Retrouvez un résumé des décisions de la justice pénale recensées par l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale & associative. Certaines ont été (très) médiatisées, d’autres moins mais sont tout aussi instructives.
💥 Les jugements et arrêts recensés ne sont pas tous définitifs. Ils peuvent donc être infirmés en appel ou annulés en cassation. Jusqu’à l’expiration des voies de recours, les personnes poursuivies bénéficient toujours de la présomption d’innocence.
En attendant l’open data des décisions de justice, nous sommes tributaires des retours dans la presse, notamment locale, de certaines affaires évoquées dans cette rubrique. Malgré le sérieux et le professionnalisme des journalistes, des imprécisions sur la nature exacte des faits reprochés, des qualifications retenues et des moyens de défense invoqués ne sont pas à exclure.
Le but de cette rubrique n’est pas de jeter le discrédit sur les acteurs de la vie territoriale et associative qui, comme le démontrent nos chiffres, sont intègres et diligents dans leur très grande majorité. Il s’agit de recenser et résumer les décisions de justice, en respectant l’anonymat des personnes impliquées, pour attirer l’attention des acteurs publics locaux et associatifs sur les risques juridiques encourus dans l’exercice de leurs fonctions et leur permettre de dégager des axes de prévention pertinents dans leurs pratiques quotidiennes.
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Les symboles ❌ ou ✅ ne constituent pas un jugement de valeur mais sont de simples repères visuels permettant au lecteur d’identifier plus facilement l’issue favorable (✅) ou défavorable (❌) de la procédure pour les personnes mises en cause.
✅ Tribunal correctionnel de Nice, novembre 2022*
Relaxe d’une conseillère municipale d’opposition (commune de moins de 3500 habitants) poursuivie pour diffamation sur plainte du maire après la diffusion d’un tract où elle dénonçait une "campagne indigne", "ponctuée de mensonges". Le maire est condamné à lui verser 1500 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
*Date précise du jugement non déterminée
❌ Tribunal correctionnel de Tulle, 3 novembre 2022
Condamnation d’un ancien adjoint au maire en qualité de président d’une association de réinsertion par le travail pour détournement de fonds et escroquerie aggravée par sa qualité de personne chargée d’une mission de service public. Il lui est reproché d’avoir détourné plus de 42 000 € de son association entre novembre 2017 et décembre 2021. L’association a été créée par neuf communes qui assuraient une présidence tournante de la structure financée par la région, le département et du mécénat privé. A la faveur d’un changement de président, le nouveau responsable avait été avisé par des employés de l’association des agissements de son prédécesseur. Faute de trouver un arrangement amiable, il avait déposé plainte. Le mis en cause avait accès aux comptes bancaires et se faisait des virements réguliers au titre de prétendus frais de déplacement. Or, en sa qualité de salarié d’une société privée, c’est cette dernière qui prenait en charge ses frais en mettant à sa disposition un véhicule de fonction et remboursant ses notes de carburant. Le tribunal le condamne à une peine de trois ans d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire. Il prononce également une inéligibilité et une interdiction d’exercer toute fonction publique durant cinq ans. Au civil, le prévenu devra intégralement réparer le préjudice subi par l’association.
❌ Tribunal correctionnel de Bobigny, 3 novembre 2022
Condamnations d’un maire et d’une adjointe (commune de plus de 10 000 habitants) respectivement pour menaces, violences ou intimidations et outrages envers plusieurs policiers. En avril 2021, des policiers encadraient l’enlèvement par un fouriériste de véhicules ventouses. L’opération avait dégénéré au moment de déplacer un véhicule utilisé pour un trafic de drogue. Les policiers avaient dû appeler des renforts et utiliser du gaz lacrymogène contre plusieurs individus. Cinq personnes avaient été interpellées. Le compagnon et le fils de l’adjointe avaient été pris à partie par la police. L’adjointe aurait alors injurié un officier en le menaçant de le "faire tomber". Le maire, arrivé sur place, aurait tenté d’empêcher une interpellation en tirant les vêtements d’un agent et en lui disant « L’autorité, c’est moi ! ». Le tribunal les condamne à trois mois d’emprisonnement avec sursis.
