’utilité n’était pas contestée et sur la définition et le lancement desquels il n’est pas allégué que l’intéressée aurait exercé une influence particulière", les liens invoqués "n’étaient pas susceptibles de faire naître un doute sur l’impartialité du pouvoir adjudicateur". En éliminant, par principe, l’offre de l’entreprise requérante, la commune a ainsi "méconnu le principe de libre accès à la commande publique et manqué à ses obligations de mise en concurrence".
 

[1Photo : Dmitriy K