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Chute nocturne aux abords non éclairés d’une salle des fêtes : imprudence de la victime ou responsabilité de la commune ?

Tribunal administratif de Nantes, 3 janvier 2023, n°2004912

Chute de nuit aux abords non éclairés d’une salle des fêtes : la commune peut-elle être tenue pour responsable alors que la fête était finie depuis plus d’une heure et que la victime se trouvait dans un endroit isolé à l’opposé de la sortie ?

Non, tranche ici le tribunal administratif de Nantes, soulignant que la chute est en l’espèce exclusivement imputable à l’imprudence de la victime. En effet, malgré l’absence de garde-corps autour de l’excavation l’accident a pour seule origine l’imprudence de l’usager lequel a commis une faute « en circulant seul aux abords de la salle communale, sans motif apparent compte tenu de l’heure d’achèvement de la soirée festive et sans faire usage en tout état de cause des circuits d’accès à la salle des fêtes, alors que la configuration des lieux et l’obscurité auraient dû l’inciter à faire preuve d’une vigilance particulière ».

En sortant , vers 4h30, d’une salle des fêtes communale, un homme chute en raison de la présence d’un dénivelé situé à l’arrière de la salle. La fête à laquelle il participait était finie depuis plus d’une heure.

Soutenant que sa chute est due à l’absence de garde-corps de l’excavation ainsi qu’à l’absence d’éclairage, l’intéressé recherche la responsabilité de la commune sur les fondements du défaut d’entretien normal de l’ouvrage public et de la carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police (article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales).

Il réclame un peu plus de 38 000 euros en réparation de son préjudice corporel. La caisse d’assurance maladie demande plus de 21 000 euros au titre de ses débours.

La qualité d’usager et le lien de causalité ne soulevaient pas de difficultés : la victime est bien un usager de l’ouvrage public communal constitué par les espaces extérieurs de la salle des fêtes, le lien causal entre la chute et l’aménagement des espaces extérieurs de la salle est établi.

🙋‍♀️Une commune est-elle responsable de l’accident d’un enfant qui s’est blessé, au cours d’un diner dansant, en jouant avec une guirlande accrochée au mur de la salle des fêtes ?

Le juge examine d’une manière détaillée les faits constitutifs d’une faute de la victime dont se prévaut la commune.

Le juge relève que l’accident s’est produit une heure et demi après la fin de la soirée festive. Or, le requérant n’établit pas pour quelle raison il se trouvait à l’arrière de la salle, endroit dépourvu d’éclairages extérieurs compte tenu de l’heure (éclairages éteints), plus d’une heure après l’achèvement de la fête (seuls les organisateurs étaient restés pour procéder au rangement de la salle).

De plus, l’endroit de la chute se trouve « à l’opposé de la sortie du complexe communal accueillant la salle des fêtes » et ne jouxte aucune place de stationnement. Quoi qu’il en soit l’usager ne soutient pas qu’il cherchait à récupérer un véhicule.

🔎Excavations : "la règle des 5 cm"


Il est de jurisprudence constante que l’excavation constitue un danger contre lequel l’usager ne peut être en mesure de se prémunir lorsque celle-ci dépasse 5 cm de profondeur.
En deçà de 5 cm de profondeur il est rare que les juridictions administratives retiennent un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public. Pour une dénivellation d’un diamètre de dix centimètres et d’une profondeur inférieure à 5 centimètres (CAA Marseille, 11 juin 2020 : n°19MA00317).
Pour autant cette " règle des 5 centimètres " n’est pas absolue et il ne faut pas négliger des excavations qui pour être moins profondes, n’en sont pas moins dangereuses. Une collectivité a ainsi engagé sa responsabilité pour ne pas avoir signalé la présence d’une rainure de 3 centimètres de profondeur mais qui mesurait 15 mètres de long et 18 centimètre de large (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 16 avril 1991, N° 89BX01950).

Le juge retient également l’absence de témoins de la chute de sorte que l’accident n’a pas nécessairement eu lieu à l’endroit indiqué par la victime (au niveau haut du terrain) mais aurait pu tout aussi bien se produire lors de la descente des marches menant à un accès arrière de la salle des fêtes où se trouvent les vestiaires.

Le juge en conclut que malgré l’absence de garde-corps autour de l’excavation l’accident a pour seule origine l’imprudence de l’usager lequel a commis une faute « en circulant seul aux abords de la salle communale, sans motif apparent compte tenu de l’heure d’achèvement de la soirée festive et sans faire usage en tout état de cause des circuits d’accès à la salle des fêtes, alors que la configuration des lieux et l’obscurité auraient dû l’inciter à faire preuve d’une vigilance particulière ».

Par conséquent cette imprudence fautive est en tout état de cause de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité.

💥 La faute de la victime : cause d’exonération totale ou partielle de responsabilité


Dans d’autres circonstances le juge a laissé à la charge de la commune la moitié des conséquences dommageables de l’accident dont a été victime un usager en quittant une salle des fêtes : l’usager avait emprunté une rampe d’accès réservée aux personnes en situation de handicap dépourvue de garde-corps. Le défaut d’entretien normal est caractérisé mais la victime a commis une imprudence en s’engageant de nuit, sans précaution, sur la rampe desservie par l’issue de secours qui était mal éclairée [1].

Dans une autre affaire, le juge a retenu une exonération totale de la responsabilité de la collectivité [2] : en circulant de nuit sur un chemin piétonnier un piéton avait chuté en butant sur le muret de la rampe d’accès pour les personnes à mobilité réduite (absence de lampadaires fixés au sol). Outre l’absence d’éclairage, le juge retient également l’absence de dispositif de protection ou d’information relative à la présence d’un dénivelé important. Mais la victime fréquentait régulièrement la maison des associations et connaissait donc la configuration des lieux. ¨Par conséquent elle « aurait dû, se déplaçant de nuit sans avoir préalablement cherché à éclairer son chemin, faire preuve d’une vigilance particulière ».

Tribunal administratif de Nantes, 3 janvier 2023, n°2004912 (PDF)*

*Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé sur Lexis360 (disponible sur abonnement)

[1CAA Lyon, 5 décembre 2007 : n°04LY01747

[2CAA Douai, 12 mars 2020 : n° 18DA01400