❌ Tribunal correctionnel de Libourne, 8 novembre 2022
Condamnation d’un adjoint au maire (commune de moins de 2000 habitants) pour prise illégale d’intérêts. Une pharmacienne avait déposé plainte contre lui estimant qu’il n’aurait pas dû participer au débat et encore moins être rapporteur, voter et participer au dépouillement d’une délibération liée à la vente d’un terrain municipal sur lequel une maison de santé était en projet. En effet, infirmier de profession, l’élu envisageait de rejoindre ladite maison de santé et la parcelle avait été convoitée quatre ans plus tôt par la pharmacienne pour un projet similaire. Ayant dû déménager vers un autre terrain, moins bien placé, elle estime que sa SCI a souffert d’une perte de chance de 10 000 € et sollicite un préjudice moral de 8 000 €. Pour sa défense l’élu souligne que s’il avait envisagé un temps d’incorporer la maison de santé, il n’avait pas donné suite soulignant qu’il n’y a eu aucun engagement contractuel, ni aucune demande de prêt bancaire. Le tribunal le déclare tout de même coupable et le condamne à 1 500 € d’amende et à un an d’inéligibilité. Il devra également verser 3000 € à la plaignante au titre des dommages et intérêts.
❌ Cour d’appel de Nouméa, 8 novembre 2022
Condamnations d’un maire et d’un ancien maire (commune de plus de 10 000 habitants) pour obtention de suffrages à l’aide de dons ou de promesses lors des élections municipales de 2014. Il leur est reproché d’avoir distribué des enveloppes d’argent liquide allant de 200 à 10 000 € et d’avoir promis des postes à des personnes influentes en échange d’appel à voter en leur faveur. La cour d’appel confirme le jugement de première instance et les condamne à deux ans d’emprisonnement avec un an de sursis, cinq ans d’inéligibilité et à une amende d’un million de Francs pour l’ancien maire et à un an d’emprisonnement avec sursis, trois ans d’inéligibilité et à une amende d’un million de francs pour l’actuel maire.
❌ Cour de cassation, chambre criminelle, 9 novembre 2022
Annulation d’un arrêt de cour d’appel retenant la nullité de la procédure engagée pour corruption passive et trafic d’influence au regard du délai déraisonnable de la procédure qui avait été engagée en... 2001. Entre temps le principal protagoniste de l’affaire (maire d’une commune de plus de 10 000 habitants et président d’un syndicat mixte) est décédé et les prévenus sont aujourd’hui très âgés (certains sont centenaires) et n’ont plus toutes leurs facultés cognitives, les privant ainsi de leur « capacité à se défendre pleinement » et portant ainsi « atteinte au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire, à l’équilibre des droits des parties ainsi qu’au droit de la défense ». Sur le fond, était en cause un marché public relatif au chauffage géré par un syndicat intercommunal d’un quartier d’affaires. Selon l’accusation, le président du syndicat intercommunal aurait été corrompu, gratifié de quelque 770 000 euros pour faciliter l’attribution du marché au groupement de sociétés dans lequel les principaux prévenus, dont un ancien conseiller municipal, auraient eu des intérêts. De plus, l’appel d’offres aurait été élaboré de manière à éliminer les concurrents du candidat retenu. Cinq prévenus, ex-chefs d’entreprise, étaient accusés d’avoir faussé l’attribution du marché. La Cour de cassation censure l’arrêt au motif que « la méconnaissance du délai raisonnable et ses éventuelles conséquences sur les droits de la défense sont sans incidence sur la validité des procédures. Par conséquent, la juridiction de jugement qui constate le caractère excessif de la durée de la procédure ne peut se dispenser d’examiner l’affaire sur le fond ». Trois principes doivent guider le juge en pareilles circonstances souligne la Cour de cassation :
1° Apprécier la valeur probante des éléments de preuve qui lui sont soumis et sont débattus contradictoirement. Le juge doit, à ce titre, prendre en considération l’éventuel dépérissement des preuves imputable au temps écoulé depuis la date des faits, et l’impossibilité qui pourrait en résulter, pour les parties, d’en discuter la valeur et la portée.
2° Lorsqu’il constate que l’état mental ou physique du prévenu rend durablement impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant d’exercer sa défense, le juge peut, d’office ou à la demande des parties, décider, après avoir ordonné une expertise permettant de constater cette impossibilité, qu’il sera tenu une audience pour statuer uniquement sur l’action civile, après avoir constaté la suspension de l’action publique et sursis à statuer sur celle-ci.
3° Dans le cadre de l’application des critères de l’article 132-1 du code pénal, le juge peut déterminer la nature, le quantum et le régime des peines qu’il prononce en prenant en compte les éventuelles conséquences du dépassement du délai raisonnable et, le cas échéant, prononcer une dispense de peine s’il constate que les conditions de l’article 132-59 du code pénal sont remplies.Il appartiendra à la cour d’appel de renvoi de rejuger l’affaire conformément à ces principes.
❌ Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, 10 novembre 2022
Condamnation de l’ancien secrétaire général d’une association cultuelle pour abus de confiance. Un membre du conseil d’administration avait émis des doutes sur la sincérité des comptes et avait demandé accès à ceux-ci. Sans succès. Il avait alors saisi le juge des référés pour qu’un expert judiciaire comptable soit nommé. Les doutes s’avèrent fondés : dans cette comptabilité très peu de reçus notamment concernant les dons de fidèles lors des fêtes religieuses ou les quêtes effectuées. Un grand flou aussi au niveau des différents virements bancaires effectués par les responsables de l’association. Par ailleurs il est constaté un écart de comptabilité important entre la SCI propriétaire du lieu de culte, et l’association. Un loyer de 2500 euros versé par l’association à la SCI, ainsi que des travaux annoncés qui ne se réalisent pas malgré des dons, interpellent également. Le tribunal condamne l’ancien secrétaire général à neuf mois d’emprisonnement avec sursis et interdiction d’exercer des responsabilités au sein d’associations.
❌ Cour d’appel de Grenoble, 10 novembre 2022
Condamnation d’un maire (commune de plus de 10 000 habitants) pour prise illégale d’intérêts. Il lui est reproché d’avoir signé en 2018 le renouvellement du bail de sa fille pour un logement communal d’urgence qui lui avait attribué en 2016 sur décision du CCAS et d’une adjointe. Pour sa défense l’élu soulignait que sa fille avait été traitée comme toute autre famille dans le même cas (en séparation familiale, avec deux enfants en bas âge), sans aucune différence de traitement et payait régulièrement son loyer au même niveau que les autres locataires et que c’est le CCAS qui avait pris la décision sans aucune pression. Il observait également que ce n’est pas l’attribution du logement qui lui était reproché (il s’était tenu à l’écart de la procédure d’attribution) mais le fait d’avoir paraphé le renouvellement du bail en lieu et place de l’adjointe en charge de la cohésion sociale, en congé au moment de la signature. D’ordinaire c’était l’adjointe qui signait mais cette fois-là, l’adjointe étant en congés, s’il ne signait pas, sa fille se serait retrouvée sans logement soutient l’élu. L’avocate générale dénonce pour sa part un manque de transparence. La cour d’appel confirme la condamnation de l’élu à 2000 euros d’amende et à deux ans inéligibilité. L’élu se pourvoit en cassation.
❌ Cour d’appel de Paris, 10 novembre 2022
Condamnation d’un maire (commune de plus de 10 000 habitants) pour diffamation sur plainte de son prédécesseur. Sur la page Facebook de la commune, le nouveau maire avait publié un communiqué où il dénonçait des emplois de complaisance dans l’ancienne majorité et demandait des comptes. Pour sa défense le maire plaidait la bonne foi en s’appuyant sur un rapport produit par un cabinet extérieur au moment de son entrée en fonction. Mais le document produit n’est pas daté. La cour d’appel estime que la diffamation est bien caractérisée : « si les propos litigieux ont été tenus par un adversaire politique, ils excèdent les limites admissibles à la liberté d’expression compte tenu de la gravité des imputations, de la faiblesse de la base factuelle et du manque de mesure dans l’expression ». L’avocat du plaignant a en revanche abandonné les poursuites contre la première adjointe qui était également poursuivie pour des accusations similaires portées lors d’un conseil municipal. L’avocat du plaignant explique cette décision au motif qu’il s’agissait de propos spontanés, dans le cadre d’un débat démocratique. A la différence, souligne-t-il, du message posté par le maire sur la page de la mairie. Le maire est condamné à verser 1500 euros à la partie civile. Il a formé un pourvoi en cassation.
❌ Tribunal correctionnel de Béziers, 14 novembre 2022
Condamnation d’un maire (commune de moins de 500 habitants) pour prise illégale d’intérêts, détournement de biens publics et concussion sur dénonciation d’un conseiller municipal. L’enquête a permis d’établir que le maire avait personnellement signé en 2016 un arrêté de non-opposition à une déclaration préalable de travaux en faveur d’un fils, ainsi qu’un arrêté accordant un permis de construire à un autre enfant. Il lui est également reproché d’avoir sciemment omis de faire encaisser deux chèques à l’ordre de la commune pour un total de plus de 6.600 euros émis par l’un de ses fils dans le cadre de son projet de construction mais aussi de s’être abstenu de faire procéder à la rétrocession au profit de la commune d’une partie du terrain de son autre enfant, comme cela était pourtant prévu par la convention de projet urbain. Le tribunal le condamne à un an d’emprisonnement avec sursis, 5.000 euros d’amende et à cinq ans d’inéligibilité.
❌ Cour d’appel de Caen, 14 novembre 2022
Condamnation d’un maire (commune de moins de 2000 habitants) et ancien président d’un EPCI pour concussion. L’enquête avait été diligentée à la suite de l’envoi d’un courrier anonyme adressé au parquet. Il lui était reproché d’avoir continué à percevoir son traitement dans la fonction publique, le parquet estimant que ses mandats ne lui permettaient pas d’effectuer ses heures de travail même à mi-temps et évaluant à un peu plus de 2000 heures le nombre d’heures indument payées en trois ans. Pour sa défense l’élu objectait avoir bénéficié de facilités horaires et avoir toujours fait son temps de travail mais avec des horaires parfois très décalés. Il avait par ailleurs produit des justificatifs d’absence. En première instance il avait été relaxé, en appel il est condamné à 30 000 euros d’amende, la cour d’appel estimant que les témoignages sont concordants (plusieurs témoins indiquant qu’il ne venait travailler que deux jours par semaine) et que l’obligation de badger souligne ses absences et démontre qu’il n’était pas présent dans le service.
❌ Tribunal correctionnel de Grasse, 15 novembre 2022
Condamnation d’une maire (commune de moins de 3500 habitants) pour recel du produit du travail dissimulé. Il est reproché des irrégularités dans la vente de terrains effectuée par son ex-mari, à une époque au cours de laquelle elle n’était pas encore maire. Le couple avait acheté deux terrains nus, et agricoles avant de les revendre sous forme de lotissement découpé en une vingtaine de logements. La justice estime que cette opération, réalisée en tant que particuliers, relevait d’une activité de marchand de biens. L’élue est condamnée à six mois d’emprisonnement avec sursis et à 5.000 euros d’amende.
❌ Tribunal correctionnel de Perpignan, 15 novembre 2022
Condamnation de l’ancien président d’une association pour abus de confiance. Une enquête avait été diligentée à la suite d’un signalement de Tracfin qui avait repéré des transferts suspects sur les comptes de la structure associative chargée du volet amateur d’un club sportif. Si l’ancien président a été relaxé pour faux et usage de faux concernant l’émission et l’utilisation d’une fausse facture, il a été reconnu coupable de tous les autres délits au préjudice de l’association. Parmi eux, le fait d’avoir ponctionné deux chèques d’un montant total de plus de 40 000 € sur les fonds de l’association pour les verser sur ses comptes. Le prévenu soutenait qu’il s’agissait d’un remboursement. Il lui est également reproché d’avoir encaissé un autre chèque de 7 200 euros et un virement de 8 000 euros de l’association sur les comptes de sa holding. Il est condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 euros, et à verser 3840 euros de dommages-intérêts à l’association.
✅ Cour d’appel d’Orléans, 15 novembre 2022
Relaxe d’une élue locale (conseillère régionale, conseillère municipale d’une commune de plus de 10 000 habitants) poursuivie pourrecel d’abus de confiance. Il lui était reproché d’avoir bénéficié des détournements commis par son ex-mari qui avait profité de sa qualité de directeur d’une association (dont l’objet est d’aider les jeunes en situation de handicap) pour détourner à son profit, via un système de fausses factures, 24 chèques pour un montant total de 350 000 €. Condamné à trois ans d’emprisonnement dont 12 mois avec sursis, l’ancien directeur de l’association n’avait pas relevé appel du jugement. Pour sa part, l’élue se défendait en soutenant qu’elle n’avait eu aucune conscience de ces mouvements de fonds. Sans convaincre le tribunal qui l’avait condamnée à 18 mois d’emprisonnement avec sursis, et à cinq ans d’inéligibilité. Les juges d’appel la relaxent soulignant "la personnalité hautement manipulatrice" de son ex-mari qui exerçait "une certaine emprise sur son épouse" et qui avait "la mainmise sur le budget commun". Les juges d’appel estiment ainsi que l’élue a pu "être réellement trompée sur l’endettement du couple et sur la façon dont il a été résolu". Le parquet général, qui avait requis une peine d’emprisonnement ferme, a formé un pourvoi en cassation.
❌ Cour de cassation, chambre criminelle, 15 novembre 2022
Condamnation d’un ancien maire (commune de moins de 5000 habitants) pour harcèlement moral sur plainte de la directrice générale des services (DGS). La plaignante a expliqué que les faits ont débuté lorsqu’elle a refusé de donner carte blanche à un proche du maire, qui n’avait aucun titre au sein de la mairie, pour la gestion d’un dossier dont les contours n’étaient pas arrêtés. Son opposition ferme à ce projet immobilier lui a valu selon elle des brimades répétées. La DGS, en arrêt maladie depuis 2017, reproche ainsi au maire de l’avoir dénigrée publiquement, d’avoir incité les agents à se mettre en grève, de lui avoir imposé des délais intenables... Pour sa défense l’élu contestait tout harcèlement et expliquait avoir fait le tampon entre les agents et la DGS, et fait son devoir en saisissant le CHSCT. Le maire est condamné à trois mois de détention à son domicile avec bracelet électronique. Au civil, il avait été condamné à verser sur ses deniers personnels plus de 25 000 euros de dommages-intérêts à la plaignante en réparation de son préjudice (15 000 euros au titre de son préjudice moral, 662 euros au titre des dépenses médicales, et 10 000 euros au titre du préjudice économique tiré de son déménagement contraint). La Cour de cassation censure l’arrêt sur les seuls intérêts civils faute pour les juges d’appel d’avoir recherché « même d’office, si la faute imputée à celui-ci présentait le caractère d’une faute personnelle détachable du service ». Il appartiendra à la cour d’appel de renvoi de rejuger l’affaire sur cet aspect, les juges pouvant retenir la responsabilité civile personnelle d’un élu ou d’un fonctionnaire que s’ils qualifient à son encontre une faute personnelle détachable du service (ce qui a déjà été retenu pour des faits de harcèlement moral).
❌ Tribunal correctionnel de Marseille, 16 novembre 2022
Condamnation de trois collaborateurs d’un groupe d’élus au conseil régional pour escroquerie. Il leur est reproché de s’être fait payer indument 200 heures de présence non effectuées auprès du Conseil régional, en partageant leurs codes de connexion au logiciel de pointage de la collectivité territoriale. Après une dénonciation anonyme, le rapprochement par les enquêteurs du bornage de leur téléphone à leur présence alléguée au Conseil régional avait permis de confondre les trois collaborateurs, dont deux étaient également poursuivis pour avoir souscrit des abonnements de transport ferroviaire à l’aide de documents falsifiés afin d’en obtenir le remboursement. Les prévenus soutenaient qu’ils travaillaient depuis leur domicile. Ils sont condamnés à des peines de 4 à 6 mois d’emprisonnement avec sursis assortis d’un travail d’intérêt général de 150 heures, le tribunal soulignant que, « s’agissant de paiement indu sur fonds publics octroyés par une collectivité territoriale à des agents chargés d’une mission de service public, ces faits sont d’une particulière gravité ». Les co-prévenus devront rembourser à la collectivité des sommes allant de 2 100 à 3 600 euros au titre du préjudice matériel subi. Ils sont en revanche relaxés du chef d’accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données qui leur était également reproché.
❌ Tribunal correctionnel de Paris, 16 novembre 2022
Condamnation d’un collaborateur d’un groupe majoritaire (commune de plus de 10 000 habitants) pour injures publiques en raison de l’orientation sexuelle. Lors des élections municipales de 2020, quelques jours avant le second tour, il avait posté un message à caractère homophobe sur Facebook à l’encontre d’un candidat concurrent au maire sortant. Le tribunal retient que ces « propos, qui ont dégénéré en une attaque personnelle, ne peuvent être justifiés par une polémique politique ou un quelconque climat de tension propre à la campagne électorale alors en cours ». L’ancien collaborateur, qui a été mis à pied par son groupe, est condamné à 500 euros d’amende avec sursis et à verser 800 euros de dommages-intérêts à la partie civile.
❌ Tribunal correctionnel d’Angoulême, 17 novembre 2022
Condamnation d’un maire (commune de moins de 500 habitants) pour harcèlement sur sa femme. Il est relaxé des faits de violences. En instance de divorce avec son épouse, il lui est reproché de lui avoir envoyé une quantité astronomique de SMS malveillants. Le tribunal condamne le prévenu à six mois d’emprisonnement avec sursis probatoire, à cinq ans d’inéligibilité et une interdiction d’entrer en contact avec son épouse. Il a relevé appel du jugement principalement pour contester la peine d’inéligibilité, son avocat soulignant le caractère privé des faits et la relaxe de l’élu pour les faits de violence.
❌ Tribunal correctionnel de Bordeaux, novembre 2022*
Condamnation d’un ancien directeur d’un EHPAD public (commune de plus de 10 000 habitants) pour favoritisme après un signalement de son successeur et un rapport de la Chambre régionale des comptes. En cause des travaux de sécurisation et de climatisation de l’établissement réalisés entre décembre 2013 et mars 2015, pour un montant total de 180 000 euros. Le projet avait été décidé sans l’aval des autorités de tutelle et les marchés, passés avec la même société, n’avaient pas fait l’objet de cahier des charges, ni de contrat, ni de publicité. Pour sa défense le prévenu explique qu’il a voulu faire simple pour que les travaux soient réalisés avant l’été au regard du risque de canicule. Il est condamné à 2000 euros d’amende avec sursis.
* Date du jugement non précisée (article de presse en date du 18 novembre)
❌✅ Tribunal correctionnel de Fontainebleau, 19 novembre 2022
Condamnations de neuf sapeurs-pompiers pour détention, production ou fourniture à d’autres pompiers des faux passes sanitaires. A l’origine de l’affaire, vingt-trois pompiers - quatorze pompiers volontaires et neuf sapeurs professionnels - employés par un Service départemental d’incendie et de secours (SDIS), étaient jugés pour avoir détenu, produit ou fourni à d’autres pompiers des faux passes sanitaires alors que l’ensemble de la profession avait l’obligation d’en produire pour exercer, par le biais de la vaccination ou d’un test négatif, par la loi du 5 août 2021. Lorsque l’état-major fut alerté, la plupart s’étaient dénoncés à leur hiérarchie. A l’issue du procès, le tribunal relaxe quatorze des vingt-trois prévenus. L’un au bénéfice du doute, les treize autres au bénéfice du dispositif du repentir parce qu’ils se sont faits très vite vaccinés quand les auditions administratives ont débuté. Pour les neuf derniers prévenus, le tribunal condamne sept des pompiers volontaires à des peines allant de deux à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, un an d’inéligibilité, un an d’interdiction d’exercer la profession de pompier et au rejet de leur demande de non-inscription de leur peine à leur casier judiciaire. Enfin, le tribunal condamne les deux derniers pompiers, plus impliqués car ayant produit trois passes pour l’un, neuf passes pour l’autre, à sept mois d’emprisonnement avec sursis, avec les mêmes interdictions pour le premier ; un an d’emprisonnement avec sursis, cinq ans d’interdiction d’exercer la profession et cinq ans d’inéligibilité pour le second. Sur le plan disciplinaire, les quatorze volontaires mis en cause ont par ailleurs tous été radiés. Les sapeurs professionnels, eux, ont été suspendus avant d’être réintégrés ou révoqués selon les situations.
❌ Tribunal correctionnel de Bonneville, 21 novembre 2022
Condamnations d’une association sportive et de son représentant légal pour atteintes à l’environnement. En aout 2020, l’association avait organisé une course de VTT électriques d’une trentaine d’équipes composées de deux coéquipiers autour d’un massif montagneux. Avec un départ en Suisse, il s’avère que le passage côté français n’a fait l’objet d’aucune déclaration, ni d’autorisation préfectorale. Or le parcours de la course faisait passer les participants dans une réserve naturelle, au cœur de deux tourières rares et protégées. Le passage des VTT a entraîné la destruction de pieds d’une plante carnivore sensible et protégée : la Droséra à feuilles rondes. Quant aux arbres, certains avaient servi de balise dont les traces de peinture indélébiles sont encore visibles aujourd’hui. Le tribunal condamne le représentant de l’association à une amende de 15 000 euros d’amende et à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et l’interdiction d’organiser une manifestation similaire pendant un an. L’association est pour sa part condamné à 50 000 euros d’amende. L’un des propriétaires dont le terrain a été traversé par les cyclistes va également recevoir un dédommagement de 850 euros. Le tribunal souligne que « cette condamnation exemplaire concerne un espace naturel protégé à très haute valeur patrimoniale ». L’association a annoncé relever appel du jugement estimant que le parcours emprunté ne présentait aucune interdiction de circulation aux vélos ou vélos électriques.
❌ Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 novembre 2022
Annulation de la relaxe d’un gradé d’un SDIS poursuivi pour homicide involontaire après la mort en 2012 par asphyxie d’une sapeur-pompier au cours d’une intervention dans un entrepôt rempli de mousse anti-incendie. L’adjudant-chef avait accompagné un binôme prévu pour effectuer une reconnaissance dans le local où l’alerte s’était déclenchée mais n’avait malheureusement pas relié la victime au mousqueton fixé au ceinturon d’un des deux pompiers qui allait s’engager, comme l’exige le protocole, mais à celui du « sac de la ligne de vie ». Après quelques minutes dans l’obscurité, le pompier porteur du sac de ligne de vie, qui voulait rebrousser chemin, l’avait déposé au sol... La victime s’était retrouvée seule et n’avait pu retrouver son chemin. Contrairement aux premiers juges qui avait condamné le prévenu, les juges d’appel avaient jugé qu’aucune faute caractérisée ne pouvait en l’espèce lui être reproché dès lors qu’il avait été contraint d’agir dans l’urgence alors que le binôme de pompiers s’apprêtait à pénétrer dans les lieux. En outre le taux de viscosité anormal de la mousse a rendu la progression des pompiers difficile, les a privés de toute visibilité et a provoqué des défauts d’étanchéité des masques, occasionnant des fuites et une surconsommation en air. Par ailleurs, il ignorait quelles seraient les conditions précises d’évolution de ces collègues dans cet environnement mousseux qu’il ne connaissait pas et n’était pas en mesure d’envisager les conséquences de l’accrochage défaillant de la ligne personnelle de la victime au sac contenant la ligne-guide. Le ministère public et les parties civiles reprochaient aux juges d’appel de n’avoir retenu qu’une faute simple exclusive de toute responsabilité pénale dans le cas d’une causalité indirecte, tout en relevant que le prévenu avait bien commis une erreur d’accrochage de la liaison personnelle de la victime, élément de sécurité absolument vital dans ce type de mission en milieu confiné et sans bonne visibilité. La Cour de cassation accueille le moyen et censure l’arrêt en conséquence : la cour d’appel « ne pouvait tout à la fois retenir la nécessité d’un accrochage conforme aux règles de sécurité pour affronter un environnement inconnu dans lequel les conditions précises de progression ne pouvaient être anticipées et exclure toute connaissance d’un danger d’une particulière gravité auquel la personne concernée allait être exposée ». Il appartiendra à la cour d’appel de renvoi de rejuger l’affaire conformément au droit.
✅ Tribunal correctionnel de Marseille, 23 novembre 2022
Relaxe d’un élu régional poursuivi pour diffamation par un sénateur. Il lui était reproché d’avoir tenu des propos diffamatoires lors d’un débat télévisé, qualifiant de “cohabitation politico-mafieuse", la période durant laquelle le sénateur était président d’un conseil général et durant laquelle il “s’était entendu sur une forme gouvernance partagée du territoire” avec le maire d’une grande ville. Le tribunal considère que « les faits prétendument discriminatoires ne sont pas imputés directement » au plaignant et que « l’expression utilisée ne rapporte pas un fait précis ». Le tribunal relaxe l’élu régional.
❌ Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 23 novembre 2022
Condamnation du président d’une collectivité pour favoritisme. Il était reproché à l’élu la création d’une association « transparente », largement subventionnée par la collectivité (plus de 240 millions de francs CFP soit plus de 2 millions €), dans le but d’attribuer à un GIE un marché de transport d’enfants handicapés. Le tout sans appel d’offres pour un marché d’un montant de plus de deux cents millions de francs CFP (1 676 000 €). Pour sa défense l’élu invoquait un « cas de force majeure » et l’impératif de continuité du service public, le service n’étant plus assuré pour les enfants handicapés depuis que cette compétence ne relevait plus de la collectivité territoriale. Le commissaire aux comptes de l’association avait en 2016 porté à la connaissance du ministère public des suspicions de détournements de fonds. Il a indiqué que les kilomètres parcourus étant inférieurs aux kilomètres budgétés par la collectivité, un fonds dédié aurait dû se voir affectés 5 900 000 francs pacifiques alors que rien ne figurait dans les comptes 2014 et qu’à compter du 1er janvier 2015 le taux de remboursement a connu une augmentation de 217 %. La Cour de cassation écarte la prescription de l’action publique invoquée par l’élu (« si l’exception de prescription est d’ordre public, et peut, à ce titre, être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, c’est à la condition que se trouvent, dans les constatations du juge du fond, les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur. Ces constatations, qu’il appartenait au demandeur de provoquer, font défaut en l’espèce »), mais censure la peine prononcée. En effet les juges d’appel ont justifié la peine d’amende prononcée au regard notamment du préjudice résultant de l’infraction. Or le préjudice n’est pas un critère d’appréciation du quantum de la peine. D’où la censure de la Cour de cassation sur ce point.
❌ Cour d’appel de Bourges, 24 novembre 2022
Relaxe d’un employé communal (commune de plus de 10 000 habitants) poursuivi pour dégradations de bâtiment public après avoir tagué des messages anti passe-sanitaire accompagnés du symbole anarchiste sur la façade de la médiathèque où il travaille. L’agent contestait être l’auteur de l’inscription mais ne se cachait pas de souscrire au message tagué sur l’ouvrage public. Il a refusé de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à l’identification de son empreinte génétique (faits pour lesquels il est également poursuivi). Les caméras de vidéosurveillance ont permis d’identifier son véhicule à proximité de la médiathèque la nuit où les faits ont été commis et le bornage de son téléphone a confirmé sa présence sur les lieux. La cour d’appel infirme néanmoins le jugement de première instance et le relaxe pour les dégradations. En revanche la cour d’appel confirme sa condamnation à 500 euros pour le refus de se soumettre au prélèvement biologique.
❌ Tribunal correctionnel de Guingamp, 25 novembre 2022
Condamnation d’un agent communal pour injures et menaces envers le premier adjoint du maire (commune de moins de 1000 habitants). Il lui est reproché de s’être arrêté de nuit avec sa voiture devant le domicile du 1er adjoint et d’avoir crié, klaxonné, fait des marches avant et arrière pendant dix à quinze minutes. La femme de l’élu, réveillée, serait alors sortie, avant d’être insultée et menacée. Pour sa défense, le prévenu prétexte être tombé en panne d’essence. Il justifie Les coups de klaxon par le fait qu’il était en colère. Il assure aussi qu’il n’était pas devant la maison de l’élu, mais « 100 à 200 m plus loin ». Et qu’il a pu repartir grâce à un bidon d’essence qu’il avait dans le coffre. En situation de récidive après une première condamnation, l’agent est condamné à six mois d’emprisonnement ferme en plus de la révocation partielle du sursis. Il devra également verser un euro symbolique de dommages et intérêts au premier adjoint.
❌ Cour d’assises du Gard, 25 novembre 2022
Condamnation d’un maire (commune de moins de 1000 habitants) pour agression sexuelle, harcèlement sexuel et viol d’une employée communale dans les toilettes du foyer communal du village. Pour sa défense l’élu soutenait que la relation sexuelle était consentie et s’étonnait que la victime ait attendu trois ans avant de déposer plainte. Selon la plaignante, l’élu aurait usé de son pouvoir et de son poste pour la menacer de perdre son travail si elle lui résistait. La cour d’assises condamne le maire à douze ans de réclusion criminelle et dix ans de privation de droits civiques. Dans ses motivations, la cour d’assises souligne l’absence de prise de conscience de la part de l’élu de la gravité de ses transgressions. L’élu a relevé appel de la décision.
❌Tribunal correctionnel d’Albi, 29 novembre 2022
Condamnations de quatorze anciens conseillers municipaux (commune de moins de 10 000 habitants) poursuivis pour injure publique envers un corps constitué, un fonctionnaire, un dépositaire de l’autorité ou un citoyen chargé d’un service public. En avril 2021, ces quatorze élus, membres de la majorité mais opposés au maire et à sa façon de conduire les affaires de la commune, avaient publié dans leur journal des contenus jugés insultants et diffamatoires. Le journal avait été avait été distribué dans 4000 boîtes aux lettres de la commune. Après une première plainte classée sans suite, le maire avait alors déposé plainte avec constitution de partie civile. Le tribunal condamne chacun des quatorze élus à une amende de 300 euros avec sursis et a accepté la constitution de partie civile du maire. Ils devront lui verser un euro chacun au titre des dommages et intérêts. Le tribunal rejette cependant la plainte avec constitution de partie civile de l’adjointe au maire et relaxe les quatorze prévenus également poursuivis pour injures publiques.
✅ Tribunal correctionnel d’Amiens, 29 novembre 2022
Relaxe d’un ancien élu d’opposition (commune de moins de 3500 habitants) poursuivi pour injures publiques et diffamation sur plainte du maire. Il lui était reproché la publication de deux articles dans le journal de l’opposition. Plaidant le débat d’intérêt général, il est relaxé.
❌ Tribunal correctionnel de Paris, 29 novembre 2022
Condamnation d’un élu d’opposition (commune de plus de 10 000 habitants) reconnu coupable d’injures publiques, d’outrages et de diffamations à l’encontre du maire. Il lui est reproché la publication de cinq articles sur son blog et dans lequel il prenait à partie le maire dans des termes particulièrement grossiers et insultants... Le tribunal le condamne à une amende de 500 € et à verser 1000 € de dommages et intérêts au plaignant. Le prévenu a aussitôt relevé appel du jugement, annonçant qu’il était prêt à aller jusque devant la Cour européenne des Droits de l’Homme.
❌ Cour de cassation, chambre criminelle, 30 novembre 2022
Condamnation de cinq militants associatifs pour vol en réunion après avoir décroché et subtilisé le portrait du président de la République dans des mairies pour alerter l’opinion sur « l’inaction climatique et sociale ». Relaxés en première instance au nom de la liberté d’expression, ils avaient été condamnés en appel avec dispense de peine. La Cour de cassation rejette leur pourvoi au motif qu’elle « est en mesure de s’assurer que, bien que l’action menée par les prévenus se soit inscrite dans le cadre d’une démarche militante et puisse être considérée comme une expression au sens de l’article 10 précité, la déclaration de culpabilité assortie d’une dispense de peine n’est pas disproportionnée au regard de la valeur symbolique du portrait du Président de la République, de l’absence de restitution, ainsi que de la circonstance que les vols ont été commis en réunion. » En effet « dans le cas particulier d’une poursuite du chef de vol, doivent notamment être pris en compte la valeur matérielle du bien, mais également, le cas échéant, sa valeur symbolique, ainsi que la réversibilité ou l’irréversibilité du dommage causé à la victime. »